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Surdouée ~ Nikita Lalwani

Publié le 21 avril 2009 par Clarabel

« un paysage d'amours et de désirs qui luttaient pour respirer »

surdouee

A voir cette couverture, on est en droit de s'attendre à un livre qui décolle, avec une héroïne prête à s'éclater. En fait, ce n'est pas tout à fait le cas. Surtout au début. A dix ans, Rumi est reconnue surdouée en maths. Ses parents tombent des nues mais n'en perdent pas une miette. Aussitôt un programme d'entraînement intensif est fixé, l'enfant va bosser dur, s'enfermer dans sa chambre ou réviser à la bibliothèque, pas de temps à perdre pour jouer, se lier avec d'autres camarades de son âge, il faut saisir cette chance unique, cultiver ce don. L'objectif : entrer à Oxford avant les quinze ans de la jeune fille.
Cela paraît dingue à lire comme ça, mais ça l'est véritablement ! On compatit avec Rumi, coincée dans ce carcan d'éducation, en ballotage entre ses désirs et son souhait de complaisance. Soumise et obéissante, Rumi ne veut pas décevoir ses parents. Ses derniers ont quitté l'Inde pour s'installer en Angleterre, mais Shreene, la mère, ne s'y plaît pas du tout. Tout va à l'encontre des principes de leur éducation, la femme va de dépit en dépit en constatant que son enfant lui échappe, qu'elle n'a pas les bases essentielles pour rentrer dans le moule, tel qu'on lui a appris dans son pays natal. Et Manesh, le père, ne plaisante pas avec la discipline. Il est intransigeant, n'autorise pas que sa fille perde son temps à lire des oeuvres romanesques (en cachette, dans sa chambre ou à la bibliothèque, Rumi double de ruses).
A quatorze ans, c'est une adolescente en pleine crise hormonale qui brûle d'aimer et d'être aimée. Elle en a soupé des attentes de ses parents, lesquels fondent sur elle des espoirs insensés. Malgré eux, ils rendent leur fille malheureuse et sont trop aveugles pour l'apercevoir. Ils appartiennent à une autre génération et comptent élever leur enfant selon leurs propres valeurs fondamentales, hélas elles ne correspondent pas à l'Angleterre dans laquelle ils vivent et où Rumi grandit chaque jour, s'inspirant de sa culture, de ses modes et ses codes. La jeune fille se détache et ce n'est pas du goût des parents. Toute discussion semble impossible, que faire ?

L'épilogue du roman est poignant, car il vient expliquer les leitmotivs des parents dépassés par le tapage médiatique créé par le phénomène de Rumi, surdouée de quatorze ans qui entre à Oxford. C'est à travers leur façon de vivre qu'ils seront jugés, d'où la dénonciation d'un certain fondamentalisme de part et d'autre. A ce moment-là, oui j'avoue, j'ai ressenti une immense sympathie pour eux, tant ils étaient désarmés (cela survient très tard, hélas). Je soutiens malgré tout le goût de liberté de Rumi, cette jeune fille sympathique, intelligente et cruche à la fois (elle n'y connaît rien à la vraie vie !), elle a bu des litres de sagas à l'eau de rose ou visionné des tonnes de films bollywoodiens, qui évoquent l'amour tel un cliché énorme, mais pas du tout vraisemblable. Toutefois Rumi l'ignore et vit sa vie comme dans ses rêves, c'est totalement incompatible et cela la plonge dans des situations comiques, où elle pense pouvoir tout résoudre grâce à sa logique mathématique (ou en ingurgitant des graines de cumin !).

J'ai pris grand plaisir à lire ce roman, après un début assez lent (toute la première partie, en fait). La suite est un régal d'humour, le portrait d'une adolescente empêchée de vivre une vie ordinaire, parce qu'elle est surdouée et fille d'immigrés indiens, etc. etc. C'est aussi écrit avec beaucoup de sensibilité et une grande justesse, enfin bref j'ai beaucoup aimé !
A conseiller, encore une fois. :)

Flammarion, 2009 - 334 pages - 19€
traduit de l'anglais par Alexandre Boldrini

Lu (un soir, très tard) pour le prix de la révélation littéraire auFeminin.com   

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