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Alain Juppé : “Je suis un homme libre qui dit ce qu’il pense”

Publié le 27 avril 2009 par Hmoreigne

 Nicolas Sarkozy n’est plus seul. Dans son propre camp, à droite, des voix s’élèvent porteuses d’une tonalité différente. L’herbe a repoussé sous les pas d’Attila. Des ombres se découpent sur l’horizon 2012 légitimées par les propres excès du sarkozysme. Des hommes brillants, au caractère bien trempé, d’Alain Juppé à Dominique de Villepin sans oublier Nicolas Dupont-Aignan, dont les intérêts à un moment donné pourraient bien être convergents. Dans une entretien accordé au quotidien économique les Echos du 23 avril dernier le Maire de Bordeaux a clairement déterré la hache de guerre. Et l’Elysée ne s’y est pas trompé.

Il y a la droite populaire celle que veut incarner Nicolas Sarkozy et puis il y a l’autre, plus élitiste, plus bourgeoise. Depuis quelques mois cette dernière face à l’enlisement du président de la république sort de son bois et n’hésite plus à faire part à haute voix de ses critiques à l’égard du pouvoir Elyséen.

Dominique de Villepin en évoquant à propos du climat social tendu un ” risque révolutionnaire ” en France a jeté un sacré pavé dans la marre. L’ancien Premier ministre n’a pourtant fait qu’exprimer tout haut ce que tout le monde pense tout bas. En filigrane, Dominique de Villepin ouvre la voie à une remise en cause assumée et non plus sous le manteau de la gestion Sarkozyste.

Vieux renard de la politique, Alain Juppé s’engouffre dans la brêche. Aprés bien des supputations, son retour sur la scène nationale ne se fera pas avec Nicolas Sarkozy à travers l’octroi d’un maroquin. Pas en serviteur mais d’égal à égal, en contradicteur et concurrent. L’ancien Premier ministre est sans équivoque : “Je vais réactiver en septembre un cercle de travail avec des amis politiques, des intellectuels et des chefs d’entreprise, pour réfléchir et apporter des propositions sur les défis de l’avenir. Je suis un homme libre qui dit ce qu’il pense.” Et d’ajouter : “La parole, c’est aussi un ministère.”

Quoi de mieux donc que de porter le fer au cœur de l’idéologie sarkozyste sur ce que la gauche a baptisé le péché originel : le bouclier fiscal, la mesure symbolique du début de mandat présidentiel qui limite l’impôt à 50 % des revenus. Le maire de Bordeaux ménage la chèvre, jugeant que le gouvernement a jusqu’à présent ” bien fait ” les choses pour mieux parler choux. Alain Juppé souhaite un aménagement immédiat du bouclier fiscal et laisse entendre que, une fois la crise passée, il faudra augmenter les impôts.

Augmenter les impôts ! Un crime de lèse majesté en Sarkozie où toute la stratégie est construite sur une diminution de la pression fiscale de l’Etat même si, dans les faits, elle est en grande partie transférée vers des collectivités locales pour la plupart acquises à la gauche.

Ce faisant, Alain Juppé se pose comme le porte voix de responsables de la majorité qui au nom du partage de l’effort, souhaitent corriger le bouclier fiscal et alourdir la fiscalité des plus aisés. Jean Arthuis, président de la Commission des finances au Sénat, propose notamment de supprimer l’Impôt sur la fortune (ISF) et le bouclier fiscal et, en compensation, de créer une cinquième tranche d’impôt sur le revenu pour les foyers les plus riches déclarant un revenu imposable supérieur à 100 000 € par an.

Sans aller jusque là, Alain Juppé estime que, dans le contexte de crise actuelle, le bouclier fiscal apparaît comme difficilement explicable.

Deuxième dissonance de taille, le rythme des réformes. Alors que Nicolas Sarkozy s’est engagé à ne pas ralentir le tourbillon des réformes, Alain Juppé demande une pause sur la question de la réforme hospitalière “Un peu de stabilité serait quand même bienvenu” mais le conseil par extension est applicable à d’autres domaines notamment quand il indique qu’ “on n’est pas obligé de réformer pour le principe de réformer“.

Sur la gouvernance Alain Juppé se fait incisif. “Je n’ai pas l’impression que le Premier ministre soit usé ou fatigué. Dans le contexte nouveau du quinquennat et de la personnalité de Nicolas Sarkozy, qui proclame s’occuper de tout, François Fillon a trouvé la bonne tonalité : il est à la fois suffisamment en retrait pour ne pas être en situation de conflit avec le président, mais en même temps il n’est pas transparent.” Corrosif même lorsque le sujet porte sur l’ouverture : “Il faut toujours être ouvert à condition que ce ne soit pas pour la galerie et de ne pas décourager ses propres troupes.”

A défaut de lune de miel entre Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, l’amour vache a pris le dessus. On rapporte que le président de la république aurait déclaré à l’un de ses ministres à propos du maire de Bordeaux : “Qu’a-t-il fait au gouvernement ? Au moins Villepin, il a fait le discours de l’ONU et ça, ça restera dans l’histoire.


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