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246° Hadopi, liberté et art dégénéré.

Publié le 03 avril 2009 par Jacques De Brethmas

Ainsi, contre l'avis de 78% des Français, de 75% des députés européens, l'UMP a légalisé l'arbitraire: le principe de couper un citoyen de sa liaison internet.

Peu importe qu'il n'ait rien à se reprocher, qu'on ait utilisé sa connexion à son insu, qu'il en ait besoin pour travailler, pour faire travailler les autres, pour les soigner, qu'aucun juge ne se soit prononcé sur cette privation de liberté, la prospérité de la jet set du showbiz est assurée.

Qu'ensuite les chanteurs défraient la chronique en essayant de devenir belges pour mieux devenir suisses et aller planquer leur grisbi au paradis des coffre-forts pendant que les jeunes talents continuent à ramer pour se faire connaître, ce n'est pas un problème. Les amis du pouvoir sont servis sur un plateau.

Enfin, qu'ils croient. J'en parle d'autant plus librement qu'amateur de cinéma de genre, de musique classique et de très haute fidélité, je ne télécharge rien. J'ai un fauteuil au bord de la piste et j'assiste à la bataille, non sans un parti-pris certain, je veux bien l'admettre.

Comme c'était peinard d'être prince au bon vieux temps, quand les livres étaient rares et chers, et que d'ailleurs le bon peuple ne savait pas les lire, qu'il suffisait d'entretenir quelques bateleurs et quelques ecclésiastiques pour répandre la bonne parole, d'écarteler quelques Cartouche et Robin des Bois qui disaient le contraire, d'emprisonner un Bakounine qui affirmait que le peuple était intelligent ou de supplicier un chevalier de la Barre qui lisait Diderot pour rester vizir bien peinard dans sa vizirette dorée.

Internet, ça les fait chier, les vizirs et les califes. Les gueux n'ont même plus besoin de sortir de chez eux pour lire « L'insurrection qui vient », le fameux livre interdit dont la lecture gratuite en ligne a été supprimée, mais qu'on peut toujours acheter:

http://www.lafabrique.fr/IMG/pdf_Insurrection.pdf

ça permet à tous ces moutons qui refusent d'être tondus de communiquer entre eux, de revendiquer ensemble, de disserter de choses aussi obscènes que la liberté et l'égalité...

Pourtant, cette loi hadopi sera plus prolixe en effets néfastes qu'en bienfaits, comme je l'ai déjà exposé dans mon billet n°237:

http://brethmas.blogspot.com/2009/02/237-hadopi-une-loi-boomerang.html

où des liens vers des chroniques d'informaticiens libres et éclairés prédisent l'apocalypse qui va en résulter.

De plus, les « pirates » sont déjà prêts, qui ont mis au point une arme absolue et indétectable:

http://www.zdnet.fr/actualites/internet/0,39020774,39388930,00.htm?xtor=EPR-102

Ce qui m'inquiète le plus, c'est qu'il existe des boîtes de Pandore qu'il ne faut pas ouvrir, genre « dérogation à l'abolition de la peine de mort ».

Or le principe de la liberté d'accès à internet en est justement un qui aurait du rester intouchable. Maintenant qu'il est brisé, plus rien ne les retient de faire insensiblement glisser le curseur vers d'autres motifs plus ou moins pendables de privation de connexion.

Cette loi Hadopi est un premier pas vers l'internet à la mode chinoise.

La libre expression, le droit de critique, la liberté de réunion virtuelle et le droit d'association en sont les prochaines victimes. Puis viendront l'art, qu'on qualifiera de « dégénéré » comme il y a 70 ans.

D'ailleurs, question art, le tri est déjà commencé. Il existe un art officiel qui accède aux podiums nationaux et un art populaire qui n'y accède pas. Le Canard Enchaîné du 1° avril, page 1 en bas, nous en fait la démonstration: c'est avec l'assentiment de l'Élysée que Johnny Hallyday, ce phare de la culture, grand défenseur de la loi Hadopi et des résidences en Suisse, va chanter sous la Tour Eiffel le 14 juillet, pour la modique somme d'un demi million d'euros de cachet personnel. (Le Point) . L'histoire ne dit pas si Mireille Mathieu viendra aussi régaler les pigeons en chantant les colombes.

J'en connais plein d'autres qui seraient venus chanter pour rien si on le leur avait demandé, et que le public aurait accueilli avec autant de passion, sinon plus... Mais peut-être ont-ils été jugés « dégénérés ».

Pour ceux qui essaient de penser autrement, je rappelle mon billet n° 230, qui parle de cette intéressante démarche de l'appel des appels:

http://www.appeldesappels.org/

dont l'intitulé est déjà copié et même galvaudé par les opposants que n'a pas manqué de susciter une démarche si intéressante.

Qu'on se le dise. Pendant qu'on peut encore.

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