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1789-2009… les raisons de la colère : en attendant une future révolution ?

Publié le 04 avril 2009 par Kamizole

sarkozy-sur-le-trone-au-niger.1238395782.jpgJe recommande particuliè-rement la lecture de l’analyse fort pertinente de Sophie Wahnich, historienne de la Révolution Française, parue dans le Monde du 4 avril 2009 Après 1789, 2009 ? sur la situation actuelle que l’on peut sans doute qualifier de «pré-révolutionnaire» sans toutefois savoir quels chemins empruntera la contestation grandissante. Que nos dirigeants et autres prétendues élites serrent les fesses en invoquant le spectre de 1789 ou de 1793 est une évidence. Ils savent évidemment vivre sur un volcan ou une poudrière mais préfèrent faire la sourde oreille.

Rien ne saurait les faire renoncer à la funeste politique qu’ils ont fixée par et pour les nantis. Peu leur chaut que le peuple souffre et gronde. Les privilèges doivent être maintenus à toute force. Car en moins de deux ans Nicolas Sarkozy et son gouvernement ont réussi un tour de force : rétablir quasi les privilèges de l’Ancien Régime pour la caste la plus riche.

Le bouclier fiscal en est l’expression même puisqu’il exonère d’impôts la caste des plus riches, nouvelle aristocratie d’affaires – l’hyper-bourgeosie selon la formule de Denis Duclos dans un article du Monde diplomatique d’août 1998 Naissance de l’hyper-bourgeoisie. L’abolition des privilèges de la nuit du 4 août 1789 rayée comme un trait de plume, tout comme l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 :

«Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés».

Au lieu de cela, les 834 contribuables les plus riches - patrimoine de plus de 15,5 millions d’euros - ont touché chacun un chèque moyen de 368 261 euros du fisc, “soit l’équivalent de trente années de smic”. Et encore n’est-ce que la partie visible de l’iceberg… qui ne tient pas compte des sommes détournées via des paradis fiscaux et autres manipulations, niches fiscales, etc…

Comment voudriez-vous que cela ne me mette pas en colère, de même qu’une grande partie de la population ? Ne croyez pas que je sois envieuse de leur luxe, des montagnes de fric sur lesquelles ils dorment. De leur appétence démesurée pour les richesses. Sans doute ne le savent-ils pas ou s’enivrent-ils de la sorte pour l’oublier… mais le jour de leur mort, ils ne vaudront pas plus que moi ou n’importe quel autre pauvre qu’ils écrasent de leur mépris.

Je fulmine d’autant plus quand j’entends parler «d’égalitarisme» lors même qu’il s’agit uniquement de les faire participer un peu plus aux besoins de la Nation…

Seraient-ils réellement appauvris quand bien même les priverait-on de cette prébende – injustifiée – de 368.261 euros ? Toucherait-on leur patrimoine ou leurs revenus ? Bien évidemment, non. Ni plus ni moins que n’importe quel citoyen – lequel payera au demeurant souvent proportionnellement nettement plus au regard de ses revenus.

Le principe d’égalité tel que je le conçois et tel que l’on me l’a enseigné, notamment en droit administratif s’agissant de l’accès aux services publics, n’a rien à voir avec l’égalitarisme spartiate ou soviétique pour lequel je n’ai aucune sympathie. Il consiste uniquement, dans une situation d’inégalité flagrante – laquelle ne fait que s’aggraver aujourd’hui – à donner un peu plus de moyens à ceux qui en sont le plus dépourvus et aux couches intermédiaires de la population.

Rétablir en quelque sorte l’égalité des chances, notamment en matière scolaire. Mais cela ne se substituera jamais ni au talent ni au travail. Et quant à l’intelligence, elle restera toujours autant diversement partagée, à cette différence près que si on ne cherche pas à l’éveiller où qu’elle se trouve, l’on risque fort de se priver des meilleurs.

Je suis particulièrement indignée quand je lis l’accueil fait par les étudiants de Sciences-Po Paris aux étudiants en grève venus chercher leur soutien. Ils n’ont reçu que du mépris : la future classe dirigeante marche bien dans les traces de la connerie de leurs aînés ! Cela augure fort mal de l’avenir.

Sophie Wahnich cerne parfaitement l’enjeu de la révolte actuelle d’une partie de plus en plus importante de la population : non seulement les travailleurs, «les précaires, chômeurs et futurs chômeurs mais aussi les classes moyennes (…) précarisées, les classes lettrées qui manifestent et se mettent en grève pour défendre une certaine conception de l’université et des savoirs (…) tous ceux qui, finalement, se sentent floués et réclament “justice”»… Cela fait beaucoup de monde !

«La violence doit aujourd’hui pouvoir rester symbolique et ne pas atteindre les corps» écrit-elle. C’est évidemment souhaitable… mais est-ce possible ?

Pour éviter l’explosion d’une violence réelle il faudrait à Nicolas Sarkozy nettement plus d’intelligence politique !

