Magazine Société

French Airports

Publié le 06 avril 2009 par Toulouseweb
French AirportsAéroports de Lyon ne deviendra pas LyonAirports. Ouf !
C’est un effet pervers de la sacro-sainte mondialisation : maintenant que la mode des noms Ťlatinsť est enfin passée, qu’il n’y aura sans doute pas davantage de Veolia, Areva, Aerolia, Natixis et autres Fortis, pour vraiment faire international, il est apparemment indispensable de passer ŕ l’anglais. C’est chic, sérieux, Ťglobalť.
Le dernier exemple en date, celui des aéroports de Lyon, est d’autant plus instructif –et amusant- qu’il s’est bien terminé. Un Cabinet de communication, que l’on imagine volontiers trčs chébran, s’est penché avec vigueur, sinon rigueur, sur le cas intéressant qui lui était soumis. Outre l’incontournable nouveau logo, forcément plus Ťmoderneť que le précédent, il en est sorti l’idée géniale de rebaptiser l’entreprise LyonAirports, en anglais et en un mot. Antoine de Saint-Exupéry a dű se retourner dans sa tombe.
L’argumentation était simple, pardon, simpliste : cette appellation anglophone s’annonçait Ťinternationale, facilement mémorisable, efficaceť. Mieux, nous citons, elle s’inscrivait dans une campagne conçue sur le mode anglo-saxon et non une campagne pensée en français puis traduite en anglais. Saône et Rhône cédaient la place ŕ la Tamise et ŕ l’Hudson. Lyon anglo-saxon !
C’était sans compter sur Jacques Guérault, préfet du Rhône. S’exprimant au nom de l’actionnaire majoritaire de LyonAirports, il est allé au charbon, a récusé l’injustifiable anglicisation et a obtenu l’annulation pure et simple de la décision. Le président du conseil de surveillance …d’Aéroports de Lyon, Guy Mathiolon, a senti passer le vent du boulet en męme temps qu’il a compris l’inutilité d’une vaine polémique qui ne ferait que des perdants. D’oů la marche arričre immédiate et le retour au nom originel. Ouf !
Si tel n’avait pas été le cas, on imagine volontiers qu’Aéroports de Paris, se sentant outragé et pris de vitesse par la province, se serait empressé de devenir Paris Airports. Et Blagnac aurait amčrement regretté que Toulouse ne se traduise par en anglais. Il est vrai que tous les aéroports n’ont pas la chance de porter un nom bien typiquement français qui est aussi une belle marque commerciale, par exemple Marseille Provence et Nice Côte d’Azur. Imagine-t-on Nice devenant Nice French Riviera Airport ?
Le bref Vaudeville lyonnais nous rappelle une évidence : dans le monde de l’aviation, l’anglais est trčs tendance, et cela depuis longtemps. Dans l’industrie, les coopérations internationales ont imposé le basic English, plus accessible que l’esperanto, dčs l’époque des premiers programmes multinationaux comme le C160 Transall et le Breguet Atlantic (devenu tardivement Atlantique dans l’Aéronautique navale française). Puis est venu Concorde, opération franco-britannique officiellement bilingue mais trčs anglophone dans la pratique quotidienne, les sujets de Sa Majesté ne faisant gučre d’efforts pour apprendre les langues.
Involontairement, sans męme s’en rendre compte, Airbus a ensuite parfait le travail de démolition du français en s’imposant l’anglais comme unique langue de travail. Ou plus exactement un sabir que l’on qualifie volontiers d’eurosprechen ŕ Toulouse et ŕ Hambourg.
D’autres ont pris le męme chemin, au fil des accords internationaux, de MBDA ŕ EADS en passant par la myriade d’alliances qui ont permis de construire une industrie aérospatiale européenne forte et cohérente. Quelques exceptions subsistent, lŕ oů l’actionnariat des sociétés est moins international que d’autres. Ainsi, on parle invariablement la langue de Voltaire au sičge de Snecma, chez Dassault. Quitte ŕ passer ŕ l’anglais hors des frontičres. L’un n’empęche pas l’autre.
Air France parlait français de bas en haut de l’organigramme jusqu’au moment du rachat de KLM. Mais, ŕ vrai dire, ŕ Roissy comme ailleurs, de curieux dialectes s’étaient déjŕ imposés. De longue date, les avions sont leasés, notamment des wide-bodies, des lignes code-sharées, des activités sont outsourcées, le yield management repose sur des outils digitaux qui imposent de surbooker.
De maničre plus générale, pour booster leur carričre et se doter d’un bon background, les managers des tier 1 cherchent ŕ multiplier leurs contacts avec les airlines. Ce qui les aide ŕ mieux utiliser les market forecasts, y compris ceux de la compétition. Ils espčrent ainsi se protéger des conséquences d’un éventuel downsizing en bénéficiant de bonnes inputs. Un incentive pour impulser leur know-how et les mener un jour ŕ un poste de vice président et au leadership. C’est la positive attitude.
Claude Hagčge, professeur honoraire au Collčge de France, a tout dit en peu de mots : Ťla langue est le reflet profond d’une communauté, la domination d’une seule langue, loin d’ętre une promesse, est une menaceť. Merci ŕ Lyon pour la piqűre de rappel !
Pierre Sparaco - AeroMorning

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Toulouseweb 7297 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine