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"Seule Venise" de Claudie Gallay

Publié le 05 avril 2009 par Antonia Savey
Note antédiluvienne à l'escapade antillaise que je peux terminer en pleine nuit -3h du mat' chez moi , 10h dominicales déjà chez vous- grâce au décalage horaire, grâce à la toux de dame aux camélias qui me déchire les bronches depuis 3 jours, grâce au canapé gigantesque dans le salon pour pas réveiller avec mes quintes et reniflements l'ours endormi, grâce à mon BB Curve 8310 greffé au bout de mes phalanges.... Certaines combinaisons de mots, dépourvues de petite musique, vous glissent devant les yeux sans s'accrocher à rien. Et voilà que sans explication aucune, d'autres dès la première ligne hameçonnent, droguent et hypnotisent. Inutile de se débattre, c'est vite une évidence et faut se laisser mettre dans l'épuisette. 22ème matin de ma nouvelle vie de parisienne, et de nouveau, cet oppressant trajet de la Mairie des Lilas, correspondance Hôtel de ville jusqu'à Argentine. 45 minutes. Yeux perdus dans le vague, de fatigue et de tension nerveuse. Me suis dit soudain que Bon Dieu non ! Vais pas pouvoir moi aussi si vite me transformer en clone de ces légumes cotoyés au quotidien aux yeux qui hagards, qui agressifs, qui indifférents voire méchants. Me sens tellement vampirisée par mon nouveau boulot que je n'ai plus l'énergie de rien. Heureusement que mes gazelles sont protégées de ce rythme infernal encore quelques mois. Lire comme écrire exigent trop de concentration, je ne fais que subir les éléments exogènes pour me secouer la couenne entre 9 et 19, portée par une vague créative et commerciale bien plus puissante que moi et ma capacité d'adaptation.. Je ne pense plus, je ne lis plus, je ne rédige plus qu'en mode "Programme Relationnel Prospect et/ou Client" toutes marques et tous secteurs confondus. Pile le taf dont je rêvais, certes. Ne plus se consacrer qu'au coeur de métier, le rêve. Ecarter les contraintes de gestionnaire et de chef d'entreprise, le soulagement. Les oublier, prises en charges par d'autres que moi, une renaissance... One more !. Ca a un prix aussi. Même se laver les cheveux devient une ligne insérée dans ma liste gestion du temps que j'arrive pas à gérer. Donc je passe mon temps les cheveux attachés. Et les yeux et le corps hagards chaque matin et chaque soir dans le métro. Bon Dieu (bis), ca suffit, resaisis toi ma fille que je me tance, assise décalquée dans la M11 ! Moi pensant naïve que grâce au trajets en transports en commun., j'allais de nouveau pouvoir engloutir des tonnes de bouqins en retard en papivore addicte. Pfffff.... Trois semaines que, matin et soir, je ballade le troisième roman de Claudie Gallay dans mon sac "Seule Venise" acheté dans la foulée de la lecture de son dernier "Les déferlantes". Bon Dieu (ter)... Quel régal.. Quand je m'entiche d'un auteur, faut que je dévore toute sa production. Enfin, je me décide en acte de révolte versus l'anihilant trajet sous terrain à faire prendre l'air au dit bouquin.. Et les premiers mots me scotchent. Un truc qui dit que la colère lui est restée imprimée sur le visage avec ses 3 barres entre les yeux et qui même en frottant bien ne s'effacent plus. Machinalement, je me tourne vers mon reflet sur la vitre noire et passe l'index sur mes putains de trois griffes du lion incrustées dans le dur et la douleur. La fille de 40 ans plaquée par son mec, vide son compte en banque et prend la fuite jusqu'à Venise. Mon mec à moi, il m'avait pas larguée mais je ne compte plus les années aspirées à fuir. Sans jamais pouvoir briser mes chaînes. Toutes mes chaînes, d'amour et de chair. Souffle l'air de la lagune dans la ligne 1 correspondance Hotel de ville. Je soupire. Me reconnait encore dans certaines pages. Colère. Révolte. Les ruptures, voulues ou subies, se ressemblent toutes en somme. Venise me déroule ses canaux. L'un des personnages un vieux prince russe, je crois, dit qu'il faut un talent que tout le monde n'a pas pour raconter la souffrance, la mort, la résilience, la reconstruction. Je suis jalouse. Toujours un peu de ces talents là. J'aime son écriture. Elle me hèle au passage. Me réconcilie avec moi-même et mes drogues favorites : lire et écrire. Thérapeutique résilience. Station Argentine.... Je finirai la fuite vénitienne dans le tgv ou l'avion... .Le virus me reprend deux jours avant de partir direction St François de la Guadeloupe. Toujours mes yeux saluent au passage sur le mur de sortie de la station le panneau Nunca Màs que gritarón los argentinos. Je me rajoute une ligne dans la liste mentale : raconter quand l'autre jour j'ai secouru cette fille de 20 ans évanouie à la Station Concorde. Pour pas oublier de ne pas m'habituer à l'indifférence. Désolée la foule anonyme et inhumaine, moi, je fonce dans le tas, tête baissée, o alta y brava segun la corrida. Me sauve jamais devant rien. Fureur taurine. Palpitations latines. Empathie profonde. Le jour vient de se lever sur l'Anse des Rochers. Stores électriques. Lever de soleil encore humide. Un ours à poil passe. Grogne pour la forme. M'engueule un peu, gentiment, de passer nuit quasi blanche. Nudité étirée détachée sur le bleu de la piscine. Bouge pas chéri... J'immortalise. Antonia Savey 06 48 29 22 11 Ce message vous est envoyé avec BlackBerry® d'Orange

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