Il est comme tous les dictateurs, de plus en plus unanimement détesté et de plus en plus éloigné du peuple qu’il méprise mais voudrait toujours continuer à séduire par ses discours. Obligé à chacun de ses dispendieux voyages de multiplier le déploiement d’une garde prétorienne de plus en plus étoffée.

Il continue de se draper dans la légitimité de son élection. Mais, s’il a effectivement le droit pour lui, il devrait s’interroger sur la notion weberienne de légitimité au sens charismatique du terme…

Or, le charisme dépend grandement de la force de l’exemple et de l’admiration et à cet égard, par les millions d’euros qu’il claque pour ses «menus plaisirs» - quasi 1 million d’euros en deux déplacements à Die et Saint-Quentin ! – Nicolas Sarkozy s’est proprement disqualifié !

Nicolas Sarkozy n’entend renoncer à aucune des réformes qu’il impose à marche forcée en dépit de l’opposition grandissante de la population. Qui a très bien compris de quoi il retournait : instaurer une société encore plus inégalitaire, favorable uniquement aux nantis… Et tout cela dans une période de crise économique et sociale sans précédent.

Le peuple refuse de payer deux fois les effets de la crise : en perdant son travail ou une part importante de ses revenus, de son pouvoir d’achat et en voyant des centaines de milliers d’euros déversés à fonds perdus pour les banques et les entreprises dont ceux qui sont précisément responsables de la débâcle n’en continuent pas moins de se bâfrer à grands coups de bonus, stock-options, et salaires insensés… La situation n’en devient que plus explosive.

Combien de temps les travailleurs qui perdent leur emploi continueront-ils d’être «sages» ? Jusqu’à présent, les quelques chefs d’entreprise séquestrés n’ont pas été victimes de violence, et c’est évidemment fort heureux, bien dans la tradition de ce que nous avions connu dans les années 70. Ne pas oublier toutefois qu’à la même époque sévit «Action directe» qui prétendait se substituer au peuple…

Comment savoir à quelles extrémités peut conduire l’absolu désespoir de ceux qui voient tout s’écrouler autour d’eux ?

A vrai dire, je redoute bien davantage les «pétages» de plomb individuels. Jusqu’à présent un trop grand nombre de salariés retourne contre eux-mêmes la violence qui leur est faite. Les suicides au travail ou à cause du travail se multiplient dans ce qu’il faut bien nommer les «entreprises barbares». Mais rien ne dit qu’un jour ou l’autre certains n’agresseront pas physiquement ceux qu’ils considèreront comme responsables de leurs problèmes.

Enfin, et sans doute surtout, Nicolas Sarkozy ne connaît d’autre réponse au mécontentement populaire grandissant, outre les sarcasmes déplacés et les fins de non-recevoir, que la réponse policière.

Ce n’est sans doute pas nouveau. Ceux qui l’ont élu et s’en mordent les doigts aujourd’hui auraient dû se souvenir de son activité vibrionnante au ministère de l’Intérieur… Ce n’est pas un hasard qu’il ait mis fin à la police de proximité et au travail de prévention pour les remplacer par la BAC…

Et qu’aujourd’hui ce soit cette même force de police que l’on utilise pour contenir des manifestants pacifiques, comme dernièrement à Orléans où ils se sont livrés à des violences gratuites… - je vous laisse lire cela chez Circé – est proprement scandaleux : Brigade Anti Criminelle contre des manifestants témoigne à l’envi combien l’on «criminalise» toute forme de contestation !

La BAC est sans doute ce que l’on fait de pire actuellement en matière de police. Ils sont dressés pour tabasser. Les jeunes des banlieues en ont fait les frais. Des «cognes» dans toute l’acception argotique du terme. Sans foi ni loi, certains de leur impunité quoiqu’il arrive.

Ils dépassent très certainement en potentiel violent les CRS, les gendarmes et les gardes mobiles réunis. Des éléments incontrôlables. Dignes de la «Milice» de sinistre mémoire. Capables de transformer la manifestation la plus bonne enfant qui soit en bain de sang.

Situation d’autant plus explosive que derrière les cohortes de manifestants débonnaires et joyeux, contents de se retrouver si nombreux, des bandes inorganisées mais violentes trouvent n’importe quel prétexte pour en découdre avec les forces de l’ordre, piller les magasins, etc… Le phénomène n’est certes pas nouveau mais risque de prendre d’autant plus d’ampleur que la crise sociale s’aggravera.

Nous savons bien, c’est de notoriété publique, que des armes circulent dans les banlieues. Des bandes de jeunes ont déjà tiré sur les policiers lors d’émeutes. Imaginez ce qui pourrait se passer s’ils font de même lors de manifestations. Un scénario tel qu’en Guadeloupe n’est nullement à exclure. Encore, cela n’a-t-il pas dégénéré, fort heureusement.

Mais si les flics s’avisaient de répondre par les armes et tuaient des manifestants ?


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