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La Turquie, l'Europe et le syndrome de Servius

Publié le 13 avril 2009 par Lheretique

Barack Obama a fait un tabac en rappelant la position historique des USA sur l'entrée de la Turquie en Europe : levée de boucliers générale en Europe, particulièrement en France.

Il y a plusieurs causes qui expliquent l'opposition des Français : tout d'abord, Erdogan a donné un très mauvais signal en s'opposant à ce que soit nommé Rasmussen, l'ex-premier ministre du Danmark, parce que c'est sous son mandat qu'a éclaté l'affaire des caricatures de Mahomet. Si Erdogan n'est pas capable de faire des distinguos entre religion et politique à ce niveau-là, il est clair qu'il n'est absolument pas envisageable de voir la Turquie entrer dans l'Europe.

Il y a ensuite Chypre : tant que la Turquie reconnaîtra une partie d'une territoire appartenant à l'Union (Chypre a adhéré) elle n'a aucune chance de rejoindre l'Union. Il y a là un imbroglio juridique, parce que, d'une certaine manière, cela signifie que la Turquie est en guerre avec l'Union Européenne !

La troisième cause est plus subtile, et nous retrouvons là le syndrôme de Servius Tullius, le sixième roi historique (légendaire ?) de Rome. On parle de royauté pour la Rome archaïque, mais en réalité, les rois étaient élus. Celui qui mit fin à ce système de démocratie directe, ce fut justement Servius Tullius, car il établit des catégories de citoyen selon leur fortune et mit en place un régime censitaire. Tite-Live trouve ça très bien et prête même à Servius Tullius l'intention d'avoir voulu établir la République, mais, de n'avoir pu aboutir en raison...de son assassinat par Tarquin le Superbe.

L'Europe a le même problème que Servius Tullius : jusqu'ici, ce qui fait aussi que le Parlement européen a encore des pouvoirs très limités, c'est surtout que la richesse relative des citoyens européens n'est pas identique. Or, les gouvernements peinent à admettre que les plus pauvres finissent par prendre des décisions pour les plus riches. Mais que se passera-t-il si un pays de 70 millions d'habitants intègre d'un coup l'Europe ? Avec une population disposant d'un revenu en deçà des minimas européens et un poids démographique qui va bouleverser la représentation démographique du Parlement Européen, on peut comprendre les hésitations de l'Union. Qu'ils entrent, et les budgets d'aide publique de l'UE vont littéralement exploser.

Même si la Turquie n'est pas réputée être une terre d'extrémistes, s'ajoute à cela le problème de l'islamisme qui n'est pas soluble dans la démocratie européenne. Certes, l'AKP en a rabattu, et, in fine, il a sans doute fait plus de réformes démocratiques que n'en a jamais fait un parti laïc en Turquie. Il n'en reste pas moins que les pratiques de l'AKP dans les Universités et les récentes sorties d'Erdogan n'incitent pas à l'optimisme. A cela, il faut adjoindre le très haut niveau de corruption dans l'administration et le système judiciaire turcs.

Les derniers rapports d'Amnesty International vont toutefois dans le bon sens, même s'il reste beaucoup à faire. La Turquie a signé la Convention Européenne des Droits de l'Homme et adopté la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants .

On en revient bien donc, avant toutes choses, à mon syndrôme de Servius : le problème principal, actuellement, c'est le niveau économique et la démographie de la Turquie. Le reste, je ne dis pas que ce n'est pas important, mais ce n'est pas ce qui pose le plus de problèmes pratiques d'autant plus que la Turquie montre tout de même clairement une réelle bonne volonté depuis plusieurs années.


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