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La révolte des cadres

Publié le 13 avril 2009 par Dagrouik

L'idée de ce billet m'est venu le jour de la dernière manifestation unitaire, le 19 mars. J'y ai vu des familles, des jeunes, des vieux et des cadres travaillant dans des centres de recherche. En discutant avec d'autres blogueurs, l'impression que si les cadres manifestaient, si les familles manifestaient c'est que le mal était profond et que la demande de correction politique et économique avait lui aussi une intensité que les medias avaient du mal à percevoir ou a retranscrire.

Il y a quelques temps je suis tombé sur une étude du journal du net sur l'emploi des cadres et des jeunes. Vous allez voir que ces quelques chiffres montrent l'étendue du problème: La précarisation touche les jeunes ça on le savait, sans diplômes ou avec diplômes peu reconnus par les entreprises en mode "code barre sur la nuque". Mais aussi désormais les jeunes cadres:

Tout va donc pour le mieux pour eux ? Ce n'est pas si simple. Ainsi, seuls 28 % des jeunes accèderaient à un CDI dès leur premier emploi, les CDD (43 %) et, dans une moindre mesure l'intérim (23 %), étant très répandus. D'où des salaires moyens de début de carrière très inférieurs au Smic. Les jeunes, stagiaires compris, déclarent ainsi toucher 1 180 euros mensuels. Une situation qui s'arrange par la suite puisque 62 % des personnes ayant commencé leur carrière en CDD sont aujourd'hui en CDI. Une situation certes moins précaires mais pas question de rouler sur l'or pour autant : le salaire moyen déclaré par l'ensemble de la population étudiée ne dépasse ainsi pas les 1 331 euros, soit une petite dizaine d'euros au dessus du Smic temps plein. C'est d'ailleurs le principal point de mécontentement des jeunes actifs qui s'estimeraient satisfaits avec un salaire de 2 114 euros.

L'étude ne dit pas ce que les 38% restant ont comme statuts précaire. Toujours est il qu'ils sont en CDD, c'est à dire qu'ils sont dans la prise de risque et la précarité. Pour les ânes pro-UMP, je vous précise que j'ai 18 ans d'expérience pro, et que j'ai vu, et que mes amis voient des CDD dans des postes permanents. Venons-en aux cadres selon cette étude.

La situation des jeunes cadres est assez logiquement plus enviable que la moyenne. 82 % sont actuellement en CDI, statut que 45 % d'entre eux ont acquis dès leur premier poste. 75 % touchent plus de 1 900 euros mensuels. Les études ne sont pas pour autant la recette miracle puisque seuls 38 % des diplômés du supérieur accèdent à un CDI immédiatement.

Et oui, le jeune cadre commence à toucher à la précarité et aux CDD, il peut débuter avec moins de 1900 euros mensuels (25%). Voilà donc pour nos jeunes cadres, supposés être tous dans le moule "code barre dans la nuque", c'est à dire formaté comme il faut par une école, Sup de CON ou autre truc du même acabit. En voyant ces chiffres, vous comprenez aisément cher lecteur, qu'un(e) DRH va préférer employer de surcroit en CDD, un jeune diplômé qu'elle payera 20 ou 40% moins cher qu'un cadre de 40 ans. Sans doute en pensant qu'il sera servile et flexible à souhait.
Nos pauvres DRH devraient se souvenir que 58% des cadres soutennaient la grève du 19 mars:
73% des cadres du secteur public affichent leur soutien, 48% de ceux du privé. 68% des cadres ayant des revenus inférieurs à 3.000 euros brut mensuels font de même contre 52% des cadres aux revenus supérieurs.
85% des cadres interrogés jugent que "ces mouvements sociaux en France vont être de plus en plus importants", 10% "de moins en moins importants" et 5% ne se prononcent pas.
Il serait intéressant de les sonder sur l'évolution actuelle, mais vous allez le voir, l'actualité va nous fournir un exemple très récent. Je pense que Sarkozy va finir par s'inquiéter et que les trolls UMP vont couiner sec.

