La malheureuse comédie de cette séance du 9 avril où l’Assemblée nationale (enfin, les 36 présents qui ont fait voir 36 chandelles à nos éminences) a rejeté le projet de loi Hadopi m’a conduit à m’interroger sur le fonctionnement de cette noble institution. Il me faut bien avouer que je n’ai pas encore réussi à en saisir le mécanisme mais je vais m’y employer dans les jours qui viennent. Pour l’instant, je ne puis que me limiter à quelques constatations ou questions.
Il y a quelques mois, fidèles au mot égalité qui orne la devise de notre République, nos honorables parlementaires ont proclamé qu’il ne saurait y avoir de cas particulier, que tous les citoyens devaient être soumis au même régime de retraite et qu’en conséquence tous les régimes de faveur consentis en des temps très anciens à certains, tels tous ces cheminots que la traction électrique avait à jamais débarrassés de la suie et des escarbilles sous les paupières, tous devaient disparaître. Oui, tous, sauf celui dont bénéficient ceux qui votent de telles lois. Etrange oubli !
Lors des premières discussions, ces mêmes vertueux législateurs avaient préféré appliquer aux contrevenants à la loi Hadopi la coupure de la connexion Internet plutôt que de leur imposer une amende, au motif que l’amende était inégalitaire, étant ressentie plus péniblement par, simplifions, les pauvres que par les riches. Et voilà qu’ils viennent de refuser d’exonérer de leur facture Internet ces mêmes contrevenants supposés, ce qui vient ajouter à la sanction de la coupure une amende, immonde dispositif inégalitaire totalement absent de l’arsenal de nos sanctions, qu’on chercherait vainement dans la répression des infractions au Code de la Route. Sont-ils stupides ou se moquent-ils simplement de leurs mandants ?
En fait, en l’occurrence, supprimer la facturation Internet des clients disposant d’un contrat regroupant trois usages d’un même opérateur téléphonique compliquerait son système de facturation. Il lui faudrait en effet, à chaque suspension de connexion, appliquer un contrat nouveau qu’on pourrait appeler duo, d’où une gestion plus lourde, des frais supplémentaires et qui plus est, une perte de revenu consécutive à un délit dont il n’est en rien responsable. Quelle abomination ! Il est vrai que ces opérateurs téléphoniques, enfants chéris du pouvoir, ont pu mettre en œuvre des méthodes de marketing confinant à la publicité mensongère, avec des contrats soigneusement choisis pour empêcher toute comparaison entre les différents opérateurs, en les laissant même détourner le mot forfait. Ce que ces industriels se permettent d’appeler un forfait n’est en réalité qu’un engagement minimum de facturation. Ils osent même préciser que tel appel est compris dans le forfait (et pourquoi n’y serait-il pas ?) ou bien que tel forfait est illimité. Si j'osais, je pourrais dire qu'ils ne proposent pas des forfaits mais qu'ils en accomplissent. Le Ciel m'en préserve ! Je vous assure pourtant que mon forfait de ski n’a d’autre limite que ma capacité à utiliser dans la période d’ouverture des remontées mécaniques les dites installations.
Si l’épisode cité en introduction nous a permis de comprendre qui ne vote pas les lois, j’ai du mal à comprendre qui les rédige, car je n’arrive pas à saisir comment des maladresses telles que celles énoncées ci-dessus peuvent être commises par des députés aussi assidus en commissions, dans leurs circonscriptions et même parfois accomplissant quelques autres fonctions rémunératrices que la modicité de leur salaire rend indispensables. Je vais donc prochainement tenter de satisfaire ma curiosité.