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Quelle sortie de crise ? plutôt celle qui nous laisse le temps de changer !

Publié le 19 avril 2009 par Manstrau

« VERS UN NOUVEL ORDRE MONDIAL »…  

 

 

Le sommet du G20 du 3/04/09 semble être un moment historique. Si l’ensemble des décisions annoncées sont suivies de réalisations, je pense que nous finirons par parler de l’avant et de l’après G20 de 2009.

Citons juste le point 2 de la déclaration finale : « …la prospérité est indivisible ; la croissance, pour être durable, doit être partagée »…

Suivent  28 points qui développent,

à la fois le principe du « partage » avec les prêts aux banques de développement et la vente d’or par le FMI pour venir en aide aux pays les plus pauvres, 

que le principe du « durable »  avec les technologies propres peu productrices de C02. *1

 

Mais, je pense utile d’insister sur deux points :

 

Le « modèle performance-jouissance » *2 qui caractérise l’état actuel de notre système économique mondial

et le protectionnisme.

 

Le modèle « performance-jouissance » :

 

Au « toujours plus espéré des consommateurs doit répondre le toujours plus exigé des travailleurs » .

Il y a bien longtemps que j’explique à mes élèves que la flexibilité du travail est en grande partie la conséquence directe de l’extrème variabilité de nos choix d’achat en tant que consommateurs. Vous trouverez tous maints exemples en la matière : mes parents ont acheté la même marque de café quasiment toute leur vie, il est donc facile d’y voir la régularité des ventes et des fabrications que cela pouvait générer en aval dans l’entreprise de café.

 

Ajoutons à cela le fait que notre jeunesse apprend le dur passe –temps des courses et des achats bien avant d’apprendre celui de producteur d’un bien ou d’un service quelconque ; une partie des jeunes s’imaginant même, dans un premier temps, que l’on crée autant de monnaie que l’on veut, c’est vous dire si la première entreprise qu’ils vont adorer, c’est la banque !

 

Et le pli du toujours plus est tellement bien pris que tous les efforts, réels ou bidons, en matière de produits plus diététiques, plus écologiques, plus équitables, plus éthiques, plus….. creusent toujours le même sillon.

Mais quand donc, allons nous cesser de produire et de consommer des livres que nous ne lisons pas, des films que nous visionnons une seule fois,  des meubles IKEA que nous entassons chez nous,  des habits que…. etc, je parle bien évidemment des pays du G7 ( sans la Russie) ou des classes aisées et moyennes dans les pays du G20.

Ces fameuses classes moyennes sont encensées par les marchands du monde entier parce qu’elles sont censées assurer la survie du mode de production capitaliste du  « toujours plus ».

 

Cela étant dit, «le nouvel ordre économique mondial » c’est déjà plus de performance pour produire et plus de jouissance à consommer pour les travailleurs des pays émergents ou en développement, mais aussi moins de performance-jouissance pour nous, les pays riches étant entré en décroissance depuis quelques mois.

 

 

  

 

Une très grande majorité d’études scientifiques  montrent en effet que nous bûtons sur les limites géographiques, énergétiques et bio-physiques de la planête *3.  Cette limite à l’activité économique, une combinaison de 3 éléments (changement climatique, biodiversité et pollution chimique) devrait accoucher d’une nouvel ordre, d’une nouveau partage des richesses matérielles ; ou d’un grand désordre…

 

Les chiffres de 2007 sont révélateurs :

G7 =   11 % de la population mondiale et 61 % du PIB mondial

G12 ( G20-G7) =  53 % de la population et déjà 24 % du PIB.

(Il  n’y a que 19 pays en tout,  parce que le 20 ème participant, c’est l’Union Européenne.)

Nous constatons donc que, cette fois ci, les riches ont invité à leur table des pays qui ont en moyenne un niveau de richesses économiques par personne 12 fois plus faible ( 61/11 divisé par 24/53 = 12) ; Se contenteront-ils des miettes du repas, comme le disait Robert Malthus en 1820 ?

Reprenons à notre compte la croyance de ceux qui placent encore et toujours tous leurs espoirs dans les innovations technologiques, le moteur à hydrogène, la fusion nucléaire,… ; ces nouvelles technologies, si elles arrivent à point nommé, seront sans doute maitrisées par les millions d’ouvriers, de techniciens et d’ingénieurs des pays émergents plutôt que par les quelques scientifiques qui travaillent encore dans nos universités, lorsqu’elles ne sont pas en grève…

Et même si ce sont nos entreprises  qui font quelques recherche-développements, la  législation sur les brevets industriels limite la perception des royalties à 20 années *4.

 

Il reste bien sûr, les mécanismes grâce auxquels nous essayons de conserver notre suprématie économique, alors que notre productivité réelle se fragilise de jour en jour : la maîtrise des flux monétaires et des flux de capitaux, la manipulation des bilans comptables, le recours aux paradis fiscaux *5, le fait de faire payer à tous les contribuables les risques extrèmes d’endettement et de spéculation pris par les plus riches ou les plus avertis, mais quand tout cela s’effrondre comme en ce moment, c’est notre véritable situation qui apparaît… pas brillante ! et cela, de plus en plus d’habitants « sous-développés, au sens de nos propres critères, si relatifs », en partie exploités par l’occident depuis 3 siècles, le savent…

 

De toutes façons, nous ne fabriquerons plus guère de biens industriels, les pays avancés vont connaître une désinsdustrialisation massive, non pas tant du fait de la concurrence des pays à salaires plus faibles, mais du fait que nous avons renoncé à faire de nos enfants des ouvriers, ni même des cadres de l’industrie, juste des consomm-acteurs.