En fait ça ne m'étonne pas les cadres sont à bout (pas tous bien sûr, mais de plus en plus). Ils servent d'exécuteur des basses œuvres, doivent remplir des objectifs sans rapport avec leur job, se voient refuser toute possibilité d'innover sans l'aval des Directeurs Financiers qui ont eux l'oreille des actionnaires qui ne pensent qu'à la rentabilité immédiate.
Pire encore,les salaires de recrutement semblent baisser. Et ils sont pris eux aussi dans les délires de la corporate gouvernance avec power point et indicateurs irréels servant à juger de la qualité du travail des autres.
Personnellement, j'ai déjà noté qu'on pouvait être cadre supérieur à 2,3* le SMIC chez France Télécom en 2006. Et bien sûr avec aucun subordonné, et aucun des attributs du cadre supérieur selon la jurisprudence. Bref du grand n'importe quoi, ou comment déclasser socialement par le haut .
J'ai toujours pensé qu'un mouvement social fort aurait besoin de cadres en colère pour fonctionner. Et que vois-t-on désormais, des cadres, ici des ingénieurs qui séquestrent des dirigeants. Ça se passe dans l'Essonne à 30 minutes de Paris. Dites moi bande de trolls UMP et autres jeunes pop fans de Facebook, est ce que cet individu a une tête de voyou ou de délinquant ?


La revolte des cadres: Faurecia
envoyé par dagrouik

Bien sûr, que non. Et son message est simple, il est à la portée des winners en tout genre. Ou plutôt non, le winner, la tête d'œuf ne comprend pas le message simple des salariés de ce pays. Tiens mon con, tu vas serrer les fesses, parlons de prolétaires, c'est a dire de ceux qui vivent de leur travail et pas d'une rente ou de l'exploitation des autres. Vous avez entendu "Même si on n'est sur un centre de recherche..." Ce qui veut tout simplement rappeler aux actionnaires que les ingénieurs et chercheurs ne se laisseront pas faire.

Voilà d'ailleurs ce qu'on pouvait lire dans l'Humanité le 21 Mars. C'est un cadre de cet équipement Faurecia qui s'exprimait.
« Nous sommes des hommes et des femmes, nous avons envie de travailler dans notre pays et nous avons envie d’avoir un avenir. Nous ne sommes surtout pas là uniquement pour fournir des dividendes aux actionnaires »(...) « On n’est pas dupe. Les patrons "commencent à grincer" : on est en train de leur mener une lutte des classes pour qu’ils ne s’accaparent pas toutes les richesses »(...) « le mouvement va continuer parce qu’il n’y a pas que les ouvriers, les cadres s’y mettent ».

On séquestre aussi en Belgique, ce n'est donc pas une exclusivité française. Ça séquestre même en ce moment : 10 avril 2009. Et si ça se propageait au reste de l'UE ? Tout est possible. En plus, ce n'est pas nouveau: ça date des années 70 où c'était plus politique et plus "violent". Là tout se passe dans une atmosphère bon enfant sans violence. Y-a-t-il eu des plaintes au pénal ? On peut en douter, sinon la bande de CON-muniquant de l'UMP aurait immédiatement sauté sur la nouvelle.

En attendant de zélés pisse-froids parlent de vague de séquestration. En fait il n'y a en a eu que 5 en 10 jours. Les 500000 nouveaux chômeurs observés depuis 6 mois ne sont pas l'objet d'une telle modélisation outrancière. On a même inventé une expression, le Bossnapping. Acronyme anglais proche de Kidnapping. Chez nos voisins grand-bretons, le bossnapping semble être plus difficile et moins dans la culture locale.

Occupying a factory can be effective: visibility is high and you deny an employer access to plant, machinery and offices. But stricter labour laws make it harder these days. Britain also seems to have a more ingrained respect for private property than some other European countries.
Ben zut alors , ils préfèrent faire des occupations et commencer enfin à se souvenir qu'ils ont participé à la naissance d'une économie qui favorise les zillionaires et protège ses propres paradis fiscaux. Revenons chez nous, en plus quand ils procèdent à des séquestrations nos salariés le font en proposant parfois des solutions ou en soulevant des problèmes de fond. Ici leur contre projet sauverait 200 emplois, et on pourrait passer aux 32 heures hebdomadaire pour en sauver encore 100 de plus. On apprend ainsi que le contre-projet ne couterait que 3 millions d'Euros. Tandis que Peugeot SA actionnaire à 70% de Faurécia à été un des rares à bénéficier... Tandis que les équipementiers n'en bénéficiaient pas tous.

Évidement la presse de droite, la pravda néo-con en tête est en mode "Go-Goliste" avec réflexes des années 60, du temps où un coup d'état leur avait donné la République.

