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On ne sortira pas de nos chaînes en luttant contre l’U.E. par la voie souverainiste, mais en imposant le peuple comme sujet politique marxiste (II)
Publié le 30 mars 2009 par LalouveJe poursuis ma publication...
Objectif: convaincre que se qui se livre aujourd'hui c'est bien une bataille de la nation (ce qu'elle est devenue) contre le peuple avec le soutien plein et entier de l'UE...et qu'il faut donc abandonner la voie obsolète de la défense de la nation pour s'approprier celle de la défense du peuple et de la république (la vraie!)
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2. La France, oublieuse de la République, fondée sur la souveraineté nationale, et corsetée par la démocratie bourgeoise.
La souveraineté en France EST nationale, et non pas populaire.
C’est bien ce qui rend la construction de l’UE possible.
De mon point de vue, pour entamer toute discussion sérieuse sur ce sujet, c'est fondamental de bien lire et de comprendre ce que signifie cet article 3 de la Constitution de 1958 (qui vient de loin).
Oui, on y lit que la souveraineté nationale "appartient au peuple" MAIS surtout on lit que la souveraineté EST d'abord nationale.
J’ouvre une parenthèse : Je crois que dans nos analyses politiques, nous sommes gravement handicapés par un certain révisionnisme que je dirais stalinien (et ça ne concerne pas que le PCF) des thèses marxistes et léninistes que nous avons subies pendant des décennies.
Souvent quand je discute avec des camarades étrangers, ils sont surpris que le PCF français, voire, le communisme en France, soit encore aussi sclérosé et dépendant de conceptions héritées de la IIIè Internationale post-léniniste. Cela a une explication assez simple je pense.
Du fait de notre tradition jacobiniste (y compris « à gauche » ), terreau fertile pour ce révisionnisme (puisque Staline, dont on connait les difficiles rapports avec le marxisme, était bien ce que Lénine lui-même appelait un chauvin, un nationaliste au fond, qui a contribué à construire l’impérialisme soviétique), nous avons été un des PC les plus profondément touchés par cela, même chez de très nombreux camarades de bonne volonté et de grande intelligence. C’était en fait la rencontre de deux cousins.
Je note également que le PCF, au « temps de sa splendeur », s'il a connu beaucoup de poètes, de philosophes, d'ingénieurs, d'historiens, et d'économistes dans ses « intellectuels » n'a eu quasiment aucun juriste de talent dans es rangs. Cette ignorance , ce mépris même d’une réalité politique qui s’appelle le Droit, fondée sur la vieille antienne gauchiste que « le droit c’est bourgeois » est révélateur de la dégénérescence idéologique qu’a commencée à subir le PCF à partir des années 40.
C’est pour cela aussi que la France est un des pays d'Europe où le trotskisme, en tant que symbole et force antistalinistes aussi, est resté le plus virulent, le plus vivace, corrélativement. Il correspondait à une nécessité dans le mouvement communiste.
Mais revenons à nos « moutons »:
Je ne reprends pas ici in extenso l’analyse politique du concept de « nation » aujourd’hui qui m’amène à poser comme hypothèse que la nation exprime d’abord la coalition héritée des Lumières entre petit-bourgeois, paysans et bourgeois, en quelque sorte « contre » les prolétaires et notamment contre les ouvriers.
C’est la théorie de la nation comme condition politique du développement, plutôt, de l’expansion du capitalisme en France au moment de la Révolution, en gros.
Je ne reviens pas sur le fait que je ne nie pas que cela existe (encore faut-il voir dans quelles conditions autoritaires cette existence a-t-elle été rendue possible cf. abandon des langues régionales, des coutumes, des parlements locaux, remplacés par la « décentralisation » et la « déconcentration » partielle), que cela ait pu être nécessaire à l’émancipation, je connais la nécessité de replacer la naissance des contextes politiques modernes dans un certain contexte, je ne nie pas que le sens de ce concept n’est pas figé et a évolué (à la marge selon moi)…
Mais, cette hypothèse de la nation comme expression politique d’une coalition, à l’époque émancipatrice, révolutionnaire, mais coalition figée, articulée autour de la bourgeoisie (bourgeoisie qui s’est ensuite débarrassée politiquement et économiquement de ses encombrants alliés), c’est l’hypothèse à laquelle je tiens le plus, et personne ne m’a démontré encore la fausseté de cette hypothèse.
Dans le cadre bourgeois de l'interprétation et de l'application de la constitution française qui est le notre actuellement, ce terme de "peuple" ne veut pas dire grand chose pour nous, MAIS c'est une brèche importante de lutte politique contre le capitalisme, brèche dans laquelle malheureusement nous ne nous engouffrons pas.
La plupart du temps, nous nous contentons de répéter, parfois assez bêtement « souveraineté populaire » (après avoir dit avant « indépendance nationale »…) – bien !
(Question : mais c’est quoi la « souveraineté populaire » « dans l’absolu » ? C’est quoi d’ailleurs la réflexion politique « dans l’absolu » sur ce type de sujets, sinon du pur idéalisme?)
Et tout en disant « nous défendons la souveraineté populaire » (ce qui est vrai dans l’intention pour beaucoup de communistes mais faux dans les faits pour des raisons tenant toutes à cette erreur d’analyse à la base), nous défendons finalement d’abord la nation !
