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Le Pays Basque

Publié le 06 septembre 2007 par Vincent Turquois

C’est un pays à cheval sur deux autres, dont il conteste régulièrement avec fracas les autorités respectives. Les résidences secondaires explosent parfois la nuit et les agences immobilières flambent, ce qui n’étonne pas puisque les prix des maisons qu’elles affichent le font aussi. Une simple propagation en quelque sorte. « Le Pays Basque n’est pas à vendre » est-il écrit sur les murs au petit matin. Ça tombe bien, on n’a pas les moyens. Ces traces proches de luttes qui semblent lointaines aux touristes font partie du paysage et alimentent les pages régionales de Sud-Ouest. On s’y habitue sans qu’elles n’inquiètent. Et puis un jour, le quotidien annonce la découverte d’une cache d’armes à Biarritz. Exactement dans le parking où, pour échapper à la corvée du stationnement, on se gare grâce à un autochtone de connaissance. Connaît-on toujours bien ses amis, sa famille ? On s’interroge le temps d’une soirée. Très vite toutefois, il apparaît que le locataire, collectionneur un peu particulier, est déjà en prison, ce qui explique qu’il n’ait pas pu débarrasser les lieux avant la fin du bail. On respire.

C’est un pays où l’herbe est verte et grasse. Cela est ravissant et confortable pour s’étendre et rêver mais ce résultat ne peut être obtenu que grâce à des arrosages naturels nourris pouvant se révéler fâcheux lorsqu’ils s’invitent durant des saisons attendues sèches. De fait, on débarque dans le Sud-Ouest en plein été pourri et la région ne se distingue pas des autres sur ce plan. La pluie dégouline et rebondit sur elle-même ; elle ruisselle sur les routes et pisse sur les vaches qui paissent. Les alertes oranges se multiplient et les drapeaux rouges sont hissés sur des plages occupées par des gens tout habillés, puis complètement désertées. La mer est boueuse comme si le sable profitait de cet abandon pour se baigner enfin. Un peu plus loin, le déluge fait apparaître entre Bayonne et Saint-Jean-de-Luz un long ver de terre composé de centaines de voitures qui rampent lentement à la recherche d’activités supportant l’humidité. En matinée dans un sens et le soir dans l’autre.

C’est un pays où il fait bon reprendre des forces ou perdre des formes. On plonge dans la boue, on nage dans les plantes, on se fait masser et l’on ne mange que légumes et herbes, fruits et feuilles vertes, le tout arrosé du jus de la cuisson à la vapeur. Tout pour déplaire aux gros appétits. Pourtant, il paraît qu’il est là, en vacances du pouvoir. Entre le tout et le rien. Un jour, on se promène dans le vent – on se dit qu’à défaut de soleil, on est au moins à la mode – et on le croise, assis à une terrasse, dans le vent lui aussi. Autour de lui, c’est comme à confesse, on fait la queue pour poser à ses côtés sur la photo. On ne sait jamais, ça peut servir ; il sera toujours temps de la cacher plus tard, si elle devient gênante. La pluie s’annonce et Maman se met à l’abri. Lui reste assis sous les gouttes, sans trop bouger, se demande sans doute quand il pourra manger ; il sourit à chaque nouvelle sollicitation puis reprend sa paille le visage éteint, l’esprit à d’autres échéances moins aérées.

C’est un pays où les fêtes durent plusieurs jours. A Villefranque par exemple, c’est vendredi, samedi et dimanche, sans oublier l’apéritif des quartiers le jeudi soir. Une journée est annoncée pour les enfants ; on y va puisqu’on est équipé. Ce sont des courses de trottinettes, que l’on observe d’abord un peu inquiet parce que sur la piste, ça tombe comme à Gravelotte. A chaque tour, un concurrent se vautre et, à chaque fois, il est relevé, en sang, en pleurs, mais il est relevé, parce que bon, mon p’tit gars, on est au Pays Basque voyons. On lance finalement sa progéniture qui se classe plutôt bien sans encombre. On est content, on va partir, on ne connaît personne. Et alors ? On est au Pays Basque, il y a un goûter. Les sodas pétillent devant les yeux des enfants, les gâteaux fondent dans leurs doigts chocolatés et les bonbons sont avalés en rangs serrés. On est vraiment ravi, on va partir. Pourquoi ? Au Pays Basque, on offre aussi des cadeaux. Des cartons entiers disposés sur les tables. Un par enfant. Non, deux finalement. Puis, les cartons ne semblant pas se vider, chacun est appelé à prendre tout ce qu’il souhaite, annonce qui fait naître une jolie ruée.

Pour un peu, on resterait bien au bal costumé du soir, si la route n’était pas au programme du lendemain. « Le Pays Basque n’est pas à vendre » ? Ce doit être pour ça qu’il est généreux.

Turquois

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