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La conversation est un château de sable : quand la communication se définit par la construction mentale d'un territoire commun, par Nicolas Revoy

Publié le 28 avril 2009 par Jérémy Dumont

La conversation est un château de sable : quand la communication se définit par la construction mentale d'un territoire commun, par Nicolas Revoy


Une plage d’été. Au bord de l’eau, deux vacanciers bâtissent un énorme château de sable. Séduit par la beauté de l’édifice en construction, un autre vacancier se joint spontanément à eux, puis un autre… Au final, c’est bien une dizaine de personnes qui s’affairent au chantier. Lequel ne semble jamais pouvoir être achevé, car chacun a l’idée d’un nouveau pont, une nouvelle tour… Mais en fin de journée pourtant, le château est bien terminé. Ses auteurs l’admirent fièrement, avant que les vagues viennent le dissoudre lentement…

Abandonnons cette scénette estivale, et osons maintenant cette analogie : la conversation serait semblable à un château de sable : un objet en soi, coproduit volontairement par l’ensemble des conversants, mais n’appartenant à personne en particulier.

Une analogie qui s’inscrit en fait dans les travaux menés en sciences cognitives sur le concept de la conversation : l’une des approches de cette discipline pose en effet que la conversation entre plusieurs personnes est la construction mentale d’un terrain commun. La construction d’un château de sable, par exemple. Lequel a de plus l’avantage d’être éphémère, exactement comme une conversation, ce qui n’empêche pas que l’on s’en souvienne longtemps après, là encore comme une conversation particulièrement agréable ou animée.

L’intérêt de cette analogie ? Au-delà de la sensation bienfaisante qu’elle est susceptible de procurer en cette période pré-estivale, c’est qu’elle nous semble aussi pouvoir nourrir la question des règles à suivre par les marques pour éviter une exclusion précoce de la conversation, que nous évoquions l’année dernière dans ce billet.

Jouons donc un peu, et poussons l’analogie jusqu’au bout, en regardant quelles seraient, pour un vacancier désireux de se joindre à un groupe de bâtisseurs de château de sable, les règles à suivre pour ne pas s’en faire exclure à peine entré. Puis vérifions si elles sont également opérantes lorsqu’on les applique à l’entrée des marques dans la conversation :

  • Règle 1 : Utilité. Le bâtisseur doit forcément apporter une contribution dotée d’une véritable valeur ajoutée. S’il n’est pas capable d’aider efficacement à la construction du château, alors il deviendra vite un poids pour les autres. C’est également valable pour l’entrée des marques dans la conversation : une marque doit apporter des contributions dotées d’une véritable valeur ajoutée, permettant l’enrichissement de cet objet commun qu’est la conversation, sous peine d’être exclu (par exemple, Leclerc étaye ses positions sur le pouvoir d’achat en fournissant un comparateur de prix en ligne original, soit une contribution à la conversation dotée d’une réelle valeur ajoutée).
  • Règle 2 : Plaisir. Si un bâtisseur n’a visiblement aucun plaisir à participer à la construction du château, alors sa présence deviendra vite pesante, et on lui fera comprendre qu’il pourrait plutôt aller se baigner. Et du côté des marques entrant en conversation ? On peut effectivement imaginer que, de la même manière, l’absence de perception par le consommateur d’un plaisir éprouvé par la marque à converser avec lui est le gage d’une conversation destinée à être écourtée. La stratégie de communication de Stride autour des vidéos de Matt le danseur en est un très bon exemple : dans les innombrables commentaires des internautes sur ce sujet, il ressort généralement que ces derniers perçoivent Stride très positivement, saluant le plaisir manifeste que la marque a eu à leur communiquer un contenu qui les dépayse et les surprend. Et côté ROI ? Et bien les chiffres ont suivi…
  • Règle 3 : Sincérité. Si un bâtisseur dissimule aux autres les véritables motifs qui le poussent à participer à la construction du château (profiter du pack de bière d’un autre bâtisseur, se rapprocher stratégiquement d’une jolie vacancière, etc), alors les autres se sentiront quelque peu floués une fois ses véritables motifs dévoilés, et risquent de développer envers lui une certaine animosité. Et c’est pareil pour la marque conversante : si elle s’est greffée à une conversation pour un motif tout autre à celui qu’elle affiche, alors elle s’expose à l’exclusion dès lors que les autres participants auront mis à jour ses véritables intentions. De façon instinctive, tout être humain écourte généralement très vite une conversation dès lors qu’il sent que son ou ses interlocuteurs lui cachent ostensiblement des choses ; les gens n’aiment pas converser avec les menteurs. Et c’est un aspect central pour les marques désireuses d’entrer en conversation : en effet, comment désamorcer chez le consommateur la pensée de type « cette marque me ment : elle fait mine de vouloir une conversation avec moi, mais en fait c’est tout autre chose qui l’intéresse » ? Si l’on suit jusqu’au bout cette règle de la sincérité, alors la marque devrait quoi qu’il arrive être sincère sur ses objectifs, afin d’éviter d’être tagguée « menteuse ». Comment ? Elle pourrait par exemple insister particulièrement sur la plus value qu’elle espère retirer de la conversation avec ses consommateurs, en leur expliquant que cela lui permettra en retour de leur proposer une offre encore plus satisfaisante. Un cas réussi de “sincérité” : l’affaire désormais célèbre du faux blog Vichy. On se souvient que la découverte de la présence de la marque derrière ce blog faussement indépendant avait échaudé les internautes. Comment a réagi Vichy face à ce “bad buzz” ? En menant une opération 100% sincérité : le responsable marketing à l’origine du projet s’est excusé en ligne, a reconnu l’erreur, et a expliqué les raisons qui avaient poussé la marque à lancer le blog de cette manière. Résultat le lien avec les consommateurs s’est restauré, ces derniers appréciant la franchise de la marque.
  • Règle 4 : Humilité. Un bâtisseur de château de sable qui se targue en permanence d’être plus efficace et talentueux que ses collègues, voire décrète qu’il en est le seul véritable auteur, se retrouvera probablement à finir son château tout seul. De la même manière, il s’agit pour une marque de considérer que les autres conversants peuvent apporter à la conversation au moins autant que ce qu’elle pense pouvoir lui apporter. Dans une conversation, la seule star c’est la conversation.

Que pensez-vous de ces quelques premières règles de « maintien en conversation » issues de notre petite métaphore estivale ? En avez-vous d’autres à proposer ?

Auteur : Nicolas Revoy
Source : Think Out
Publié par : Nicolas Marronnier
Publié sur : le vide poches / échange


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