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Une association légitime, un juste jugement et une justice grandie

Publié le 30 mars 2009 par Petiterepublique

autocolant-ehlgÀ l’origine il y avait la volonté pour une partie du monde paysan du Pays Basque qu’il soit créée une chambre de l’agriculture propre à cette région, afin de coller aux spécificités locales. Face au refus catégorique du représentant de l’État et de ses services, certains paysans, issus principalement de la confédération paysanne (représentation majoritaire dans le Pays-Basque) ont pris l’initiative de créer l’association Euskal Herriko Laborantza Ganbara (EHLG), ou Chambre d’agriculture du Pays Basque en langue française. Les statuts de l’association, conformes à la loi de 1901, ont été valablement déposés le 15 janvier 2005. Elle regroupe aujourd’hui 1440 donateurs, compte 10 salariés, et son propos fondamental est d’œuvrer pour le développement d’une agriculture durable en Pays Basque, soit un objet on ne peut plus louable. Mais, c’était sans compter sur l’État français et ses services déconcentrés, puisque plainte fut déposée par le Préfet du département afin d’entraver le développement de l’association EHGL.

L’action introduite par le Préfet du département se fondait sur la prétendue confusion que pouvait entretenir le nom de l’association avec celui de la Chambre d’agriculture [1] des Pyrénées-Atlantiques avançant notamment que l’appellation et les missions de EHLG étaient «de nature à créer dans l’esprit du public une confusion avec l’exercice d’une fonction publique ou d’une activité réservée aux officiers publics ou ministériels, et en l’espèce une confusion avec la chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques» . En fait, seul ce fondement juridique était avancé afin d’actionner la justice pénale, révélant ici toute la mauvaise foi ainsi que les intentions réelles qui se cachaient derrière cette tentative de manipuler la justice. En effet, la Chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques, soutenue par de puissants lobbies agro-industriels, vivait très mal les revendications de ces paysans tournés vers une agriculture alternative, écologiquement responsable, solidaire et proche des réalités culturelles et environnementales du Pays Basque. La menace pour l’association alternative était on ne peut plus claire puisque le but était de faire disparaître cette structure pourtant bien ancrée dans son territoire, mais qui allait franchement à l’encontre d’intérêts parfaitement divergents. Plus particulièrement, ce combat légitime entendait dénoncer tous ceux qui agissent dans le sens d’une plus grande concentration des exploitations agricoles à vocation intensive, collant ainsi à la politique clairement défendue par une FNSEA toujours aussi dominatrice, véritable porte flambeau d’un secteur agro-industriel prêt à tout pour accroître ses profits et asseoir son pouvoir [3].

Dés lors, au regard de ces éléments ainsi que des forces en présence, sans oublier la forte connotation symbolique qui imprégnait les débats, il y avait de quoi être pessimiste quant à la décision judiciaire qui devait être rendue, et nombre d’observateurs ne donnaient pas cher de la peau de l’association Euskal Herriko Laborrantza Ganbara. Et pourtant, les magistrats du tribunal de grande instance de Bayonne, dans une décision pleine de bon sens [2], rendue le 26 mars dernier, d’incliner sans ambiguïté en faveur du monde paysan basque en relaxant l’association ainsi que son dirigeant. Justice était rendue, et le président de EHLG, Michel Berhocoirigoin de ne pas cacher son immense joie communicative à l’annonce de cette décision favorable. Le soulagement était bien entendu de mise dans les rangs des membres et proches de l’association, tous engagés dans une dynamique alternative et salvatrice, pour une agriculture autre, positionnée au plus loin des dogmes imposés par les méthodes employées dans les pratiques agricoles intensives depuis maintenant un demi siècle. Non, ont affirmé les juges du siège, ni les missions, ni l’intitulé de l’association ne peuvent se confondre avec l’institutionnelle chambre de l’agriculture des Pyrénées-Atlantiques, et encore moins les objectifs fixés qui ne laissent aucune place au moindre doute quant à la nature de l’association EHLG. À la sortie de l’audience, devant le palais de justice de Bayonne, Michel Berhocoirigoin de déclarer « c’est une victoire pour la démocratie », n’omettant pas de rappeler (en langue française et en langue basque) combien l’association avait fait l’objet depuis sa création de harcèlements multiples et incessants de la part de certaines administrations et autres officines qui gravitent dans le monde trouble d’une certaine agriculture toute puissante. Mais le droit ici ne pouvait se défiler en contournant toute notion de justice, il s’est appliqué avec toute la force que lui confère l’autorité de la chose jugée, même si cette décision fera certainement l’objet d’un appel qui sera examiné par les magistrats du second degré de la cour d’appel de Pau. On imagine bien les enjeux qui pèseront sur ces nobles juges, gardiens des lois de la République, véritables faiseurs de jurisprudence, cette source du droit en perpétuelle évolution.

Mais il n’aura échappé à personne que le contexte général est propice aux tentatives de manipulation les plus douteuses, dont certains citoyens engagés font encore les frais. Dans ce sens, l’association EHLG s’est toujours définie positivement, se voulant porteuse d’un message clair empreint de non violence qui ne peut faire l’objet d’aucune confusion. En outre, ni l’État jacobin actuel, ni la justice, ni les opinions publiques, et encore moins les paysans du Pays Basque n’ont besoin d’une injustice supplémentaire. Bien à l’inverse, les citoyens de France, du pays Basque, et de ce monde, réclament plus de justice pour le plus grand nombre. Par ailleurs, le fond de ce contentieux exemplaire concerne les libertés publiques Républicaines les plus fondamentales dans nombre de ces aspects, et c’est ce qui lui confère une importance qui doit concerner tous les citoyens attachés aux notions de justice et de démocratie. L’affaire est donc tout à fait emblématique, incarnant une lutte digne et responsable portée par des personnes éclairées qui ne souhaitent plus que leur destin, ainsi que leur environnement (au sens le plus large), soient remis entre les mains de consciences négatives qui avancent à contre courant du vivant au nom d’intérêts lucratifs mis au service de la captation du pouvoir. Alors, n’hésitons pas souhaiter longue vie à Euskal Heriko Laborantza Ganbara, ainsi qu’à toutes les multiples initiatives citoyennes porteuses d’alternatives vitales pour l’humanité.

[1] Les chambres d’agriculture

[2] La décision du tribunal correctionnel de Bayonne

[3] Les pesticides en France, Ifen

Illustration: Le logo de l’association EHLG, une fleur à 6 pétales, symbolisant les valeurs cardinales de l’agriculture paysanne: L’autonomie, la transmissibilité, la répartition, le travail avec la nature, la qualité des produits, le développement local.

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