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Seul à droite

Publié le 06 avril 2009 par Vogelsong @Vogelsong

“Et c’est un vieux pays, la France, d’un vieux continent comme le mien, l’Europe, qui vous le dit aujourd’hui, qui a connu les guerres, l’occupation, la barbarie. Un pays qui n’oublie pas et qui sait tout ce qu’il doit aux combattants de la liberté venus d’Amérique et d’ailleurs. Et qui pourtant n’a cessé de se tenir debout face à l’Histoire et devant les hommes. Fidèle à ses valeurs, il veut agir résolument avec tous les membres de la communauté internationale. Il croit en notre capacité à construire ensemble un monde meilleur.”
Dominique Galouzeau de Villepin – ONU – 14 février 2003

C’est dans une langue impeccable en 2003 que D.Galouzeau de Villepin incarna pour la dernière fois la France sur la scène internationale. Depuis, l’héritage de C.de Gaulle est dilapidé, en gesticulations ridicules et par un alignement sur l’empire décadent. Archétype parfait de la bourgeoise, dans son habitus, ses manières, l’ancien premier ministre symbolise les valeurs de la droite républicaine française. Seul à faire entendre sa voix dans une formation politique tétanisée. Remarquable par sa candeur, ses erreurs, mais aussi son courage, son panache. Il est un homme de droite, respectable.

loup
Dans l’exercice du pouvoir comme chef du gouvernement, D.Galouzeau de Villepin montre des lacunes. Il les paie encore. Pourtant, tout commence bien : en exercice de 2005 à 2007, il bénéficie d’emblée d’une très bonne opinion, en particulier grâce à un physique de vieux beau, et une indéniable classe. Il cède à la “peopolisation” lors d’une sortie de bain pectorale. Il inaugure le style flamboyant après l’idiot utile J.P.Rafarin. Il est aussi dans la lignée des hommes politiques cultivés, érudits. Dans la pratique, c’est un digne représentant de la droite conservatrice. Il fait intervenir la maréchaussée face aux syndicalistes de la CGT à Marseille. Il sortira vainqueur de ce bras de fer. L’embrasement des banlieues d’octobre 2005 met aussi D.Galouzeau de Villepin à contribution. Plus de 5 000 véhicules partent en fumée. Là aussi, sécuritaire, il impose un couvre-feu de trois mois. La situation s’apaise, au moins temporairement. La France adore.
C’est le social qui va sceller son destin présidentiel. Outrepassant les mises en garde de son mentor J.Chirac, il s’entête dans la mise en œuvre du CPE (contrat première embauche). Un contrat de travail précaire pour les jeunes. L’opinion se retourne. Au gouvernement, certains dignitaires se font porter pâle et soutiennent en sous-main la contestation. À deux ans des échéances, c’est le bon calcul. Ils assistent goguenards au lent naufrage du premier ministre. Finalement englouti. L’épilogue est ubuesque, le président en personne annonce dans une intervention mémorable la promulgation, mais la non-application du texte. Et la chiraquie ne s’en remettra pas.
Au lieu d’abandonner son poste au très actif ministre de l’Intérieur, D.Galouzeau de Villepin s’accroche au maroquin. Par sens du devoir selon certains, pour préserver la droite française selon d’autres. En sus l’affaire Clearstream dans laquelle il est soupçonné de complot. En 2007, il finit son mandat exténué. Incapable d’honorer son ambition présidentielle. Le flamboyant se transforme en figurant atone de la campagne.

D.Galouzeau de Villepin est énarque, issu de la même promotion que F.Hollande et S.Royal, il ne s’est jamais présenté devant le suffrage universel. Membre de l’UMP, il est le seul qui fait entendre une voix discordante dans la majorité verrouillée post 2007. Il prend ses distances avec les nouvelles pratiques. Lettré, il aborde la politique de manière plus classique. Même s’il est sensible aux apparences, D.Galouzeau de Villepin ne conçoit pas le gouvernement comme un casting de faire-valoir. La sélection de 2007 est une litanie de “bras-cassés”, des Finances (C.Lagarde) à la justice (R.Dati) en passant par l’intérieur (B.Hortefeux-E.Besson), c’est l’incompétence qui préside. On a même inventé des ministères “de témoignage” (M.Hirsch et F.Amara). La droite ne doit pas manquer pas d’hommes de qualité, et dévoués ? Et l’histoire en regorge.
Accompagné de quelques fidèles, il critique ouvertement la gestion déviante du pouvoir. Sur le plan économique, il demande plus de justice dans les décisions et pointe le manque de concertation : “Ce que je crois, c’est qu’à un moment donné, il faut être capable de s’arrêter 24 heures. S’arrêter 24 heures et revoir les politiques, la politique que l’on mène pour se poser la question: “est-ce que c’est la bonne politique ? Est-ce que c’est une politique qui rassemble ou au contraire, c’est une politique qui divise ?“. D.Galouzeau de Villepin est, et reste un homme de droite, conservateur. Pourtant, J.L.Mélénchon lors d’un débat à la maison de l’Amérique latine avait senti chez lui une profonde prise de conscience sur l’état du monde et les miracles la main invisible.
C’est sur le plan institutionnel qu’il prend sa dimension. L’homme a fait ses preuves sur le plan international, domaine réservé du chef de l’état. Tous se souviennent de son discours historique à l’ONU. Le titre II de la constitution de 1958 énonce les prérogatives du président de la République, aujourd’hui pratiquement caduques. Le premier ministre et son gouvernement ont été biffés. On ne lit ça nulle part dans le texte, mais une coutume vieille de deux ans fait loi : le président fait tout, et même plus. Dans ce contexte le parti conservateur n’est que l’ombre de lui-même. Transi d’effroi par peur de la trique, mais maugréant en catimini devant l’affligeant spectacle du pouvoir ; la France a besoin d’un président.

L’UMP règne symboliquement sur le paysage politique, même si les dissensions internes sont bien plus importantes qu’il n’y parait. Ce parti est une clique de barons obséquieux. La politique de pacotille et événementielle y est pour beaucoup. D.Galouzeau de Villepin avec ses raideurs a pourtant la stature, la culture, l’épaisseur d’un homme d’État. D’un leader modéré de formation politique majeure.

La démocratie se nourrit de joutes, de défaites, de déceptions, de victoires. Il y a des adversaires que l’on se plait à rencontrer, à contrer, à battre. Mais aussi le temps d’alternances; reconnaitre leurs victoires, concédant que cela fait partie des règles. Il est des adversaires avec qui c’est un honneur d’être en désaccord, franchement en désaccord. Le panache en politique est une denrée rare en ces temps d’ivresse de pouvoir. Où à gauche comme à droite on capitule face aux appels de la gamelle. À ce jour, D.Galouzeau de Villepin se retrouve au sein de l’UMP comme en mai 1968 à Caracas lorsqu’il fit grève : Seul.

perle

Vogelsong – 2 mars 2009 – Paris


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