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OBAMA : tournée générale de Londres à Bagdad

Publié le 11 avril 2009 par Nellym67

Je laisse aujourd'hui la place à mon ami Antoine Spohr, une de nos grandes plumes strasbourgeoises spécialisées dans les questions européennes : retour sur le séjour "obamaéen" en Europe.

Par Antoine Spohr :

Economie mondiale, défense des « bons », assainissement de la planète, recadrage de l’aire d’influence US, baiser sans retenue aux défenseurs de l’axe du bien: « America is back » , cette fois avec Barack Obama. Nouvel ordre mondial ? Pas si sûr . Nombreux sont ceux qui, prompts à s’enflammer au rayonnement d’un homme d’une indéniable qualité, d’un charisme nourri d’un rare talent de tribun à l’élégance naturelle et souriante, nombreux sont ceux-là qui, gavés de belles paroles et de folles espérances, ressentent comme «  une gueule de bois » à la réflexion quelque peu distanciée. Pour le moins, le dithyrambe est-il tempéré par quelques bémols ou une sourdine .   Passe pour le verre à moitié plein de Londres.( ou l’inverse).   Un bilan contrasté pour une presse quasi unanime, qui s’inspire souvent des sentences des économistes. Joseph Stiglitz a été cependant plus critique que d’autres plus facilement relayés. Relancer la croissance, renforcer la supervision des organismes financiers, renflouer le FMI dont il faudrait pourtant revoir la gouvernance jugée trop proche de Washington, aider les pays pauvres et rejeter le protectionnisme . Dont acte mais pouvait-on en faire moins ? La question du classement des paradis fiscaux ou l’absolution qui leur est accordée, relève sans doute d’une louable intention mais comment classer alors le Delaware et le Nevada ( ah, Las Vegas !) mister OBAMA, Guernesey et Jersey , mister Gordon Braun et St. Barthélémy, monsieur Sarkosy. Ce ne sont là que des exemples un peu faciles. Le G 20 aurait sans doute pu mieux faire mais les observateurs-sycophantes compétents et courageux doivent rester vigilants et se faire entendre. A Londres, le président des Etats-Unis ne s’est pas poussé sur l’avant-scène en jouant des coudes comme son prédécesseur dans le plus pur style western.   Together et encore together au sommet de l’OTAN à Strasbourg   Cette fois l’offensive de charme a atteint pleinement son but. L’Obamania a gagné son paroxysme à Strasbourg . Mon Dieu, quel charme, quel talent, quelle classe ! J’y étais et j’ai été privé tout d’un coup de tout esprit critique comme toute l’assistance venue de toute la région rhénane pour voir cette incroyable «  bête de scène ». Peut-être la détestation de W.Bush et le contraste ont ils opéré aussi ? Le comble de l’enthousiasme grégaire fut atteint à l’invitation maintes fois réitérée «  à s’unir, Européens et Américains, pour garantir la paix ensemble ». On a frôlé l’extase lorsque l’incomparable orateur a fortement appuyé le rôle européen de Strasbourg et de son Parlement Européen, parfois contesté. Dans l’assistance, il y avait un grand nombre d’Allemands et même des Suisses qui ont été gagnés par le même engouement . L’Alsace et son environnement sont des terres de polyglottes et l’anglais d’Obama si bien «  articulé » dans les deux acceptions, si compréhensible que miraculeusement, tout passait . Mais, diable, secouons nous ! Dans les rues de la ville calfeutrée en bleu, la circulation était quasi impossible, les filtrages intransigeants sur la présentation de badge et de pièce d’identité. Une ville morte, d’un calme d’ avant tempête. Celle-ci éclata le lendemain, vigoureuse et dévastatrice, sans victime physique toutefois. Une explication possible entre autres. Les altermondialistes patentés souvent très sages, les anarchistes moins calmes sous leur drapeau noir mais surtout des groupes plus mystérieux venus surtout de l’Europe du Nord ou d’Italie( on pouvait les identifier par leurs mots d’ordre ou leurs propos hurlés dans leur portable) les « black-blocks », en tout quelques milliers ou dizaines de milliers selon les comptages, ont été souvent refoulés y compris de zones prévues pour la manifestation pacifique anti-Otan. Messieurs les chefs d’Etat, M. Obama et M. Sarkozy et Mme Merckel en tant que puissances invitantes que ne vous en êtes vous tenus à l’horaire prévu ? Pour un accouchement trop difficile d’un secrétaire général qui déplaisait à la Turquie ? Cela aurait pu attendre, l’essentiel était ficelé et les Etats-Unis avaient renforcé l’Alliance , comme prévu. C’est cette modification des prévisions de «  timing » qui n’a pas permis aux forces de l’ordre d’être redéployées en temps utiles aux endroits stratégiques et donc de canaliser la manifestation qui, il faut le reconnaître, manquait elle-même de coordination et d’encadrement . Enfin Strasbourg, tant de fois éprouvée au cours de toutes les grandes guerres, en a vu d’autres et se remettra courageusement comme toujours . Mais Obama comme ses collègues de l’UE étaient déjà à Prague .   