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Les paradis fiscaux : cas d'école géopolitique

Publié le 06 avril 2009 par Jeanpauldemacrisebienaimee

Les paradis fiscaux : cas d'école géopolitique
Le journal Libération, reprenant une dépêche AFP, publie un article très intéressant sur les conséquences qu'à eues les décisions du G20 du 02 avril 2009 sur certains territoires. Ce faisant, il donne une dimension médiatique à des réalités parfois difficilement visibles, ayant trait aux paradis fiscaux. Ce sujet a été de nombreuses fois traités sur ce blog. Mais les réactions de responsables suisses, luxembourgeois, autrichiens... ce week-end auraient tendance à montrer la pertinence de nos hypothèses.
Je ne reviens pas sur la complexité entourant les paradis fiscaux et sur la nécessité de dépasser une vision passionnelle, voire simpliste du phénomène. Ici, je souhaite m'aventurer sur un terrain peu envisagé dans la crise économique et financière: la dimension géoéconomique, voire géopolitique.
Je m'appuie sur un autre article de Libération, qui fait partie du dossier que le quotidien consacre au G20. Il traite de la perception par les media chinois du rôle du Président chinois à Londres Hu Jintao, et plus largement de la
place centrale de la Chine dans les relations internationales
Le G20 a opté pour l'adoption d'un
document de l'OCDE pour classifier les paradis fiscaux en trois catégories : blancs, gris et noirs. Où l'on découvre que Macao et Hong-Kong sont blancs - comme les îles anglo-normandes, d'ailleurs - mais pas le Luxembourg, la Suisse, l'Autriche, la Belgique, le Liechtenstein, Andorre, San Marin, Monaco..., qui sont gris (certains étant plus gris que d'autres. Je passe sur la méthodologie.
Je note toutefois que Jersey, Guernesey, l'île de Man, voire l'Eire ont été blanchi... sitôt que la Chine a exigé le retrait de Macao et Hong-Kong de la liste grise.
Inutile de souligner que les Etats disposant de paradis fiscaux auront d'autant moins de poids à défendre leurs positions sur la scène internationale en matière financière et fiscale.
Ce qui revient à dire que le Royaume-Uni conserve - mais c'était attendu - sa prédominance mondiale en la matière, mais surtout que la Chine acquiert de manière très officielle un statut de référence en terme de transparence de flux financiers. Avec toutes les conséquences politiques et géopolitiques que cela implique.
Et Libération de souligner avec justesse un point important mais néanmoins subtil :
"la demande (de la part de la Chine, ndlr) d’une participation accrue des pays en développement dans l’économie mondiale, pour permettre une «harmonisation» des solutions. La Chine assoit ainsi son rôle croissant de «grand frère» de nombreux pays du Sud qu’elle soutient financièrement en échange de matières premières et de votes à l’ONU".
Je vous invite chères lectrices et chers lecteurs à vous pencher sur la politique étrangères de la Chine depuis une dizaine/quinzaine d'années.

"La lutte contre les paradis fiscaux", n'en déplaise à Monsieur Sarkozy, ne sera pas menée avec l'énergie voulue et désirée par le G20. La crise économique et financière - n'en déplaise au G20, cette fois - sera traitée de manière assez pragmatique, et certainement avec une interprétation très libre des engagements du 02 avril.
Car derrière ces engagements, c'est un affrontement sur le champs de bataille de la puissance qui se joue. Certains Etats considèrent la crise comme un moyen de s'installer durablement dans les affaires du monde, d'autres comme un phénomène très destabilisateur, susceptible de remettre en cause leur position géopolitique.
Il y a un moyen, je pense, de contourner l'obstacle, d'avoir un coup d'avance dans le jeu mondial. La France - et l'Europe - pourraient développer de nouveaux modèles, axés sur le long terme. Cela tombe bien, l'UE a fait le choix il y a une dizaine d'années du développement durable. Qu'elle se dote alors d'instruments efficaces, rapides, souples pour permettre à ses PME innovantes dans les secteurs de l'environnement de se financer sans avoir recours aux paradis fiscaux. Que l'UE se dote d'une politique industrielle - ce qui va effectivement à l'encontre du dogme de la concurrence tel qu'actuellement interprété - qui ferait appel aux banques pour susciter l'innovation industrielle, mais également des services. C'est également ainsi que l'UE tiendra les objectifs de la stratégie de Lisbonne, revue en 2005. Sinon, l'Union Européenne, tout comme la France, risquent de perdre la bataille de la compétitivité et l'innovation, face à des géants aux capacités de persuasion... développées.
Matthieu


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