A déchaîner les passions sur des sujets secondaires, la leader socialiste n'est-elle pas le bouc-émissaire d'une vie politique qui tourne à vide incapable d'honorer ses responsabilités face à la crise ?
Ségolène Royal est désormais la coupable permanente. Coupable d'une scénarisation excessive de la politique. Puis, coupable de formules qui sont tabous. Après chaque culpabilité, il y a la prochaine qui se manifestera dès qu'elle interviendra. Comment expliquer cette situation ?
Ségolène Royal occupe pour la majorité présidentielle la fonction de bouc-émissaire de l'opposition incapable.
Est-elle coupable de cette situation ?
On ne s'est jamais demandé si un bouc émissaire était innocent ?
Il incarne le mal, parce qu'il porte les péchés du monde. C'est sa "légitimité".
Le bouc émissaire est toujours coupable pour qui l'a désigné. Il dispense chacun de l'éthique du doute, fondement même de la raison, et de celle du courage, qui n'est rien d'autre que le choix de la vérité plutôt que celui de l'approbation. C'est le prix à payer pour qu'il remplisse son rôle expiatoire.
Au demeurant, il y a dans cette situation comme une cohérence.
Contrairement à ce qu'on pourrait croire, prouver ne consiste plus à démontrer la réalité d'un évènement. Prouver dans les circonstances actuelles, c'est amener l'opinion à considérer que le vrai lui est révélé, ce qui est différent.
La vérité politique n'est donc finalement que ce dont l'opinion s'est persuadée. Des éléments matériels plus ou moins probants vont l'y amener. Par un mécanisme psychologique dangereux parce qu'inavoué, on passe alors de l'objectivement possible au subjectivement certain. Un soupçon fondé sur des témoignages fragiles devient rumeur, puis conviction d'un petit nombre, et enfin certitude d'une majorité.
Nous sommes dans la droite ligne du Moyen-Âge, où l'on soumettait l'inculpé au jugement de Dieu. Celui qui succombait était coupable, parce que la société toute entière ne doutait pas que Dieu venait au secours de l'innocent.
Dans ces conditions, le réel importe peu. C'est ce que le groupe social pense et croit qui compte. Les actuelles critiques contre Ségolène Royal, c'est la preuve que la mentalité collective contemporaine fonctionne, malgré les apparences, de la même façon qu'en l'an mille.
Sous cet angle, c'est un constat inquiétant.