Réduire les arsenaux nucléaires et lutter contre le réchauffement climatique.   Sur fond de provocation tonitruante de la Corée du Nord qui lance «  fort opportunément » un missile balistique, le chef de la première puissance militaire du monde, a déclaré d’emblée : « Les Etats-Unis vont prendre des mesures concrètes en faveur d’un monde sans armes nucléaires », tout en défendant le projet de système anti-missile au moins jusqu’à la disparition de la menace iranienne. En tout état de cause, les Etats-Unis conserveront un arsenal sûr pour dissuader tout adversaire éventuel et protéger leurs alliés . Là encore une invitation à l’Europe à développer ses propres capacités de défense. Défense européenne ou renforcement des partenaires acquis et confirmés précédemment ? La question de la sécurité énergétique comme celle de la lutte contre le réchauffement climatique passe au second plan. Détail pittoresque : dans la ville de Kafka, l’hôte du Château est le plus qu’eurosceptique président Vaclav Klaus, président de l’UE en exercice, qui considère ( il l’a écrit dans un livre traduit en dix langues) que le réchauffement climatique n’est qu’une vision d’écologistes hallucinés. Mais comme on est tout de même à 27, on en parle aussi et Barack Obama s’engage à être un partenaire actif dans le processus de Copenhague ( conférence de l’ONU prévue en décembre prochain). Dont acte encore une fois mais le temps presse ! Vite Ankara puis Istambul !   La Turquie dans l’Europe pour améliorer les relations entre Occidentaux et le Monde Musulman .   L’univers kafkaien n’est pas loin. La Turquie, état laïque en principe, à laquelle l’UE demande au demeurant de réaffirmer cette laïcité, serait l’interface judicieux, opportun, pratique entre deux aires culturelles, si cette expression peut encore être employée librement sans en gommer les disparités : l’ Occident et le Monde Musulman. Il serait donc impérieux que l’Europe intègre cette Turquie, ce à quoi invite le président Obama, fort du leadership que Monde Occidental vient de lui confirmer. La réponse de Nicolas Sarkozy dont Obama ne pouvait ignorer la position, ne s’est pas fait attendre. On ne peut s’empêcher de penser à la « doctrine Monroe » en 1823 et d’en prendre le leitmotiv corrigé «  L’Europe aux Européens ». La chancelière allemande, dans un premier temps, a rappelé les divergences de vue dans l’UE, taisant la position des Allemands. Glanée en marge d’un mini-débat en préparation des élections européennes, cette observation de Joseph Daul , le président du groupe majoritaire ( PPE) au Parlement Européen : « Je ne suis pas trop inquiet, les exigences de l’UE sont telles que la Turquie n’est pas prête d’être en situation de les satisfaire et alors elle aura beaucoup changé » En complément, on serait tenté de s’interroger sur le regard que porterait alors sur elle le monde musulman. Une fois de plus le charme a opéré : les Turcs sont confiants ou du moins feignent de l’être. Eh oui, Jacques Julliard vous avez raison lorsque vous écrivez : « l’Europe politique est un terrain vague et l’Europe diplomatique, une friche industrielle ».  

Epilogue à Bagdad

  La tournée s’achève en apothéose en visite surprise à Bagdad dans des embrassades encore plus chaleureuses. Tchin-Tchin braves GI’s ! Mais ne nous mêlons pas de politique intérieure américaine. Le premier des Américains est avant tout un Américain, fort légitimement soucieux d’abord des intérêts de son pays. Peut-on lui en vouloir ? Sûrement non. Mais ceux qui ont trop rapidement vu en lui le sauveur de la planète sont bien obligés d’en démordre tout en se consolant en continuant d’admirer cet homme remarquable et sans doute de bonne volonté . Oui nous aussi, Européens, nous pouvons .Yes dear mister Obama, we also can !   Antoine Spohr.  

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