 

 

La tentation du protectionisme :

 

Les thèses protectionnistes qui apparaissent de ci de là, comme à chaque crise économique, ne déboucheront , à mon avis, sur aucun changement d’orientation :

Dans la déclaration du G20, près d’un quart des mesures vise à lutter contre le protectionnisme, toujours accusé d’avoir été la cause principale de la 2 ème guerre mondiale.

 

 

 

 

Elle va même jusqu’à demander une conclusion « ambitieuse et équilibrée » du cycle de Doha, négociation de l’OMC qui traîne depuis 2001 ; logiquement, nous allons donc vers la fin du plus gros scandale politico-économique planétaire, à savoir, la fin des subventions aux agriculteurs des pays riches, subventions qui empèchent les pays pauvres de nous vendre les seuls biens qu’ils produisent à bon compte !

 

Le protectionisme est en effet une impasse totale :

 

1)   c’est le symptôme de la peur de l’occident, face au réveil irrépressible de la capacité productive de près de 4 milliards d’humains, alors même que nous ne travaillons plus que 10 % de notre temps de vie ( 64.000 heures sur 650.000, comme l’avait prévu Jean Fourastié en 1965, il parlait même de 40.000 heures).

2)   c’est la douce illusion que nous pouvons continuer à connaître la jouissance du consommateur sans la performance du producteur ; or, cette performance, se trouve de plus en plus loin de l’occident riche (Europe, Amérique, Japon). *6

3)   Pour la France, il est devenu impossible de se replier économiquement sur l’Europe, cela aurait deux conséquences immédiates :

1)   Il faudrait consommer les produits européens que nous connaissons déjà mais dans

des quantités augmentées d’un tiers,  en lieu et place de produits venant du reste du monde.

2) Dans la mesure ou les produits importés nous attirent soit par leur  prix , soit par leur « différence » ( un fruit exotique plutôt qu’une pomme) , nous serions pénalisés doublement, en prix et en choix.

On peut penser que ces 2 conséquences sont acceptées si nous optons résolument pour la décroissance de notre consommation, toujours de 30 % environ ; mais cela ne correspond pas du tout aux thèses de la décroissance, qui se situent dans une diminution- réorientation de notre consommation avec l’idée d’en faire un modèle de consommation à faible empreinte écologique , généralisable à terme , au monde entier.

4)   enfin, le protectionisme, c’est l’erreur sociologique, philosophique et politique du refermement sur soi, de la méfiance envers l’autre, qui peut très vite aller jusqu’à la haine de l’autre, au moment où nous aurons le sentiment qu’il nous empèche d’être nous-mêmes, donc d’être…

5)   Ajoutons que la seule forme de protectionisme qui présente un intérêt, c’est le protectionisme éducateur, qui laisse à une industrie « nourrison » le temps de grandir… mais nous,  nous sommes des « séniors économiques ».

 

Quelle sortie de crise ?

 

Si nous examinons froidement la situation actuelle, compte tenu de la volonté affichée par le G20, il est fort probable que :

1)   Si la sortie de crise est assez rapide ( de 18 mois à 3 ans) : cela signifie que les banques vont rapidement reconstituer leurs fonds propres ( sur le dos des contribuables) pour permettre à nouveau à l’occident de vivre à crédit sur le dos des producteurs des pays émergents…et cela jusqu’à la prochaine crise !

2)   Si la sortie de crise est plus lente ( de 4 à 7 ans), avec une stricte réglementation du capitalisme financier (*7) qui est le subterfuge que nous avons trouvé pour faire perdurer notre domination là où notre puissance économique s’effrite : cela nous donnera alors du temps pour une réorientation complète de notre appareil productif  et de notre mode de consommation vers une économie verte.

 

Annotations :

 

   *1 Ce même jour, la presse nous annonçait l’inauguration de la première tour à énergie   positive  « du monde » à Dijon , la tour Elithis où, par exemple, la chaleur dégagée par le corps des employés qui y travaillent va diminuer les besoins de chauffage .

   *2  Tel que définit par les philosophes Pierre Dardot et Chirstian Laval (le journal le Monde du 4/04/09).

   *3 Ces études ne datent pas d’hier, le rapport au Club de Rome en 1972 avait déjà souligné ces limites écologiques.

   *4 Même le coca cola finit par être détroné dans les pays émergents au profit de divers « cola local ».

   *5 Pour ne prendre que la France, toutes les entreprises du CAC 40 possédent des entreprises basées dans ces paradis fiscaux ( BNP, France télécom, Crédit Agricole, EDF, Banque populaire,…), ce qui signifie bien que ces entreprises , en se soustrayant en partie à l’impôt ne soutiennent plus à 100 % le  modèle de société de leur pays !

   *6 Même en matière de vin, nous avons à craindre la concurrence de vins chinois qui couleront à flots d’ici 3,4 ans.

*7 Et il y a fort à faire puisque tous les experts, de Jacques Attali à Eva Joly, s’entendent sur le fait que les principaux paradis fiscaux se trouvent aux USA et au Royaume-Uni !

 

Montpellier, le 7/04/2009. Gérard Straumann.


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