Magazine France

Crise : Sarkozy le moralisateur ... de pacotilles ?

Publié le 02 avril 2009 par Juan
Crise : Sarkozy le moralisateur ... de pacotilles ?
Le 1er avril 2009, le G20 a donc débuté à Londres. Ce n'était pas un poisson d'avril, et pourtant ça y ressemble furieusement. Quelques heures auparavant, Nicolas Sarkozy a invité Jean-Pierre Elkabach à l'Elysée pour une intervention radiophonique, avant son conseil des ministres et son départ pour le Royaume Uni. Dans la capitale britannique, les manifestants de tous ordres n'avaient que faire des rodomontades du président français. Ils voulaient, eux, vraiment casesr du banquier.
En France, Sarkozy est content de lui
Le président français était interrogé mercredi 1er avril sur Europe 1, par Jean-Pierre Elkabach, en direct du salon Murat de l'Elysé. Quarante minutes d'intervention pour réaffirmer la position franco-allemande sur le G20, et réagir à quelques sujets d'"actualité."
"Le simple fait d'appartenir à une bande armée, menaçante (...) sera punie d'une peine de 3 ans d'emprisonnement." Espérons que les bandes établiront rapidement des cartes de membres afin de faciliter leur identification. A propos de sa "banane", Nicolas Sarkozy s'est justifié : il ne faisait que répondre à la question d'un député UMP qui s'inquiétait de son endurance. Il est fort, il est grand, il ne renonce jamais: "Est-ce que vous croyez que l’on attend du chef de l’Etat qui a été élu pour réformer la France face à une crise sans précédent qu’il soit déprimé, qu’il renonce. Moi je me suis construit politiquement autour deux phrases. François Mitterrand qui disait 'Mais enfin contre le chômage on a tout essayé, il n’y a plus rien à faire'(...). Et Lionel Jospin, au moment de Vilvorde, qui lève les bras au ciel et qui dit 'On y peux rien'." Moi je prends un engagement devant les Français : jamais ils ne m’entendront dire ça. Voilà la réponse que je voulais faire."
Après avoir affirmé avoir tenu ses promesses à Gandrange, le voici qu'il en fait d'autres, aux salariés de Caterpillar cette fois-ci: il va "sauver le site" de l'entreprise en Isère. Ces salariés ont relâché les 4 cardres dirigeants qu'ils retenaient depuis la veille.
Quelques heures plus tard, il partait à Londres.
A Londres, Sarkozy fait son numéro
Mardi soir, le texte d'accord du G20 ne satisfaisait pas Nicolas Sarkozy (et Angela Merkel, expliqua le président): "Le compte n'y était pas." Mercredi, Sarkozy insistait à nouveau sur le besoin de renforcer la régulation de la finance mondiale : "Nous disons que sans une nouvelle régulation, il n'y aura pas de confiance. Et sans confiance, il n'y aura pas de reprise, c'est un objectif majeur, non négociable". Il faudrait donc moraliser ce joli monde, puisque ses excès sont jugés premiers responsables de la crise actuelle. De nouvelle relance européenne, il ne fut pas question. Sarkozy rajouta même une provocation verbale à l'encontre du président américain: "Je comprends parfaitement que certains veuillent parler de la relance, nous aussi. Mais nous, on ne se contente pas d'en parler, on la fait".
Cette mise en scène ne semblait pas du goût de tout le monde. Angela Merkel aurait fait savoir à Nicolas Sarkozy qu'elle s'apprécieait pas son chantage (unilatéral) de la chaise vide. Dès l'après midi, Nicolas Sarkozy abandonnait ses menaces de la veille: «C’est embêtant pour moi de partir alors que je viens d’arriver». De son côté, Barack Obama l'a taclé mercredi matin : "Nous avons la responsabilité de coordonner nos actions et de nous concentrer sur les points communs et non sur des divergences épisodiques"" ; "les divergences entre les différentes parties [au G20] ont été très exagérées".

Nicolas Sarkozy pour une régulation "non négociable"
par publicsenat
Sur le fonds, Nicolas Sarkozy a raison d'insister sur les dérèglements boursiers. Mais est-il seulement crédible ?
  1. Pourquoi l'établissement de règles financières seraient-elles incompatibles avec une nouvelle relance économique ?
  2. Pourquoi crier si fort en faveur de mesures régulatives aussi floues ?
  3. Pourquoi ne pas faire le ménage en France ?

Ironie du sort, l'actualité fournissait moultes contre-exemples à la position française : en Sarkofrance, le parquet de Paris a demandé mercredi à la police d'enquêter sur la nomination de François Pérol. Le parquet a en effet a ouvert mercredi une enquête préliminaire après le dépôt par deux associations, Anticor et Contribuables associés, de plaintes pour "prise illégale d'intérêt". Le délit est passible de 2 ans de prison et 75 000 euros d'amendes. En Sarkofrance toujours, la retraite dorée du président de la Société Générale continue de scandaliser gauche comme droite. En Sarkofrance encore, aucune mesure nationale de nouvelle régulation financière n'a été prise. Au contraire, quand on suggère, à droite, de suspendre le bouclier fiscal, Nicolas Sarkozy vient au secours de ses "amis": il explique, sans pudeur ni gêne, que le bouclier fiscal est indispensable tant que les paradis fiscaux existent. Ce n'est pas stupide. Le problème est ailleurs: créer un paradis fiscal français pour quelques fortunés au motif qu'un petit millier de plus riches risquent de nous quitter est un peu ... paradoxal ?
Pire, les paradis fiscaux ne sont que l'aboutissement ultime de la défiscalisation, un concept cher à Nicolas Sarkozy en France. Les propositions de ce dernier restent (volontairement ?) floues  et faussement novatrices. Olivier Ferrand, de Terra Nova, rappelle que les « listes noires » (l'une des nouvelles propositions du président français) " établies par l’OCDE n’ont pas eu l’effet escompté."

Pire, l'administration sarkozyenne ne défend aucune mesure concrète et radicale contre les paradis fiscaux: "Quelques mesures, comme l’alourdissement de la taxation des flux ou l’interdiction faite aux établissements financiers de détenir une filiale dans les paradis fiscaux pourraient cependant être envisagées. Si ces mesures doivent être coordonnées au niveau européen ou même international pour être pleinement efficaces, la difficulté des négociations à mener ne doit pas justifier l’inaction."
Le président français s'est bien gardé d'agir (et de gronder) les défiscalisations paradisiaques de fleurons de l'industrie française (Total) ou de la banque.
Au demeurant, l'attitude de Nicolas Sarkozy vise à cacher les autres enjeux du G20, tout autant important que la régulation des marchés financiers: le renforcement des moyens du FMI et ses modalités de gouvernance, le rejet du protectionisme, la relance des économies et l'aide aux pays pauvres. Sarkozy reste dans sa posture habituelle: identifier le bouc-émissaire facile, lui crier dessus, et éviter d'affronter les vrais sujets.
A Londres, des manifestants se heurtaient aux forces de l'ordre. Pour l'essentiel, leurs cibles étaient les banquiers. Comme Nicolas Sarkozy.
Surpris ?

G20 protests turn violent
par ITN
Lire aussi:
  • Paradis fiscaux et réglementaires : la fin des "trous noirs" de la finance internationale? (Olivier Ferrand, Terra Nova)
  • Sarkozy, le fils caché de Georges Marchais (Antidote)

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Juan 53884 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte