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Ah que n'es-tu près de moi !

Publié le 26 avril 2009 par Perce-Neige
Ah que n'es-tu près de moi !
Aujourd'hui, c'est une journée particulière. Celle du souvenir de la déportation (des juifs, des tziganes, des homosexuels, des résistants, des juifs, encore et toujours). On pourrait se dire que le reste, tout le reste, est dérisoire. Infiniment dérisoire. Hors de propos. Indécent, voire pire, peut-être. Sans doute, oui, totalement indécent. Pourtant, je me dis, dans le même mouvement, qu'il faut, justement ce jour-là, balbutier la beauté du monde. Précisément, ce jour-là, se réjouir du chant des oiseaux, s'amuser d'un rien. Rire ? Rire... Rosa Luxembourg, depuis sa prison de Breslau, en août 1917, écrit ceci : "Je restai assise près de la fenêtre, toute triste, la tète lourde, car il faisait très chaud, et je regardai le ciel où, sous des nuages blancs qui se détachaient sur un fond bleu pastel, les-hirondelles volaient gaiement très vite, à une hauteur vertigineuse, leurs ailes pointues semblant couper l'air comme de petits ciseaux. Mais le ciel ne tarda pas à s'assombrir, tout se tut, et un orage éclata suivi d'une forte averse et de deux coups de tonnerre assourdissants qui ébranlèrent tout. Suivit alors un spectacle que je n'oublierai jamais : l'orage s'était vite éloigné et le ciel devint tout gris, d'un gris épais et uniforme. Un crépuscule cotonneux, blême, spectral, s'était brusquement abattu sur la terre. On aurait dit qu'on avait suspendu partout d'épais voiles gris. La pluie monotone tombait très doucement sur les feuilles et de temps à autre, un éclair d'un rouge pourpre illuminait un instant ce gris de plomb tandis qu'au loin le roulement du tonnerre-se faisait entendre, pareil aux dernières vagues du ressac sur le rivage. Et tout à coup, dans cette atmosphère spectrale, sur l'érable, devant ma fenêtre, éclata le chant du rossignol. Au milieu de cette pluie, des éclairs, du tonnerre on aurait dit le carillon d'une cloche argentine. Il chantait avec-passion, comme s'il voulait couvrir le bruit du tonnerre et illuminer le crépuscule. Je n'ai jamais rien entendu de plus beau. Sur ce ciel alternativement plombé et pourpre son chant faisait penser à un scintillement d'argent. Tout cela était si mystérieux et d'une beauté si inconcevable qu'involontairement je redis le dernier vers du poème de Goethe : « Ah que n'es-tu près de moi»… Toujours vôtre. Rosa." Comme s'il voulait couvrir le bruit du tonnerre et illuminer le crépuscule ! Quel vertige que ce texte...

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