Et il est vrai que le spectre de «la chienlit», selon la célèbre expression du général de Gaulle en mai 68, est aussi un bon argument électoral pour la droite, qui peut espérer ressouder son camp à cette occasion. L'inquiétude n'est pourtant pas feinte chez les députés UMP. «Chez moi, toutes les PME sont touchées par la crise, témoigne Alain Ferry, député du Bas-Rhin. Les séquestrations de patrons ne règlent rien, mais il est vrai que le mal est profond.»

On est en plein déni de réalité! Les salariés en question expliquent qu'ils en ont tiré des avantages ou ont réduit en partie les problèmes. Mais pour le Figaro ce n'est rien. Et ils ne savent pas compter :

Étienne Mougeotte : « Des millions de patrons dotés de justes rémunérations se battent avec acharnement pour sauver leurs entreprises et donc l’emploi.

Mais combien y-a-t-il d'entreprise dans ce pays ? A raison d'un patron par entreprise... ça ne fait pas des millions de patrons. ici le con est halluciné par sa propre idéologie.

Un autre éditorialiste du Figaro fait dans l'aveu sans s'en rendre compte:  Les amalgames sont tellement faciles dans le zapping déformant de la médiatisation que les enragés et les sans-culottes d'aujourd'hui auraient tort de s'en priver afin de persuader notre pays que tout va mal. Il suffit de reprendre les propos d'Olivier Besancenot après les manifestations de casseurs, le week-end dernier à Strasbourg, pour comprendre : «Les autorités ont tout fait pour que ça dégénère.» Voici l'ennemi : l'autorité. Autrement dit, Nicolas Sarkozy.

Il parle de sans-culottes, c'est le terme inventé en 1789 pour caractériser le tiers état qui se révoltait et n'avait pas le droit ou les moyens de porter la culotte et les titres réservés aux fin de race et autres sang-bleu. Nul besoin de lui chauffer les plantes de pied au tison, le voilà qui par son propre langage avoue ses craintes et ses désirs. Les victimes de la crise, devenues sans culottes seraient manipulées par des médias pour les persuader (...) que tout va mal. 

Yves Théard, puisqu'il s'agit de lui doit souffrir d'amnésie sélective: La dernière période où des médias ont manipulés les citoyens pour leur faire croire que tout allait mal dans un domaine, c'est en 2002 avec l'insécurité. Il me semble me souvenir que le Figaro n'était pas en reste. Cet imbécile semble ignorer que les sans-culottes d'aujourd'hui ou les équivalents des vils "socialistes" de 1848 que la bourgeoisie craignaient ne sont plus des illettrés sans formation. Ils sont ouvriers, techniciens, cadres, gestionnaires, chercheurs, scientifiques et savants.

Quand à nos ânes du Figaro et du gouvernement, qu'ils se méfient. Il ne restera bientôt que les nantis, les notaires et les actionnaires pour soutenir ce gouvernement. L'explosion sociale menace, il ne s'agit pas de se mettre sur des barricades comme certains l'espèrent ou le fantasme. Mais de se secouer les neurones et de faire comprendre à ces gens là qu'ils ont intérêt à respecter une chose simple: l'intérêt général.

La droite a prospéré sur la chienlit en 1968, nul doute que la nouvelle génération de néo-cons (associée au croulant de 86 ans Guéna pour saloper les élections) ne fantasme sur une resucée de Juin 1968. Sauf que la sociologie à changé et que certains ont bien vieilli et que d'autres se sont adaptés dans un sens qui n'est pas celui voulu par les tenants de l'ordre établi: Fonctionnement en réseau (cf les chercheurs), médias alternatifs, chaînes d'infos, nouvelles formes de manifestation, prise de conscience de la nuisance du système... Et que tout se monde là se dit la même chose que Maxime:

Ce pays où la colère de ses habitants est méprisée, rabaissée, moquée par des crétins qui préfèrent aller fanfaronner dans des usines qui fermeront demain, ou ont déjà fermé leurs portes, alors qu’on leur promettait de les sauver. Bordel, mais combien de millions de personnes faudra-t-il mettre dans la rue avant qu’on les écoute? Qu’est-ce que la droite attend? Des émeutes? Des révoltes?

C'est un peu ça le fond du problème. Alors soyons sur nos gardes, méfions nous de cette droite et de toutes ses maneouvres ou insultes. Les plus jeunes l'ont oublié, mais celle-ci a manipulé l'opinion, soutenu des coups d'état légaux en 1958. Plus récement, elle a joué avec la vie d'otages, maculé de sang une grotte en nouvelle calédonie ou joué avec l'insécurité pour éviter se perdre le pouvoir en 2002.


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