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En Martinique, une baisse des prix en trompe-l'oeil
RUE89-ECO89
Par nemo3637 | Déchoukeur | 23/04/2009 | 16H01
Un mois après la fin de la grève générale, ce fut donc l'heure de vérité. Les magasins devaient, comme le prévoient les accords du 12 mars, afficher des prix en baisse par rapport à leur niveau du 5 février. On pouvait même télécharger les listes des articles dont les prix avaient été ainsi baissés, enseigne par enseigne.
Des mandatés du Collectif du 5 février et de simples citoyens s'étaient déjà rendus dans les magasins concernés par les accords dès le 13 mars. Moi, je me suis rendu chez mon « Ecomax » le 15. Et le personnel était encore occupé à disposer les nouveaux prix des marchandises.
Il y avait tout de même une pancarte en bois peinte avec la liste des prix baissés à l'entrée, dans la vitrine. Un petit « bakwa » dans le coin en haut -le couvre-chef des manifestants- lui donnait un côté militant, saugrenu dans ce temple de la rumination marchande.
On a quand même déchanté. Aucun produit de base au prix minimum le 5 février n'a baissé. Le riz premier prix -sans brisures- que j'achète est toujours à 1,59 € le kg chez Leader Price, comme avant le 5 février.
Et sur la liste ? Il y a bien du riz, mais c'est le plus cher, le basmati, qui a été baissé. Et il est vendu et listé en 500 g pour mieux tromper son monde : 1,19 € les 500 grammes avec la baisse. Pour l'huile, c'est la même chose : 1,78 € le litre au minimum (tournesol), et il faut bien chercher pour en trouver à ce prix…
De guerre lasse, les négociateurs ont signé un accord bancal
Qu'est-ce à dire ? On croyait avoir gagné, et on se rend compte que jusqu'au dernier moment la partie patronale, les représentants de la grande distribution, ont cherché à nous « couyonner ».
Les discussions, produit par produit, article par article, auront duré des jours, jusqu'à l'usure des négociateurs. Dans la confusion sciemment organisée, ces derniers ont finalement signé un accord sur les prix qui ne satisfait personne.
On pourra le prendre comme une avancée, car, indubitablement, certains prix ont baissé… ceux des articles des marques qu'on achète le moins. Mais les décideurs auraient tort de croire, dans cette frustration perceptible, que la colère qui monte va se tasser, qu'il suffira de montrer le doigt quand le sage indiqura les vrais responsables.
Ce genre d'attentisme leur a déjà causé des déboires. Un des gros points de discorde concerne les prix des pièces automobiles dont la distribution à partir du port, monopolistique comme le reste, est une situation insupportable. Elles sont le plus souvent deux à trois fois plus chères qu'en métropole.
Je viens d'acheter un disque d'embrayage pour ma vieille Fiat : 118 euros. Vous me direz combien cela coûte en métropole. Pour un bidon de liquide de refroidissement, ça va chercher dans les 8 euros chez Ho Hio Hen. Du coup, on préfère souvent envoyer son véhicule à la casse plutôt que le faire réparer. Tout nous y incite.
Un an après la mort d'Aimé Césaire, la nostalgie ravivée
La Martinique, jadis peuplée d'esclaves, constituée aujourd'hui de « consommateurs captifs », est couverte d'automobiles vendues par les concessionnaires, en majorité békés. Il y a 100 000 véhicules quotidiennement sur les routes, pour une population de 400 000 habitants.
Et de toute façon, il n'y a pas de transports publics digne de ce nom. Le tramway est toujours un projet dans les limbes et compte-tenu de l'argent déjà versé par l'Union européenne, on commence à se poser sérieusement des questions.
Sous un ciel couvert, de circonstance, on commémore le premier anniversaire de la mort de Césaire. Il suffit, c'est vrai, de relire son discours sur le colonialisme fait à l'Assemblée nationale en 1948. Tout y est. L'économie coloniale tenue par dix familles, la spoliation des colonisés, la résignation distillée en même temps que le rhum… Obama, Martin Luther King… il les valait bien.
C'est tout à l'honneur d'un intellectuel, d'un poète, d'un penseur désintéressé et génial qui s'est mis au service du peuple. Car en 1945, en Martinique, sur le point d'être achetée par les Etats-Unis, il fallait « en avoir » pour se présenter comme candidat aux élections municipales de Fort-de-France sous l'étiquette communiste.
Césaire fut aussi un des rares leaders anti-colonialistes a dénoncer le stalinisme (« Lettre à Thorez »). Cela ne valait-il pas un mur de silence ? Jusqu'en 1983, la municipalité a fait l'objet d'un sévère ostracisme de la part de l'Etat français, dont aucun représentant ne franchissait l'enceinte de la mairie.
Malgré l'afflux des populations et la constitution spontanée de quartiers insalubres, aucune aide de l'Etat ne put être obtenue concernant l'équipement sanitaire de la ville (eau, écoulement, électricité…) . Il fallait punir ces parias qui votaient si mal. Et il fallut faire appel aux banques privées.
Les Etats généraux de l'outre-mer : une grande esbroufe
A la veille des négociations sur l'emploi et la formation qui auront lieu à la Préfecture, nous ne sommes que quelques centaines à manifester à l'appel du collectif en ce gris vendredi 17 avril. C'est un échec, le résultat d'une déception. Mais la réaction populaire est toujours imprévisible.
Quant aux fameux Etats généraux de l'outre-mer, ils se sont réunis aujourd'hui à Schoelcher, dans une des salles du complexe de Madiana, essentiellement dédié au cinéma. Le lieu a donc bien été choisi !
Peu de participation à une manifestation dont la date a été reportée jusqu'au dernier moment. L'esbroufe apparaît ici d'autant plus clairement que parallèlement se déroulent à la Préfecture des négociations sur des sujets très concrets, appelant des réponses claires et précises.
De multiples conflits perdurent encore. On a séquestré personne à ma connaissance. Mais les entreprises ferment. « Ceux qui font les révolutions à moitié ne font que creuser leur tombeau », disait Saint-Just. On aurait du le prévoir et réquisitionner les plus importantes, forcer les banques à avancer de la trésorerie pour les plus petites.
On dit que « Békéland » se vide du côté du François, que des habitations sont à vendre. Pas facile de se réorganiser quand l'économie réelle n'existe pas, dépendante, et à la merci de « décideurs » qui de toutes façons n'ont jamais voulu investir dans l'ïle.
Aller de l'avant, sans retour, vers une autogestion généralisée, en négociant et choisissant les modes et les échanges avec l'extérieur. De toutes façons, crise oblige, on n'aura pas le choix.
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