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Manifeste pour le téléchargement gratuit

Publié le 09 septembre 2007 par Jean-Michel Plisson
Denis Olivennes est le patron de la FNAC qui est le premier distributeur de musique et de vidéos en France. Denis vient d’être chargé par le gouvernement d’une mission sur la lutte contre le téléchargement illicite et le développement des offres légales d'œuvres musicales, audiovisuelles et cinématographiques. La ministre de la culture qui a confié cette délicate mission à Denis ne s’est sans doute pas rendu compte qu’il y avait là un conflit d’intérêt voire une collusion. Tout en écoutant gratuitement de la musique en streaming sur Musicovery, voilà ce que j’aimerais dire à Denis concernant ce sujet :   Les internautes produisent gratuitement des œuvres intellectuelles Les internautes contribuent très largement à la richesse du web en créant du contenu sur leur blog, sur les sites de journalisme citoyen, sur les wiki, sur tous les sites web 2.0. Tout ce contenu qui se chiffre en milliards de pages web sont des œuvres intellectuelles offertes gratuitement par les internautes à la communauté des internautes qui, rappelons-le se compose de gens comme moi, de distributeurs comme vous Denis et même d’artistes, de compositeurs, d’interprètes, de musiciens, etc. Quant on parle du culte du gratuit, c’est de cela qu’il faut parler. L’internaute produit des œuvres intellectuelles gratuitement et consomme des œuvres intellectuelles gratuitement. Ce n’est pas un mythe, ça existe et ça fonctionne parfaitement. Evidement pour les énarques et autres polytechniciens élevés dans le culte de l’élite qui sait, il est difficile de concevoir que n’importe qui peut produire des œuvres intellectuelles et encore plus difficile d’imaginer que ces œuvres puissent intéresser qui que ce soit. Il ne viendrait à l’idée de personne de crier au piratage parce que quelqu’un a lu son blog. Je suis certain que vous Denis lisez gratuitement des blogs, consultez gratuitement des articles d’AgoraVox, allez gratuitement sur Wikipédia pour voir si l’article qui vous est consacré n’a pas été caviardé par de petits rigolos ou par des vilains pirates. Je suis certain que tous les artistes font de même. Rassurez-vous personne ne va vous demander ou leur demander de payer 0,99 euro pour chaque article lu.   Le matériel est payant, l’immatériel non Les internautes sont prêts à payer pour quelque chose de concret comme un livre qui apporte un confort de lecture inégalé à ce jour, une revue pour les mêmes raisons ou un objet concret quelconque. Par contre, ils ne sont pas prêts à payer pour quelque chose d’immatériel et ne l’ont jamais été. Le problème est là. Il y a encore quelques années, la musique et la vidéo ne circulaient que sur des supports physiques ; le cas de la radio étant mis à part. Les amateurs de musique ou de vidéos achetaient des supports physiques, disques ou cassettes, et ne se posaient pas de question sur ce type d’achat. Ils obtenaient un bien concret en échange de leur argent. Depuis quelques années le support physique ne sert plus à rien. Musique et vidéo circulent sur le Net et passent de disques durs en baladeurs via des clés USB et autres cartes mémoire selon les besoins. Dans ces conditions, le support étant inutile, pourquoi payer pour obtenir quelque chose qui ne sert à rien ?   Le droit d’auteur a bon dos Les éditeurs, les distributeurs, les acteurs économiques, les gouvernements ont donné le mauvais exemple depuis plus d’un demi-siècle. En effet, les acteurs économiques et les institutions ont tout fait pour conforter et renforcer la société de consommation. Notre société est basée la dessus. Pour être heureux, achetez des biens matériels, consommez-les rapidement et achetez-en d’autres mieux car nouveaux. Par exemple, achetez très cher un livre broché qui vient juste d’être édité. Les plus pauvres pourront attendre quelques temps et l’acheter un peu moins cher en collection de poche. Les plus démunis pourront l’emprunter dans une bibliothèque et le lire gratuitement. Le droit d’auteur s’applique à tous ces livres alors que leur prix varie entre cher et gratuit. Dans ces conditions le consommateur comprend qu’il achète un support physique et non pas une œuvre intellectuelle. Par exemple, les chansons diffusées à la radio ou les films diffusés à la télé sont gratuits sauf chaînes avec abonnement. L’auditeur écoute de la musique ou visionne des films sans rien payer et cela est considéré comme normal car musique et films diffusés sont immatériels. On peut prendre aussi comme exemple le prix des chansons récentes beaucoup plus élevé que le prix des compilations amorties depuis longtemps ou le prix des films récents plus élevés que celui des classiques. Cela prouve que le droit d’auteur n’est pas si important que ça mais que seuls la marge du distributeur et le coût du support priment. Malheureusement pour vous Denis, dans le cas de la musique et de la vidéo le support ne sert à rien. Heureusement pour vous le support livre continue à servir à quelque chose ; mais pour combien de temps ?   Le téléchargement payant est voué à l’échec Pour conclure tout en écoutant légalement de la musique à la demande sur Deezer, je suis convaincu que le téléchargement payant est voué à l’échec et que seul le téléchargement gratuit permettra à l’avenir la diffusion à grande échelle d’œuvres intellectuelles. Attention ! cela ne signifie pas que l’internaute ne respecte pas le droit d’auteur. Quand certains parlent de piratage, il s’agit d’un abus de langage. Aucun internaute qui a téléchargé illégalement de la musique ou des films ne souhaite plagier ou endosser la paternité des œuvres qu’il a téléchargées. Avec le téléchargement gratuit, les artistes ne mourront pas de faim pour autant. Ils pourront se consacrer à leur métier premier qui consiste à se produire en public, en concert, à la radio ou à la télé et même, pourquoi pas, en direct sur Internet. Les films continueront à être diffusés de manière payante au cinéma et permettront aux acteurs et à toutes les personnes qui travaillent sur un film de gagner honnêtement leur vie. Evidemment, il faudra que les artistes les plus connus renoncent à gagner des sommes ahurissantes qu’un honnête travailleur n’arrivera pas à gagner pendant toute sa carrière professionnelle. Signalons que ces artistes sont une petite minorité même s’ils sont les plus connus. Et les distributeurs comme vous Denis, que vont-il devenir ? A mon avis, le rôle de distributeur de supports physiques comme la Fnac va disparaître purement et simplement. Par contre, les distributeurs immatériels comme les fournisseurs d’accès à Internet, les radios et télévisions, les opérateurs de téléphonie mobile ont de beaux jours devant eux. Ce sont eux qui vous ont pris votre gagne pain Denis et les internautes n’y sont pour rien. Ils payent leurs abonnements et s’en servent au mieux de ce que permet la technique. Au fait pourquoi la Fnac n’est pas fournisseur d’accès à Internet et/ou opérateur de téléphonie mobile ?

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