L'Europe que je vois s'édifier depuis un demi siècle est un cauchemar bureaucratique, une entité fondée sur l'économie et la finance, de la quelle est exclue toute dimension politique et identitaire, sans légitimité démocratique, malgré les apparences, et aux frontières sans cesse mouvantes. Résultat, les européens s'en défient car ils ont compris que ce projet se construit sans eux, voire contre eux (refus des verdicts populaires au nom d'une pseudo rationalité qui exclue l'"irrationalité populiste"), et ne votent pas ou plus ou aux extrêmes pour montrer leur manque de confiance.
L'Europe est une très ancienne réalité spirituelle et civilisationnelle provisoirement masquée et défigurée par un projet mercantile, certes utile mais insuffisant et inopérant, piloté par des bureaucrates frileux écrasés par le poids de ce projet formidable et de leur propre médiocrité.
Mais l'histoire n'est pas écrite et faire l'économie de cette dimension civilisationnelle au profit d'une vision étriquée marchande et morale (culte dérisoire des droits de l'homme et de l'antiracisme réflexe), faire allégeance à l'impérialisme Américain (celui qui bombarde un pays européen -la Serbie- en 1999) et à son bras armé l'OTAN (qui aurait du disparaitre en 1991 à l'effondrement de l'URSS) et oublier cette réalité historique et géopolitique (qui s'identifie pour l'essentiel à l'ancien espace carolingien), c'est se préparer un réveil brutal dans un monde désormais multipolaire, dangereux, qui reste régi par des rapports de force, par un antagonisme identitaire séculaire.
Quoi d'étonnant, finalement, à voir des bourgeois et des marchands mener une politique continentale de marchands et dont le seul horizon est un vaste marché climatisé, ce cauchemar climatisé dont parlait Miller (pour l'Amérique certes, mais le concept me parait adapté ici)?