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L’indignation hypocrite

Publié le 26 avril 2009 par Lozsoc
Fabrice Burgaud lors de son audition devant la Commission parlementaire

Fabrice Burgaud lors de son audition devant la Commission parlementaire

Le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) a donc pris cette semaine sa décision dans l’affaire d’Outreau Fabrice Burgaud. L’ancien juge d’instruction  écope de la sanction disciplinaire la plus légère : la réprimande avec inscription au dossier.

Evidemment, cette décision n’est pas au goût de tout le monde, à commencer bien entendu par les victimes directes et indirectes de cette catastrophe judiciaire. Elle suscite même une polémique. Un membre du CSM, Xavier Chavigné, aujourd’hui magistrat à Bordeaux et directeur adjoint de l’Ecole Nationale de la Magistrature, avait été Conseiller à la Cour d’appel de Douai au moment de l’affaire d’Outreau entre février et novembre 2003. Il aurait même siégé au sein de la Chambre de l’instruction qui a avalisé les actes du juge Fabrice Burgaud.

Il y a évidemment de quoi jeter le doute sur l’impartialité du CSM qui semblait mal placé, dans sa composition actuelle, pour venir donner des leçons de rigueur professionnelle au juge Burgaud.

Sans aucune intention de minorer la responsabilité de ses actes, Burgaud demeure malgré tout un lampiste. Tout le monde le sait. L’homme a donc concentré sur sa personne les rancoeurs, les reproches, au demeurant parfaitement naturels et légitimes, et a été également la victime de la lâcheté de sa hiérarchie.

Si Burgaud avait été révoqué de la magistrature, personne ne parlerait aujourd’hui de Xavier Chavigné. La satisfaction eût été alors proportionnelle à l’indignation hypocrite qui s’est emparée de la classe politique et des médias depuis quelques heures.

On aurait aimé que la réprobation des politiques et des journalistes, au lieu de se concentrer sur la prestation tragico-comique de Rachida Dati à un forum de Jeunes UMP, s’exprime plutôt sur les propos de Nicolas Sarkozy qui, trois jours avant que le CSM ne rende sa décision, réclamait implicitement à Nice la tête du juge Burgaud en annonçant un texte sur la responsabilité des magistrats :

« Je ne laisserai pas des affaires comme Outreau sans réponse. »

On serait tenté de voir dans la décision du CSM une réaction corporatiste aux propos du Président de la République qui, en se référant expressément à l’affaire d’Outreau, a exercé ce qui peut s’apparenter à une pression et à un grave empiètement du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire (en l’occurrence disciplinaire).

Sarkozy est d’ailleurs coutumier du fait. Souvenons-nous de son annonce devant les caméras de l’arrestation d’Yvan Colonna, qualifié péremptoirement d’assassin du préfet Erignac avant toute décision de justice.

Sarkozy aurait donc pu annoncer son texte à un autre moment. Ce texte, on le sait déjà, est destiné à capter l’émotion des citoyens et à l’instrumentaliser à des fins électorales. Sauf erreur, il ne semble pas que les syndicats de magistrats aient été associés à l’initiative du Président de la République pour donner leurs points de vue.

Pendant que tout le monde devise sur la décision du CSM, que l’on se complait dans le pathos, on ne parle ni de l’inquiétant contexte qui a pu rendre possible l’affaire d’Outreau ni du désengagement de l’Etat dans le domaine de la justice.

Dans ces conditions, soyons persuadés que des drames similaires à celui d’Outreau ne manqueront pas, hélas, de survenir.


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