Bébé chouette

Dans certaines tribus indiennes, on croit que l'âme d'un enfant mort se réincarne dans un oiseau, c'est sans doute vrai (et c'est vrai aussi que c'est une de nos grandes énigmes de croire ce genre de choses). Mais, elles iraient où, sinon ? Cette pensée va me suivre, moi qui tient si fort à mon âme d'enfant et qui connais si peu les oiseaux. Et de se persuader qu'une âme d'enfant est impérissable, c'est bien aussi.

Cette petite chouette qui fait ses premiers pas de danse aérienne, s'accroche à un arbre pour y remonter péniblement, s'agrippe à l'envers à une branche en une touchante maladresse, nous regarde ingénument, tapie dans son herbeuse moquette, toute emplumée de gris et de blanc, pivotant ostensiblement la tête, fouillant le paysage alentour de ses yeux si naïfs.

Elle est accrochée là, gauche et attendrissante, si fragile et divine de ses premiers envols. C'est d'un amour insensé que nous la regardons car nous savons qui elle incarne, ce qu'elle représente. Nos croyances intimes (pas ce que nous avons bêtement appris de l'anthropomorphisme, ce savoir rationnel et si superficiel qui irrigue si péniblement nos conversations de bistrot) y voient plus qu'un petit volatile. Non, pas plus en fait. Mais autre.

Bon, revenons à ces images. Cette petite chouette semble être dans la panade, un peu perdue, désorientée, incapable de chasser, incapable de survivre, incapable de voler. Visiblement, le retour au nid est une épreuve : elle est apeurée aussi d'être filmée. C'est une journée de merde pour elle ; son cœur bat à deux cents à l'heure. Elle a faim.

Ma vision de tout ça s'assombrit un peu, moi qui croyait y voir si clair au début. Je suis pris entre l'angélisme et la triviale dureté du monde ; mon attention hésite entre le montage musical de ces images et la réalité moins roborative. L'extase et la difficulté de vivre. La vie et la mort.

C'est toujours comme ça.