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Coca-Cola donne soif

Publié le 24 avril 2009 par Cafatica
Coca-Cola donne soif En mars dernier, lors d'un sommet de la confédération de l'industrie indienne, le directeur qualité et environnement indien de Coca-Cola, Navneet Mehta, déclarait que l'objectif du groupe était de reconstituer les eaux souterraines utilisées par l'entreprise dans le pays à la fin de l'année 2009 et de devenir "neutre en eau" pour tous leurs produits et procédés de fabrication d'ici 2012.
"Remplace chaque goutte d'eau utilisée pour nos boissons et pour leur production", c'est le but que s'est fixé la multinationale dés 2007 dans tous les pays du monde. Mais cette annonce a une résonnance toute particulière en Inde, où Coca-Cola est fortement contesté, justement en raison de sa trop grande consommation d'eau. Ses implantations dans le Rajasthan, notamment, sont mises en cause du fait de l'aridité de la zone, l'une des plus sèches du pays. Or Coca-Cola, qui se définit elle-même comme "hydration company", a besoin de 3,26 litres d'eau pour produire 1 litre de soda (2,47 litres en moyenne dans le reste du monde, soit 300 milliards de litres d'eau utilisés pour l'année 2007). En Inde, près de 20% de la population n'a pas accès à l'eau potable et 80% de la population rurale s'approvisionne en eau potable via les eaux souterraines.
Dans le camp associatif, les annonces de Coca-Cola font figure de belles paroles. Un livre blanc de 2007 sur le concept de la "neutralité en eau", auquel ont pris part Coca-Cola, le WWF et le World Business Council on Sustainable Development, en montre les limites. "Au sens strict, le terme water neutral est gênant et peut même être trompeur. Il est souvent possible de réduire l'empreinte de l'eau, mais il est généralement impossible de la faire descendre à zéro", affirme le rapport, pour qui l'expression a surtout une résonnance médiatique. "Il est impossible pour Coca-Cola de tenir cet engagement, et ses documents le prouvent. Il s'agit d'une opération de communication" s'indigne Amit Srivastava, le coordinateur du centre de ressources India. Basée à San Francisco, l'organisation est aujourd'hui presqu'exclusivement centrée sur le cas Coca-Cola, qu'elle accuse, soutenue par d'autres associations et des communautés indiennes, de pomper une quantité énorme d'une précieuse eau et de polluer les nappes phréatiques. Depuis le retour de la firme sur le sol indien (elle en avait été chassée en 1977 par le gouvernement) il y a 16 ans, les deux camps se livrent donc une farouche bataille à coups de jugements, détudes et d'informations interposées. Mais c'est depuis le début des années 2000 que les choses s'accélèrent, avec l'ouverture de l'usine de Plachimada.
Peu de temps après son installation en effet, les villageois dénoncent la pollution et l'assèchement des nappes phréatiques. En 2004, le mouvement obtient gain de cause : le fabricant de sodas doit plier bagages, chassé par le conseil du village qui lui refuse le renouvellement de sa licence d'exploitation. Des tests montrent en effet un taux extrêmement élevé de cadnium dans les déchets rejetés par Coca-Cola. Des conclusions qui viennent s'ajouter à un rapport du CSE (Center for Science and Environment) démontrant des taux de pesticides 30 fois supérieures aux normes européennes dans les bouteilles de Coca et Pepsi, entraînant le retrait immédiat des sodas dans les écoles, hôpitaux, voire administrations de cinq Etats fédérés. L'Etat du Kerala allant même jusqu'à interdire la production et la vente du soda sur tout son territoire (interdiction levée quelques années plus tard). Par ailleurs la question de l'assèchement des nappes phréatique est soulevée par de nombreux rapports et donne lieu à des jugements tels celui de la Haute Cour de Kerala qui, sans accuser Coca-Cola d'en être le seul responsable, lui demande de réduire sa consommation en eau.
Des actions qui ont ébranlé la multinationale, érodant ses ventes et son image. Pour faire face aux attaques, Coca-Cola a donc mis en place un site destiné à répondre aux accusations portées sur l'Inde (et la Colombie également). Puis en 2007 un fonds doté de 10 millions de dollars et spécifiquement dédié à la gestion de l'eau dans le sous-continent indien est créé. "Le système mis en place a permis de créer un potentiel de collecte des eaux de pluie environ égal à 82% de l'eau que nous utilisons en Inde", affirme un porte-parole de la marque. Rapports contre rapports, décisions de justice contre décisions de justice, Coca-Cola s'appuie aussi sur d'autres tests pour prouver qu'il n'existe plus de résidus de pesticides dans ses boissons et qu'elle n'est pas responsable de la baisse du niveau des eaux souterraines, stoppe la distribution de résidus accusés d'être toxiques aux paysans des villages alentours, réduit sa quantité d'eau nécessaire à la production des sodas (-34% entre 1999 et 2005), noue des partenariats, multiplie la création de citernes de collecte d'eau (350 aujourd'hui), et met en place la règle des "3 R" (réduire, recycler, remplir). Des avancées, certes. Mais insuffisantes selon Amit Srivastava. "Que Coca-Cola devienne plus économe en eau est une bonne nouvelle. Mais l'entreprise a changé ses pratiques sous la pression de la campagne. Il y a sept ans, ils avaient seulement trois collecteurs des eaux pluviales, il leur fallait 9 litres d'eau pour fabriquer 1 litre de Coca-Cola et ils distribuaient leurs déchets toxiques aux paysans. Alors que Coca-Cola met en avant les nombreuses récompenses obtenues pour ses efforts environnementaux, un rapport rendu en janvier 2008 par le TERI (The Energy and Resources Institute) l'avertit toutefois de la dégradation de la situation hydraulique à Mehdiganj et demande la fermeture de l'usine de Kala Dera, située dans une zone très aride. A ce jour pourtant, celle-ci est toujours en activité. Selon un porte-parole de Coca-Cola Inde, "le nombre de litres nécessaires à la production est aujourd'hui de 2,65 litres, ce qui en fait l'une de nos usines les plus économes en eau du pays et nous avons la capacité de réinjecter plus d'eau que nous n'en utilisons".
La bataille de l'eau ne fait que continuer...

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