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La lettre fleuve de Sarkozy aux enseignants

Publié le 09 septembre 2007 par Alain Hubler

Une classe entre 1914-1918Cette semaine, 850′000 enseignantes et enseignants français ont reçu la lettre envoyée par Nicolas Sarkozy, mais rédigée par Henri Guaino. Il en coûtera demi-million aux finances hexagonales.

Cette lettre, d’une longueur extrême, est fort bien écrite. Du grand art. Elle brosse le poil des enseignants dans le bon sens, elle énonce des valeurs dans lesquelles personne ne peut ne pas se reconnaître, du moins en partie. Elle enfonce des portes ouvertes et recèle de nombreux de poncifs.
Tout se passe plus ou moins bien jusqu’à l’avant-dernier paragraphe où le masque tombe. Avant-dernier paragraphe, c’est-à-dire suffisamment longtemps après le début de la lettre pour que la majorité des lecteurs ait eu le temps de laisser retomber son attention. Voici ce fameux avant-dernier paragraphe et l’interprétation que j’en fais.

Dans l’école que j’appelle de mes vœux où la priorité sera accordée à la qualité sur la quantité, où il y aura moins d’heures de cours, où les moyens seront mieux employés parce que l’autonomie permettra de les gérer davantage selon les besoins, les enseignants, les professeurs seront moins nombreux. Mais ce sera la conséquence de la réforme de l’école et non le but de celle-ci. Et, je m’y engage, les moyens qui seront ainsi dégagés seront réinvestis dans l’éducation et dans la revalorisation des carrières. Il s’agit d’être plus efficace, non de rationner. Et il s’agit d’être efficace non seulement pour atteindre un objectif économique, non seulement pour que demain notre économie dispose d’une main d’œuvre bien formée, mais aussi, et peut être surtout, pour que nos enfants soient porteurs de valeurs de civilisation, pour qu’une certaine idée de la civilisation continue de vivre en eux.

En clair, les élèves auront moins d’heures de cours. Ils devront donc faire plus et mieux en moins de temps, comme leurs parents. C’est ce que l’on pourrait appeler «travailler moins pour apprendre plus». À moins que le choix ne soit de se contenter de former à l’essentiel pour que les petits Français soient juste opérationnels dans l’économie sarkozienne. Ou peut-être les deux.

Par l’autonomie de la gestion des moyens, l’égalité des chances entre les écoles et les régions sera reléguée aux oubliettes, mais la «saine concurrence» entre les établissements permettra de faire «plus avec moins».

Les enseignants seront moins nombreux et ils pourront – ou devront – appliquer à la lettre le grand principe sarkozien : «travailler plus pour gagner plus». Mais attention, comme les moyens seront «mieux employés», ils seront alloués à ceux qui le mériteront, c’est le salaire au mérite qui permettra par la même occasion de revaloriser certaines carrières en faisant payer la facture de la revalorisation à ceux qui ne le mériteront pas.

«Il s’agit d’être plus efficace, mais non de rationner», mais si d’aventure l’efficacité de la diminution du nombre d’heures de cours, l’optimisation des moyens d’enseignements et le salaire au mérite aboutissent à des économies substantielles, le président hexagonal ne s’en plaindra pas. Il n’aura pas rationné, il aura juste amélioré le fonctionnement de l’école.

L’enseignement doit être efficace pour atteindre un «objectif économique». Voilà qui est clair : l’enseignement doit fournir à l’économie de Sarko de bon petits travailleurs formés à la soumission, à la flexibilité, à la mobilité, à l’individualisme et à la consommation qui sont les «valeurs de la civilisation» ultra-libérale du président.

Un jolie et longue lettre qui se termine fort mal …


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