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Louis de Grenade : méditation avant de communier (1)

Publié le 31 mars 2009 par Hermas
Dans l'article précédent, nous avons évoqué, avec le P. Ramirez, la haute figure de Louis de Grenade, grand prédicateur et apôtre de la Contre-Réforme espagnole. Il nous a paru intéressant de publier ici une de ses oeuvres, fort peu connue en France, qui est une méditation sur l'eucharistie. Certes, on pourra nous opposer que le style en paraît quelque peu désuet, mais l'objection tiendrait probablement plus à notre incapacité de recevoir une nourriture solide qu'à la qualité de cette dernière.
Nous sommes, à bien des égards, des gens qui avons perdu la mémoire de beaucoup de choses, en particulier dans ce qui a rapport à la vie chrétienne. Le spectacle dominical des colonnes parfois distraites, décontractées, voire  rigolardes qui montent à l'autel pour recevoir la sainte communion,  ou en reviennent, les bruits de hall de gare qui précèdent ou suivent les messes et les tenues nonchalantes qui en accompagnent souvent le cours donnent à penser que nous n'avons pas peu à recevoir de maitres spirituels qui eux, avaient un sens très élevé de la grandeur de l'eucharistie et de la présence de Celui qui nous y attend. Encore ne parle-t-on pas ici de l'oubli dans lequel se trouvent un grand nombre, parce que cela n'est plus enseigné, des conditions posées par l'Eglise pour recevoir l'eucharistie, au premier rang desquelles figure, pour un baptisé, l'absence de conscience d'avoir commis un péché grave non confessé.

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Méditation avant la sainte communion
pour réveiller en son âme la crainte et l'amour de ce très saint sacrement


par Louis de Grenade

Louis de Grenade : méditation avant de communier (1) Qui es-tu, Seigneur, et qui suis-je, moi, pour oser aller à toi? Qu’est-ce que l’homme, pour recevoir Dieu en lui, son créateur ? Qu’est-ce que l’homme, sinon un vase de corruption, un fils du démon, un héritier de l’enfer, un faiseur de péchés, au mépris de Dieu, et une créature toute incapable de bien et toute puissante au mal ? Qu’est-ce que l’homme sinon un animal misérable en tout, aveugle en ses conseils, vain dans ses œuvres, souillé dans ses appétits, déraisonnable dans ses désirs et finalement, en toutes choses, petites ou grandes, ne se confiant qu’en lui-même ? Voilà, en définitive, Seigneur, ce que je suis.

Mais toi, en revanche, qui es-tu ? Tu es grand, sans quantité, bon sans qualité, sage sans mesure, et éternel hors du temps. Tu es infini en grandeur, tout-puissant en vertu, immense en sagesse, admirable en tes conseils, terrible en tes jugements, parfait et achevé dans toutes les vertus. Comment une créature aussi vile et souillée osera-t-elle aller à son Dieu, d’une si grande majesté ? Les étoiles ne sont pas pures devant ta face, les colonnes du ciel tremblent devant toi, les plus hauts des séraphins inclinent leurs ailes et se tiennent pour de pauvres vermisseaux en ta présence. Comment une si vile et si basse créature osera-t-elle te recevoir en elle ? Le saint Baptiste, sanctifié dans les entrailles de sa mère, n’a pas osé touché ta tête, il ne s’est pas jugé digne de dénouer la courroie de tes sandales. Le prince des apôtres, en écho, a dit : « Ecarte-toi de moi, Seigneur, parce que je suis un pécheur ». Comment oserai-je m’approcher de toi, moi, qui suis chargé de tant de péchés ?

Si seuls ceux qui étaient purs et sanctifiés pouvaient manger de ces pains posés sur la table du temple, devant Dieu – pains qui n’étaient pourtant qu’une figure de ce mystère – comment oserai-je, moi, si éloigné de la sainteté, manger le Pain des anges ? Dieu avait ordonné que l’agneau pascal, qui était aussi la figure de ce sacrement, ne soit mangé qu’avec du pain sans levain et des herbes amères, les pieds chaussés et les reins ceints. Comment oserai-je donc m’approcher du véritable Agneau pascal sans avoir rien de tout cela ? Qu’en est-il du pain azyme, sans levain de malice ? Qu’en est-il des herbes amères de la véritable contrition ? Où sont la pureté des reins et la propreté des pieds que sont les saints désirs ? Je crains, d’une grande crainte, l’accueil qui me sera fait à cette table si je m’en approche sans être ainsi vêtu. Celui qui n’était pas revêtu de l’habit de noce – qui est la charité elle-même – en a été chassé, et il fut jeté, pieds et poings liés, dans les ténèbres extérieures. Qu’est-ce que j’espère d’autre moi-même si je m’avise de m’en approcher de la même manière ? Oh, regard divin, auquel n’échappe aucun recoin de nos âmes ! Qu’en sera-t-il de la mienne si je me présente ainsi dépouillé devant lui ?

