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Il faut sauver le soldat Prudhomme

Publié le 26 juillet 2007 par Roman Bernard
Le Tour de France est en train de vivre les heures les plus tragiques de son histoire plus que centenaire, neuf ans déjà après l'Affaire Festina, deux ans après le dernier des sept succès douteux de Lance Armstrong, et un an après le double scandale qui a frappé le Tour 2006, avec, avant le départ, l'Affaire Puerto qui a conduit à l'exclusion des principaux favoris, et, quatre jours seulement après la victoire surprise de Floyd Landis, son contrôle positif à la testostérone.
Cette fois, avec l'exclusion d'Alexandre Vinokourov et du maillot jaune Michael Rasmussen, la musique lancinante de France Télévision, qui parlait, en 1999 et en 2006, de "Tour du renouveau", s'est enfin interrompue. Des journalistes
comme Jean-René Godart ou Gérard Holtz, qui commentaient en termes dithyrambiques la victoire d'étape de Landis à Morzine l'an dernier -alors qu'il était sur le point d'abandonner dans la montée vers La Toussuire le jour précédent-, ont enfin pris la mesure du fléau du dopage qui gangrène le cyclisme depuis plusieurs décennies.
On pourrait dire tant mieux, mais je suis toujours sceptique devant les revirements, surtout lorsque ceux-ci sont moutonniers. Les médias, qui vantaient jusqu'ici les performances des coureurs, même lorsque celles-ci étaient hautement suspectes -l'ascension surhumaine de l'Alpe d'Huez par Lance Armstrong en 2001 en est un exemple-, sont maintenant unanimes pour fustiger les "tricheurs", dont ils chantaient encore les louanges il y a peu. Dans ce concert de critiques soudaines et répétitives, on peut noter, dans la presse germanophone, le même jeu de mots, reproduit par plusieurs quotidiens d'Allemagne, d'Autriche et de Suisse sur leurs "Unes" : le "Tour de farce".
Outre le fait que cette plaisanterie est plutôt douteuse -que diraient les Autrichiens si les journaux français titraient, par exemple, "Les Autrichiens pratiquent la politique de l'autruche"?-, la revendication qui lui est assortie est, elle, particulièrement irritante : il faudrait, selon les journalistes germanophones -et d'autres qui leur ont naïvement emboîté le pas- purement et simplement supprimer le Tour de France pour éradiquer le dopage dans le vélo.
Bien qu'étant peu objectif en la matière, je décèle dans ces réclamations une certaine francophobie de la part de leurs auteurs, qui ne semblent pas goûter que la Grande Boucle soit la seule des grandes compétitions sportives à avoir un pays comme objet : en l'occurence la France, que nos "amis" européens s'empressent toujours de dénigrer lorsqu'elle est en mauvaise posture : 21 avril 2002, échec du référendum européen de 2005, émeutes la même année, CPE l'an dernier, et maintenant le Tour.
Je me souviens aussi des "sondages" qui avaient lieu en Europe après la victoire de l'équipe de France en finale de la Coupe du monde 1998 face au Brésil (3-0) pour savoir si le match avait été "truqué". Ou, moins loin dans le temps, pour déterminer si la France était, oui ou non, un pays "raciste". Revenons à nos moutons de Panurge.
La suppression du Tour de France me paraît être, bien qu'il constitue l'épreuve reine du cyclisme, assez légère pour y faire disparaître le dopage. D'autant plus que c'est aussi l'épreuve où les contrôles sont les plus stricts -d'où le nombre plus important de scandales. Je trouve assez mal inspirés les Allemands de demander l'abolition de la Grande Boucle, alors qu'ils nous ont envoyé pendant des années leurs "champions" Jan Ullrich et Erik Zabel briller sur les routes de France.
La volonté des Allemands de se détourner du Tour, notamment en ne diffusant pas les épreuves à la télévision publique, ne me semble donc pas étrangère au fait que les coureurs d'outre-Rhin sont désormais incapables d'y avoir la moindre ambition. Comme les Français, dont le niveau est catastrophique depuis qu'ils ne se dopent plus. Le comportement d'Eric Boyer, manager de Cofidis, est exemplaire à cet égard.
Pourquoi, alors, la France devrait-elle payer pour un problème qui dépasse très largement ses frontières? Si la Grande Boucle était supprimée, devrait-il toujours y avoir le Giro et la Vuelta, alors que l'Italie et l'Espagne ont été, et sont encore, des hauts lieux de dopage ? Et surtout, n'y a-t-il pas une solution plus constructive pour lutter contre ce fléau que celle qui consisterait à supprimer l'une des seules grandes manifestations sportives qui soit gratuite et populaire ?

La démarche la plus constructive semble être celle qu'a adoptée la société organisatrice du Tour de France et son directeur, Christian Prudhomme. Il a choisi, lui qui faisait pourtant partie de ces journalistes aveuglés par les performances de Lance Armstrong, avant de diriger la Grande Boucle, de prendre le problème du dopage à bras-le-corps, en refusant toute compromission, courage que son prédécesseur Jean-Marie Leblanc n'avait pas su -ou pas pu- avoir. Avec, déjà, des résultats probants : les coureurs dopés seront dorénavant conscients du risque énorme qu'ils prendront.
Plutôt que de fuir les problèmes lorsqu'ils se présentent et de mettre fin à ce monument du patrimoine français, il faut tout faire pour sauver le Tour, en aidant sans réserves son directeur dans son opération de nettoyage. Le soutien que le Premier ministre lui a témoigné, s'il est de circonstance, va donc dans le bon sens.
Roman B.
Crédit photo : Diane Krauss

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