Alors oui, nous devons ENFIN nous engouffrer dans cette brèche (la dernière qui nous reste ouverte avant le fascisme). Celle du PEUPLE.
Justement parce que AUJOURD’HUI il n'y a pas de reconnaissance POLITIQUE du "peuple-classe", puisque la citoyenneté (c’est-à-dire le lien entre le peuple, l'Etat et le territoire, en résumé) est définie par l'appartenance nationale, et parce que de souveraineté (au sens démontré magistralement par le Carl Schmitt époque nazie, qui a « bien eu » Hindenburg et la République de Weimar finalement: "Est souverain celui qui décide en situation exceptionnelle"), il n'y a de souveraineté reconnue en France que nationale.
Est ce un hasard ? Non.
Est-ce que c’est une nécessité ? Est-ce que « scientifiquement », du point de vue de la théorie de l’Etat, de la théorie constitutionnelle, c’est parce qu’on ne peut envisager une souveraineté autre que nationale (ce qui serait la preuve par A + B que je me trompe) que c’es ce qui existe chez nous?
– NON !
Il existe au moins une autre souveraineté que nationale, c’est la souveraineté populaire, et elle a existé comme réalité politique dans la Constitution de l’AN I en France par exemple (pas de bol il y a eu la guerre, la Terreur etc. – donc, aux oubliettes).
De mon point de vue, donc, tenter de nous débarrasser de l'Union Européenne, en invoquant la « souveraineté de la nation », ou son « indépendance », ça n’est que renforcer nos fers (si on admet ma théorie que l'Union Européenne est encore fondée sur les Etats-Nations, même diminués ou rabougris). C'est le noeud coulant - plus on tire plus il étrangle.
Je m'explique davantage encore.
Ce débat sur l'utilité, la nécessité pour nous communistes, de "valider" politiquement la nation, débat que nous avons depuis des décennies ici, ce n'est pas/plus le notre. C'est ce que je veux dire quand je dis, peut être était-ce une piste pertinente en 40/50, aux débuts de la construction de l'Union Européenne. Mais l'est- ce toujours? Le monde n'a-t i l pas changé depuis? Si oui, comment?
On ne peut pas oublier, dans nos analyses politiques que la bourgeoisie n’est pas uniforme, qu’elle n’a pas les mêmes intérêts particuliers pour tous et qu’entre les capitalistes, il y a une féroce concurrence aussi. C’est la base de la théorie que Lénine développera sur le thème de l’impérialisme. Il l’explique et le démontre parfaitement dans « Impérialisme stade suprême du capitalisme ».
J’en viens donc à la conclusion que ce débat (« UE vs indépendance nationale »), comme nous y participons, c'est en réalité celui de deux idéologies capitalistes qui s'affrontent - celle qui représente le capitalisme financier mondialisé vs le capitalisme plus industriel, local, disons, cette frange du capitalisme "local" qui tente de résister à la nouvelle vague de concentrations et mondialisation que va provoquer la crise actuelle, contre les plus "petits".
Les premiers cités, les très gros ont, je pense, en toute logique, un grand intérêt à défendre l'UE - Etat unitaire, (ce n'était pas la conception giscardienne par hasard , ce vieux croqueur de diamants connaît trop bien la chanson), et les plus petits, disons les capitalistes plus "protectionnistes", eux, ont intérêt à défendre, pour rester concurrentiels, un cadre plus restreint, qui leur laisse une possibilité d'agir sur les économies locales via l'Etat-nation justement, dont ils dépendent pour vivre bien plus que leurs comparses.
Moralité à ce stade : en basant notre combat contre l’Union Européenne, légitime, juste, nécessaire, sur un pivot qui est malgré tout ce que nous pouvons en dire, "souverainiste", nous nous plaçons ouvertement aux côtés des capitalistes de "moyenne taille". Nous acceptons même de servir leurs desseins (je sais j’entends des camarades, toujours les mêmes qui hurlent « gauchiste » !). Lisons jusqu’au bout voulez-vous ?
Je ne dis même pas que nous nous placerions aux côtés des "petits bourgeois". Je dis que nous appuierions les héritiers directs de ceux dont Lénine parlait déjà dans "Impérialisme stade suprême du capitalisme".
C ‘est à dire ceux qui sont appelés à se faire dévorer par plus gros qu’eux.
C'est là que le révisionnisme staliniste dans la re-lecture de Lénine joue à plein, puisque c'est cette relecture qui va commander, alors, de faire cette alliance avec les plus petits capitalistes pour, soi disant, contrer les très gros.
Comme si Lénine avait jamais pu conseiller une chose aussi monstrueuse, lui qui, justement a écrit maintes fois, dans ses controverses avec Trotski, ou Kautsky, le contraire!
Et en outre à supposer que la stratégie que j’appellerais stalinienne ait pu être valable à une époque où existait un impérialisme soviétique capable d’en imposer à une partie de la bourgeoisie française, est-on encore dans ce cas ? Non il me semble. Ce serait donc David qui donnerait à manger à Goliath en ayant oublié sa fronde à la maison!
Et c'est là que la notion de souveraineté nationale, d’indépendance nationale, nous fait un tort considérable (pour d'autres raisons également, et je n'y reviens pas ici, mais quelles que soient les pincettes qu’on prend, c'est bien le terreau du transfert d'une partie de l'électorat PCF au FN dans les années 80/90).
(..) A suivre!