Toucher l’arche d’Alliance – qui n’était pourtant encore qu’une figure de ce mystère – fut considéré comme une faute si grave que le prêtre qui l’a touchée, appelé Oza, fut châtié par une mort violente. Comment n’encourrais-je pas le même châtiment si je reçois indignement Celui-là même dont l’arche était l’image ? Les Betsamites n’ont fait que regarder avec indiscrétion cette même arche de l’ancien Testament qui passait par leurs terres, et cela a suffi, selon les saintes Ecritures, pour que Dieu mette à mort cinquante mille hommes de leur peuple pour ce péché. Qu’il y a là de quoi faire trembler tous les cœurs ! ils n’ont pas méprisé l’arche, ils ne lui ont pas fait mauvais accueil, bien au contraire, ils se sont réjouis de son passage, l’ont fêtée et lui ont offert des sacrifices. C’est le simple fait de l’avoir regardée avec indiscrétion qui a été puni par le sang répandu de tant d’hommes. Qui craindrait un tel châtiment pour un tel délit, de la part d’un Dieu si bon ? Et pourtant, ô Dieu miséricordieux et terrible, comme ton sacrement est plus grand que cette arche ! Comme il est plus grand de te recevoir que de te regarder ! Comment ne pas trembler en allant recevoir un Dieu si grand et si juste ? Disposerais-je d’un nombre infini d’années pour me préparer à recevoir une seule fois ce sacrement avec la pureté des anges que je ne serais pas encore digne de le recevoir. Qu’en sera-t-il alors si j’y suis mal disposé ?

Et si j’ai déjà tant de raisons de craindre en considérant ta seule grandeur, de quelle crainte ne devrais-je pas être saisi au regard de mes péchés et de ma malice ? J’ai souvenir, Seigneur, de tant de fautes graves que j’ai commises en ce monde contre toi. Il fut un temps – et plaise à ta miséricorde qu’il n’en soit pas toujours ainsi – où tu étais pour moi l'être le plus oublié et le moins aimé, beauté infinie, et où la poussière des créatures avait plus de valeur à mes yeux que le trésor de ta grâce et l’espérance de ta gloire. Mes désirs étaient la loi de ma vie, mon obéissance était acquise à mes appétits. Je ne tenais pas plus compte de toi que si je ne t’avais jamais connu. Je suis cet aveugle qui dit en son cœur : « Il n’y a pas de Dieu », parce que j’ai vécu un temps comme si je croyais qu’il n’y en eût pas. Je ne travaillais jamais pour l’amour de toi, ni ne te craignais pour ta justice, jamais je ne m'écartais du mal à cause de tes lois, jamais je ne te remerciais des bienfaits que je te devais, et le fait de savoir que tu étais présent en tout lieu ne me dissuadait jamais de pécher devant toi.

J’ai cédé à mes yeux tout ce qu’ils ont désiré, je n’ai rien refusé aux caprices de mon cœur. En quel genre de mal ne s’est pas déjà introduite ma malice ? Que fut donc ma vie sinon une guerre perpétuelle contre toi, et un renouvellement de tous les martyres que tu as souffert pour moi ? Combien de fois, pour la satisfaction passagère d’un plaisir, ou pour un peu d’argent, ne t’ai-je pas vendu, comme un autre Judas ? Comment m’approcherai-je donc de toi, maintenant, pour te recevoir, sinon comme l’a fait Judas lui-même pour te donner le baiser de paix après t’avoir vendu ? Qu’ai-je fait les autres fois où j’ai communié, quand je t’ai ensuite offensé, sinon te frapper et me moquer de toi avec les soldats, qui tantôt se mettaient à genoux comme pour t’adorer,  et tantôt te frappaient de verges pour te blesser ?

(à suivre)

© Traduction Hermas.info


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