Magazine Société

Le chemin de croix

Publié le 05 avril 2009 par Delits

benoit-xvi13Les fantômes du passé

Comme pourraient peut-être le confirmer Georges Pompidou, Clement Atlee ou Thabo Mbeki, succéder à un géant historique n’est pas chose facile.

Dès les prémices de son pontificat, Benoît XVI s’est vu attaqué. Pape élu le plus âgé depuis 1730, certaines personnes s’efforçaient de le caricaturer comme un homme ayant tous les défauts de Jean-Paul II (en particulier, son conservatisme), sans pour autant bénéficier de ses qualités (charisme, ouverture de l’Eglise sur le monde). Et les médias se passionnent bien davantage pour les polémiques qui jalonnent son pontificat que par le contenu de ses encycliques.

Durant ses premiers pas de souverain pontife, il dût faire face à une campagne diablement calomnieuse à son égard, à propos de son enrôlement dans les jeunesses hitlériennes. Le guide des catholiques élevé chez les nazis ? Mais ces attaques relevaient plus de l’anticléricalisme que du bon sens : on s’est vite rappelé que les enfants allemands n’entraient pas dans ces organisations par conviction…

Un an plus tard, nouvelle tempête médiatique et, plus grave, elle ne portait plus sur son passé mais sur ses propos. Le 12 septembre 2006, au cours d’un discours prononcé à Ratisbonne, il rapporte une citation malheureuse d’un empereur byzantin, peu élogieuse pour l’islam : « Montre-moi ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu ne trouveras que des choses méchantes et inhumaines. ». Le Vatican aura beau se justifier par la suite en arguant que cela ne reflétait en aucun cas l’opinion personnelle du Pape, ses propos ont blessé, en particulier dans les pays musulmans.

Lors de son voyage en France en septembre dernier, un sondage CSA reflétait l’état de l’opinion publique française : elle avait globalement une bonne opinion du Pape (53%), sans pour autant montrer de réel enthousiasme (9% avaient une « très bonne opinion »). C’est donc dans une « indifférence bienveillante » que le Saint Père a été accueilli. Une opinion publique qui s’est complètement retournée depuis : l’année 2009 a en effet débuté en prenant la voie d’une annus horribilis.

De Charybde en Scylla…

La volonté de Benoît XVI de ramener au sein de l’Eglise les franges qui s’en étaient éloignées, suite à Vatican II, a tourné à un désastre en termes d’images. Le Vatican donne ainsi l’impression qu’il se préoccupe plus d’une poignée de traditionalistes que de l’immense masse de catholiques modérés qui pourrait être tentés de fuir le conservatisme de l’Eglise de Rome. Le retour de la messe en latin illustre une Eglise qui remue des querelles désuètes dont l’issue semblait soldée depuis bien longtemps. Plus grave : la levée de l’excommunication des quatre évêques traditionalistes concernait notamment Richard Williamson, qui avait tenu quelques semaines auparavant des propos négationnistes.

Puis, peu de temps après, une autre position de l’Eglise provoque des remous. Du Brésil se propage sur les autres continents la nouvelle de l’excommunication de la mère d’une fillette de 9 ans. Son péché ? Elle a soutenu l’avortement de sa fille, mise enceinte par son beau-père de jumeaux suite à un viol. La réponse de l’Eglise à ce drame particulièrement glauque s’est heurtée à un mur d’incompréhension de la part de l’opinion publique mondiale.

Enfin, l’occasion de son voyage en Afrique, le Pape n’avait pas encore posé un pied sur le continent noir qu’une vague d’indignation submergeait les pays développés : les fameux propos, posés et réfléchis, tenus à l’arrière de l’avion, sur le préservatif qui « aggrave le problème » du sida ont distillé une vive animosité.

L’Eglise de France a modéré tant bien que mal les propos émanant du Vatican : il semble bien que les ecclésiastiques de la base prennent leurs distances avec Rome. On notera qu’en France c’est le clergé le plus âgé qui se trouve le moins en phase avec le conservatisme de Benoît XVI : celui-ci-ci est encore imprégné du souffle réformateur des années 60 tandis que le clergé plus jeune apparaît plus rigoriste, et donc plus fidèle au credo de l’Eglise actuelle en matière de mœurs.

L’opinion publique française lâche le Pape

Dans l’opinion publique française, la coupure transparaît violemment avec le Pape. Dans un sondage CSA, réalisé « à chaud » juste après les propos de Benoît XVI, les Français passent de l’indifférence bienveillante à la franche hostilité. Les mauvaises opinions sont devenues nettement majoritaires (57% contre 23% de bonnes opinions), dont 26% qui en ont carrément une « très mauvaise opinion ». Les Français ayant l’opinion la plus sévère à l’égard du Pape sont les hommes, les personnes les plus diplômées et les sympathisants de gauche. Mais les catholiques ont désormais eux-aussi une mauvaise opinion de leur Saint Père : 55% contre seulement 29% qui en ont une bonne opinion… Le noyau dur des catholiques pratiquants réguliers constituent le dernier cercle au sein duquel le Pape continue à être perçu positivement, même si son solde d’image positive a perdu… 34 points depuis septembre ! Alain Juppé, de confession catholique, résume bien le fond de la pensée de nombreux autres catholiques en déclarant que « ce pape commence à poser un vrai problème ».

Les médias ne sont certes pas tendres avec Benoît XVI, ne mettant jamais en valeur son action et stigmatisant ses décalage avec l’opinion. Néanmoins, le fossé grandissant entre les positions vaticanes et les opinions publiques, mêmes catholiques, révèlent le choc de deux échelles de valeurs différentes. La tête et la base qui ne se comprennent plus…


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Delits 5050 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine