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Les écrivains (encore!)

Publié le 22 avril 2009 par Feuilly
On a souvent réfléchi ici sur la définition de l’écrivain, réflexion un peu vaine et théorique, j’en conviens, mais qui indirectement nous oblige à méditer sur l’essence de la littérature. L’autre jour, Jean-Louis Kuffer avait abordé le même sujet et avait ajouté un élément intéressant à ce débat. Il reprenait en fait la distinction de Jacques Audiberti, lequel distinguait
- l’ écriveur (qui utilise la langue comme un simple outil pour pouvoir communiquer).
- l’écrivant (qui, habituellement cultivé, entretient un rapport privilégié avec la langue, qu’il maîtrise parfaitement. Il n’a pas, cependant, de prétention littéraire particulière. Cela signifie qu’il s’exprime clairement, dans un style limpide, agréable même et donc que le message qu’il veut communiquer passe facilement, la langue ne faisant certainement pas obstacle à une bonne compréhension du contenu. A la limite, il parviendrait même à mieux se faire comprendre que certains auteurs qui restent quelque peu obscurs, que ce soit volontairement ou non.
- l’écrivain qui se donne le droit de transformer le langage (ce bien pourtant commun à tous) à sa guise pour en faire une sorte de propriété personnelle, ce qui fait que sa « griffe » se reconnaît parfaitement. C’est probablement ce que l’on veut dire quand on parle de « style ». Pas le « beau style » au sens académique, comme le fait remarquer JL Kuffer, (car ce style-là, c’est plutôt l’écrivant qui le maîtrise à la perfection), mais le style « organiquement accordé à un souffle et un rythme qu’on retrouve de Rabelais à Céline et de Proust à Thomas Bernhard entre mille autres… »
Grâce à cette définition, on comprend mieux ce qui se tramait dans la fameuse querelle sur les «fautes» de Flaubert. On sait que celui-ci avait une manière bien à lui d’employer les imparfaits de l’indicatif. Au début du XX° siècle, on le lui a reproché, allant jusqu’à dire qu’il maîtrisait mal la langue (il était donc un mauvais « écrivant »). Mais enfin, c’était Flaubert, tout de même, un des plus grands classiques. Pouvait-on dire que s’il était un bon narrateur, il écrivait cependant fort mal ? C’est Marcel Proust qui est venu prendre la défense du maître et expliquer que pour lui il n’y avait pas de fautes chez Flaubert dans la mesure où elles étaient voulues. C’est justement parce que Flaubert était un grand écrivain (ce que personne ne contestait) qu’il s’était permis de « jouer » avec la langue, de la pousser dans ses derniers retranchements pour mieux exprimer ce qu’il ressentait.
Etre écrivain consisterait donc, non pas à être édité, mais à savoir tordre la langue jusque dans ses derniers retranchements pour lui faire dire tout ce qu’on a envie de dire. Personnellement, avec mon style relativement classique, il me semble que je me situe surtout du côté des «écrivants». A chacun de réfléchir maintenant sur son cas personnel. Bon, que cela ne vous gâche pas la journée quand même, hein !


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