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De comment certaines œuvres se dégagent et s’imposent

Publié le 15 avril 2009 par Lironjeremy
De comment certaines œuvres se dégagent et s’imposent avec une beauté simple et évidente.
Sans nécessairement s’en expliquer, quelques œuvres émergent de la profusion visuelle pour imposer, entêtantes, un charme singulier un peu énigmatique. Et si les choses se dissolvent communément dans l’ordinaire tumulte du monde, celles-ci répondant semble-t-il à quelque mouvement plus ample imposent une sorte de décélération, une attention spéciale, comme un souffle profond. Elles s’imposent à notre carte sensible ou au musée imaginaire que chacun porte en soi comme des points ou des stèles déployant l’étendue, comme les instants prégnants soutenant notre parcours. Que dire de quelques objets antiques et beaux, de quelques masques terribles, de tableaux superbes ou d’autres monuments sinon qu’ils accompagnent en frères l’humanité collectivement et individuellement ? Moi j’ai marché très vite après quelques galeries pendant un court temps libre, j’ai oublié des choses à peine vues et puis cet après midi j’en ai transporté une d’une rue à l’autre sans même le vouloir. On n’a pas décision de ce qui s’imprime en vous. La fascination qu’exerce l’œuvre « the river at night » de Lionel Estève visible en ce moment dans l’espace Saint-Claude de la galerie Perrotin* pourrait tenir à sa délicatesse, son évidence simple, à son essentielle étrangeté, à son calme apaisant ou à la conjugaison étonnante des pierres érodée et du maillage de fil qui dessine sur leur relief une constellation fine, à la résistance enfin à toute interprétation définitive de l’image qu’elle propose. A l’image des rapprochements surréalistes de Breton, de Soupault, de Lautréamont ou de Roussel, l’œuvre semble tirer sa poésie vertigineuse de l’écart irrésolu qu’elle porte en elle et qui fonctionne comme un trou noir aspirant en lui des galaxies entières, l’image d’une rivière roulant et façonnant les roches, intimité et grands espaces, les contractions et les élans : toute une métaphysique. On pense à des planètes, à tout un ordre immense, à la vie naturelle des choses. Pourrait-on dire alors qu’à l’image du monde ce qui fascine en cette oeuvre est son irréductible opacité, sa vivacité calme ? A y regarder encore et plus généralement, les œuvres de Lionel Estève, celles que nous pouvons voir dans l’expositions et celles que nous connaissons par ailleurs, appellent et entreprennent l’espace, objet éminemment impalpable et spirituel, un peu comme le cinéma fabrique une fiction du monde qui nous pense et nous accompagne.
*How To Lie, exposition du 14 mars au 16 avril 2009, galerie Emmanuel Perrotin, Paris.

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