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Les problèmes de conscience de la politique d'immigration

Publié le 13 avril 2009 par Juan
Parmi les 6 associations retenues pour apporter aide et information aux immigrés sans-papiers détenus dans les Centres de Rétention Administratives (CRA), l'une d'entre elles n'a pas fini de faire parler d'elle. Le Collectif RESPECT a été sélectionné par le Ministère d'Eric Besson pour s'occuper des CRA d'outre-mer (lot numéro 5, parmi les 8 définis par le Ministère) : celui de la Guyane, de la Réunion et de la Guadeloupe, où l'on comptabilise quelques 12 000 expulsions par an.
Une association d'obédience UMP s'occupera de sans-papiers
Les problèmes de conscience de la politique d'immigrationOn en avait découvert l'existence lors de l'appel d'offres organisé par Brice Hortefeux quand il était ministre de l'identité nationale. Jusqu'en 2008, cette association était présidée par Frédéric Bard, membre de l'UMP Paris et chargé de mission au département développement solidaire du ministère de l'immigration. le site internet de RESPECT étant en "travaux" depuis des lustres, il faut se tourner vers le blog d'Anne-Marie Engler pour y trouver sa profession de foi :  “nous avons décidé de créer Collectif Respect, nous étions au lendemain des sifflets contre la Marseillaise au Stade de France, jeunes ou moins jeunes, nous entendions remettre notre République sur ses pieds, reprendre ces trophées abandonnées à l’extrême droite: la Patrie, l’hymne national, le drapeau tricolore”.
Maryse Lechesne (cf. photo) coordonne le collectif, tandis que Didier Mouliom est son chargé de communication. Maryse Lechesne était sur la liste UMP de Jean-François Copé pour les élections régionales de 2004. Ce Collectif a été subventionné par le ministère de l'identité nationale. "Pourquoi ?" se demande l'excellent blog "Combats pour les droits d'homme ?"
Depuis longtemps, le gouvernement cherchait à affaiblir le mouvement de contestation de sa politique d'immigration. La constitution d'un appel d'offres qui prive à une association seule l'aide et le conseil aux sans-papiers détenus partout en France n'était pas anodin. Qu'un des organismes retenus soit un collectif quasi-fantôme créé par l'UMP devient risible.
Les nouvelles missions d'Eric Besson
Le ministre a eu l'honnêteté d'afficher sa lettre de mission sur son site. Sa lecture est instructive. Nous avons relevé quelques points clés :
  • Expulser 27000 sans-papiers : "Nous vous demandons de viser un objectif de 27.000 éloignements, retours volontaires ou reconduites forcées, de migrants en situation irrégulière. En 2008, un tiers des départs se sont effectués dans le cadre des aides au retour volontaire. Nous vous invitons à examiner toutes les possibilités pour rendre cette procédure encore plus efficace."
  • Limiter les contentieux relatifs aux éloignements: la lettre vise les résistances diverses, à l'embarquement ou en justice.
  • "Optimiser l’usage de la biométrie", dans le cadre du contrôle des frontières. Comme le note un rapport officiel en décembre dernier, le nombre de postes consulaires équipés progresse : "78 postes consulaires supplémentaires ont été équipés en 2007 et 2008 (38 en 2007 et 40 en 2008) portant ainsi le nombre total des postes équipés pour délivrer des visas biométriques à 103 fin 2008." La France a également prévu la France de raccorder son système national au système européen au printemps 2009.
  • Réprimer les passeurs, un objectif qui a fait beaucoup parler de lui ces dernières semaines, à cause des pressions sur les "aidants" bénévoles.
  • Renforcer la lutte contre les employeurs de travailleurs clandestins: "Vous augmenterez le nombre d’opérations conjointes de contrôle de 1.220 en 2008 à un minimum de 1.500 en 2009."
  • Défendre l'identité française: "Nous devons être fiers d’avoir restauré en France un discours assumé sur l’identité nationale et républicaine. Vous poursuivrez ce travail, ouvert et sans tabou, de réaffirmation de ce que signifie aujourd’hui « être Français »". Mais qui a honte d'être Français ?
Il est un autre objectif, peu commenté, qui s'apparente à une vraie préférence nationale: "La priorité absolue doit aller au retour à l’emploi des personnes qui en sont privées en France". Au Front National, on appelle cela "la préférence nationale". Une belle tentation en période de crise. "Les étrangers nous chipent nos emplois"... etc etc. Le ministère ne publie par ailleurs aucun bilan de l'immigration choisie: un rapport gouvernemental au parlement en décembre dernier souligne que "l’évolution constatée en 2007 (en matière d'immigration professionnelle) répond de façon encore modeste aux souhaits des pouvoirs publics." Mais la loi Sarkozy de juillet 2006 a tardé à être appliquée: ses textes d’application ne sont intervenus pour l’essentiel qu’au printemps 2007. Ils prévoient une ouverture sélective à l’immigration du marché du travail français, "pour certains métiers et pour certaines zones géographiques connaissant des difficultés de recrutement"), avec la délivrance d’une carte de séjour “Compétences et talents” aux étrangers "susceptibles de participer de façon significative et durable au développement économique ou au rayonnement de la France et de leur pays d’origine." Cette dernière carte, symbole de l'immigration choisie, n'est ... qu'un symbole. Du 1er janvier au 30 septembre 2008, seules 160 cartes “Compétences et talents” avaient été délivrées.
Le malaise de la gauche
Eric Besson a beau jeu de critiquer l'absence de projet complet de l'opposition en matière d'immigration. Ce n'est pourtant pas si compliqué. Face aux expulsions, l'opposition citoyenne défend les sans-papiers intégrés, ceux qui travaillent. Elle doit aussi réfléchir aux solutions humanitaires, comme par exemple à la création de véritables structures d'accueil pour les victimes de passeurs.
Face aux réseaux clandestins, l'opposition devrait construire son discours sur les profiteurs du travail au noir (ie ces employeurs qui ne respectent pas les lois sociales, le SMIC et les garanties élémentaires du travailleur par le biais du travail au noir). Quand Sarkozy stigmatise les clandestins, la gauche devrait stigmatiser les employeurs clandestins. Enfin, la gauche devra se préoccuper du développement, en faisant fi de la Françafrique (comme Ségolène Royal à Dakar il y a quelques jours) en accroissant drastiquement l'aide financière à ces pays. Rappelons que le budget alloué au co-développement, au sein du ministère d'Eric Besson, se chiffre à environ 60 millions d'euros...
Une politique d'immigration juste et cohérente exige des moyens financiers et de la lucidité.
Nicolas Sarkozy mise sur la répression. La gauche devrait penser à la formation, à l'accueil et à la répression des "profiteurs", passeurs et employeurs.

Besson: "Je me pose des questions de conscience..."
par politistution
Lire aussi:
  • Rétention: un chargé de mission UMP du ministère de l’Immigration était à la tête du collectif “Respect” ayant répondu à l’appel d’offres (Combats pour les droits de l'Homme, octobre 2008)
  • "Le collectif Mystère dévoilé" (RESF, octobre 2008) 
  • "Les inquiétantes ruptures d’Eric Besson : l'homme sans passé pour une France sans avenir" (peuples.net)

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