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Message à André Gunthert sur l'Europe, la grève des universités et les journalistes

Publié le 16 avril 2009 par Edgar @edgarpoe
Dans un billet récent je citais le remarquable blog d'André Gunthert, qui me fait d'ailleurs le plaisir de m'inscrire en lien dans sa rubrique "lu ailleurs".

Je tombe sur un billet de lui (Adieu Monde cruel) consacré à la grève de l'enseignement supérieur et plus particulièrement d'un conflit entre enseignants et journalistes illustré par une anecdote.

Un enseignant universitaire, Jérôme Valluy, a recommandé, avec un peu d'humour, de boycotter le journal le Monde, trop silencieux et ne soutenant pas les enseignants dans leur combat contre les réformes.

Je suis convaincu qu'il s'agit d'un point essentiel. Quelques notes trop rapides :

1. La réforme des universités s'inscrit dans une philosophie néolibérale européenne. Ceux que cela intéresse pourront écouter la conférence ci-dessous, très complète :


Du processus de Bologne à la L.R.U, une catastrophe annoncée
by mirailenlutte


2. Le logo de l'AERES, l'agence d'évaluation qui est l'un des pivots de la réforme, s'est, comme Marianne, symboliquement couvert d'étoiles pour signifier ce lien. Ces étoiles sont qui planent au dessus de la pauvre agence sont comme une allégorie de l'allégeance exigée de notre vieux système envers son maître européen :

Message à André Gunthert sur l'Europe, la grève des universités et les journalistes


Les méthodes de l'AERES sont rejetées par un grand nombre de chercheurs de l'EHESS, qui ont signé un texte récusant ses compétences (parmi les signataires, Marc Abélès, Hervé le Bras...).


Quel rapport avec les journalistes ?


Ceci, un événement apparemment isolé :

Nous avons des gens compétents - les chercheurs de l'EHESS, en butte à une politique directement européenne, conflit dont les journalistes se fichent.

En réalité, ce n'est pas nouveau, c'est continuel :

Quand 41 professeurs agrégés de droit ont écrit à Jacques Chirac, en 2007, pour protester contre les empiètements européens, illégitimes et illégaux, silence radio.

Quand l'Union européenne finance la répression féroce des candidats à l'émigration vers l'Europe à partir de l'Afrique, silence radio. Et quand le Monde évoque, dans un sous-titre, des critiques de la politique de l'Union, Frontex n'est même pas citée.

Comme l'Union européenne, pour l'élite française, est réputée faire le bien, les journalistes, reflet de la pensée de l'élite, sont désarmés pour relater les conflits partiels qui opposent chacune des catégories sociales en butte à l'oppression européenne.


Les journalistes peuvent évoquer plus facilement les pêcheurs, l'élite se contrefiche de ce conflit mineur qui a un côté folklorique. Comme l'élite a un peu plus de mal à balayer les universitaires d'un revers de main (encore que...), les journalistes font silence, comme ils l'ont fait pour les professeurs de droit en 2007.


Résumons

L'Union européenne n'apporte aucun bénéfice concret. Pour des raisons obscures (refuge maternant des occidentaux apeurés ?), ou moins obscures et plus honorables (volonté de réconciliation post 1945), elle reste bien vue de l'élite et donc également en hauts lieux médiatiques.

Donc, chacun des conflits partiels qui va, très concrètement, faire la preuve de l'impasse européenne sera passé sous silence. Les seuls sujets un peu traités, et sur lesquels l'Union européenne peut parfois reculer, sont ceux qui rencontrent une opposition franche et massive de l'opinion publique (OGM, plaques départementales, vin rosé peut-être, mais ça n'est pas sûr...)

Hors ces cas particuliers, l'Union européenne avance ses billes néolibérales avec méticulosité, pied à pied.

Après tout, les pro-Europe considèrent déjà que le suffrage universel ne compte pas (mai 2005, bientôt quatre années), chacun des secteurs qu'ils auront à dompter, mettre au pas, domestiquer, passera à la toise étoilée, comme les autres. Dans le plus parfait silence des
journalistes.

C'est pourquoi, j'ai tendance à penser qu'il incombe aux universitaires de rompre ce cercle vicieux où chacune des victimes de l'Union européenne s'oppose seule à l'institution européenne ou para-européenne (l'AERES pour les universités, FRONTEX pour les émigrés), chargée de les mettre au pas.

Si l'Europe néolibérale est l'impulsion motrice des réformes en cours, dites le, les élections européennes sont une occasion rêvée pour cela. Je dirais même plus, comme l'Union européenne est un traité de libre échange, irréformable, non démocratique, réclamez, avec d'autres le boycott actif des élections européennes (certes le néolibéralisme est un phénomène mondial, mais nulle part ailleurs que dans les textes constitutifs européens et dans la pratique européenne il ne s'est exprimé aussi violememnt. Les Etats-unis sont plus interventionnistes que l'Union).

Mélenchon et les européens alter sont englués par leur choix de participer à ces élections de carnaval et deviennent inaudibles, ne les imitez pas.

Messieurs les universitaires, si une catégorie sociale est en position de sortir par le haut de ces conflits européens, c'est bien vous. Oubliez Sarkozy, qui n'est qu'un exécutant appliqué, l'AERES, qui n'est qu'un paravent, et visez clairement Bruxelles ; portez enfin un conflit européen au niveau où il doit l'être : un combat entre les valeurs démocratiques et humanistes et l'aveugle processus européen.




Post scriptum :
hasard pas  étonnant, Jérôme Valluy a travaillé sur les camps de détention dont la création est encouragée par l'Europe (article sur l'Europe des camps), écrivant par exemple ceci : "L’Europe impose à ses voisins, par voie de coopérations asymétriques et de partenariats dominés, la sous-traitance des tâches de traque, dissuasion et éloignement des migrants. Les relations euro-méditerranéennes se trouvent ainsi orientées de plus en plus exclusivement par cette lutte contre l’immigration."
Un homme lucide sur de nombreux sujets.




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