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Les Impromptus Littéraires - Au bout du fil...

Par Sandy458
Cette semaine, les impromptus n'ont qu'une exigence.... "au bout du fil" doit figurer dans le texte.
Alors qu'on choisisse de tisser ou de demander  "Allo? Allo?", il ne faut pas tirer une drôle de bobine... l'inspiration ne tient parfois qu'à un fil...
En parlant de fil, celui qui accompagne mon texte a été auto-rogné, trop long, je me suis embarqué dans un tissage dépassant  les 2 pages maximum autorisées.



A l'occasion, je restituerai la version première...
même si ça n'a pas beaucoup d'importance si on y pense bien... le résultat sera le même... Les Impromptus Littéraires - Au bout du fil...

"Ça n'a plus d'importance, dorénavant, mais si vous insistez, je vais vous raconter tant que les images surnagent encore dans ma mémoire liquéfiée...

Mais je vous préviens, rien qu'à nous observer, même de loin, ça ne donne pas envie de nous connaître.

De plus près, on confirme l'impression : une bande de quatre cloportes, de la petite racaille sans envergure qui biberonne sec à la terrasse du Fleur de Lys, les yeux dans le vague la plupart du temps.

Tenez, celle-là, c'est Marie, ma régulière, mon officielle.

Teint frais, joues rosies par le vent fleuri, on lui donnerait le bon dieu sans confession.

La petite friponne arbore une croix tatouée sur la partie la plus charnue de son anatomie, ça me fait toujours de l'effet lorsque mes mains en dessinent le contour ou que mes yeux s'attardent dessus.  J'ai beau clore mes paupières : le symbole reste perceptible comme une accusation manifeste.

Et puis, Marie, c'est bien la seule fille qui, à l'issue de notre première nuit, m'a juré - yeux dans les yeux - qu'à la première tromperie elle me les couperait, me les ferait bouffer, avant de me croquer elle-même !

Bref, Marie, c'est mon poème tragique, ma comédie dramatique.

L'autre là, le grand échalas aux yeux mi-clos, c'est Jimmy.

Son occupation première, son objectif ultime dans la vie, c'est de chanter pour se faire un peu de blé en s'accompagnant de sa guitare. Un peu gigolo sur les bords, il sait s'y prendre pour se faire payer des verres par de vieilles sauterelles esseulées.

C'est lui qui nous a ramené Antinella, rencontrée chez lui, là-bas dans le Sud, lors d'une quelconque fiesta estivale. Il y a encore un truc entre eux, ça se voit, ça se hume, ça se sirote comme un nectar coquin.

Et ici... Antinella...

Antinella,  à la peau noire ébène et légèrement acidulée.

Antinella, aux beaux yeux en amande et à la peau lisse... autant de pièges mortels  ou vous suppliez de chavirer. Pire, vous vous livrez, consentant et tremblant à l'idée qu'il puisse lui prendre envie de vous épargner.

Ses longs membres déliés et musclés de guerrière, son port de reine, sa taille si svelte et si souple... elle m'enivre à mort, la belle pécheresse. La regarder me met au supplice et la caresser m'expédie au paradis !

Et plus je savoure le fruit défendu, dans le secret de son alcôve, plus je prise la torture de sa dangereuse acidité.

Oh,  et moi dans tout ce fatras?

Cela n'a pas beaucoup d'importance maintenant.

Je suis un gars comme les autres, qui papillonne de-ci de-là selon les occasions qui se présentent, un type qui tente de tirer son épingle du jeu et d'amasser suffisamment pour mettre les voiles là-bas, de l'autre côté de l'océan. Vous voyez le tableau ? Moi, à la proue du bateau, hurlant  « Je suis le monarque du monde ! » ou un truc dans le genre, je ne me rappelle plus bien l'expression.

Mais ça n'a plus d'importance...vraiment...

En écoutant dévotement,  Marie, ce jour-là, je sens son regard pesant posé sur moi.

Elle me répète pour la énième fois son plan, si je réussis, m'assure-t-elle, on s'enfuit ensemble sans les deux autres parasites !

D'après elle, c'est simple et il y a un gros paquet à se faire chez la vieille. Elle tient une mercerie qui vend des tas d'articles pour tricoteuses acharnées, brodeuses au point de croix et couturières éphémères pas très douées.

On raconte qu'elle a amassé pas mal de richesses dans son arrière boutique, la veuve sans progéniture, et qu'elle y trottine sur un tapis d'or et d'argent.

Pour moi, c'est de la connerie, mais bon, je m'exécute... ce que femme veut, je le peux...allons donc nous servir...

Je trouve étrange de pénétrer dans cette boutique sans âme qui vive, il y a un truc spécial dans l'air...

Une pelote blanche sur le sol est déroulée, je ne sais pas pourquoi, je la rembobine probablement en souvenir d'une vieille légende...

Elle me fait circuler entre les présentoirs surchargés, je renverse maladroitement une pile de boutons en forme de tulipe, des rubans odorants caressent mon visage. Plus loin, une pancarte met en garde la main imprudente qui se poserait sur un hérisson d'aiguilles « qui s'y frotte, s'y pique ! ».

La pelote fond un peu au contact de la chaleur de mes mains, ce n'est pas désagréable mais je me demande bien comment je vais me débarrasser de cette matière filante et poisseuse.

Je me sens de plus en plus mal, le pas lourd, l'esprit englué, hypnotisé, drogué par l'air ambiant. Mais j'avance en rembobinant.

Et au bout du fil dans lequel je suis empêtré, le cœur fou de terreur mais incapable de réagir, je découvre la commerçante qui me fixe avec un sourire féroce. Elle m'attend manifestement, elle a été prévenue de ma venue, cette chère Madame Epeire, la bien-nommée tisseuse !

A ses côtés, j'aperçois Marie qui frotte ses longs bras avec délectation, elle s'immobilise en un signe de prière...

Mais tout se trouble, on me mord, on m'emmaillote, on me réserve..."

Dernière vision de la douce Marie... gentille croqueuse de monarque trop occupé à papilloner pour se méfier...

Les Impromptus Littéraires - Au bout du fil...


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