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C’est mon dernier mot (Slumdog Millionaire)

Publié le 28 avril 2009 par Magda

slumdog

Hier, j’ai écrit toute la journée. J’avais la tête comme une pastèque bourrée de graines. J’ai enfourché mon vélo, fait quelques mètres et j’ai atterri dans une salle de cinéma de mon quartier (Kreuzberg) à Berlin.Tout le monde l’a vu, le film a même reçu l’Oscar, je ne vais donc pas m’étendre sur le synopsis de ce film de Danny Boyle. Danny Boyle est un cinéaste dont j’avais beaucoup aimé Petits meutres entre amis et Trainspotting. La Plage m’avait moins séduite (Virginie Ledoyen m’emmerde beaucoup), mais touchée. Oscar, plusieurs bons films à son actif, bouche-à-oreille sur Slumdog Millionaire : j’attendais de Danny Boyle qu’il me surprenne.

Me voilà donc seule dans le noir, en proie aux bruits incessants de pop-corn et de cônes glacés, machouillés par des mandibules allemandes qui se fichent bien de mon confort auditif. Cela m’énerve, mais je résiste au besoin de me lever pour leur crier “SCHEISSE”, alors que l’envie est plutôt forte. Les bandes-annonce commencent, et je m’aperçois que tout est doublé en allemand. Je m’inquiète : Slumdog Millionaire sera-t-il lui aussi projeté dans la langue de Goethe? Eh bien oui. Cette fois, je réprime un gros soupir d’agacement. Je parle l’allemand, mais le doublage, ça me fait sortir de mes gonds.

J’admets que j’étais mal disposée. Cela dit, les trente premières minutes du film m’emportèrent assez rapidement. Slumdog Millionaire est l’exemple type du scénario compliqué (flash-backs et multiplicité des protagonistes) qui semble bien ficelé et haletant. Sauf qu’en fait, c’est une illusion totale, compensée par des mouvements de caméra incessants, style stroboscope, qui finissent par écœurer mais font passer les failles profondes de la narration. Que le postulat de départ soit gros, bon. Un ultra-pauvre qui devient millionnaire parce que c’est son destin, ça peut faire un bon film. Mais Danny Boyle ne cesse de valser entre les genres (comédie, drame, thriller, drame social, bollywood) et reste en surface, parce qu’il ne maîtrise pas tous ces codes de catégories cinématographiques à la fois, contrairement à Vincent Gallo, tiens.

Danny Boyle en fait trop. Cent fois trop. Il verse dans l’overdose sentimentale et en oublie de raconter pourquoi les deux héros s’aiment tant, jusqu’à affronter la mafia et le destin. Une foule d’événements ne sont pas justifiés ou développés. Prenons par exemple le moment où le héros, Jamal, retrouve Latika, sa bien-aimée depuis l’enfance, qui est devenue l’esclave de leur ennemi commun. Il la voit, par la porte entrebaîllée d’un bordel, tourbilloner en costume de danseuse traditionnelle indienne. Et après, que fait-on de ça? Rien. Cet épisode de danseuse de la vie de Latika, ne se développe jamais dans le film. C’était juste un prétexte pour montrer un joli costume hindou, et faire clignoter les yeux des spectateurs avec un cliché tout brillant sur l’Inde.

Examinons maintenant le message du film, sa moralité. Pour Danny Boyle, Jamal a gagné parce que c’était son destin. Nous savons à quel point les Indiens de religion hindoue attachent de l’importance à cet aspect de leur existence, le destin. C’est contre ce fatalisme de classe sociale que se battait Gandhi dans les années 1920. Il était très intéressant, pour Danny Boyle, d’aller fouiller cette particularité culturelle de l’Inde. Mais ça foire, comme le reste. C’est le destin, et alors? Que va faire Jamal de son destin? Rien. Il va le subir et rester le gentil bonhomme que l’on connaît depuis le début du film. Il va gagner des millions, trouver l’amour, et ça s’arrête là.

Boyle a voulu se livrer à un exercice de radioscopie de l’Inde fort dangereux. Il survole le pays et nous sert les clichés bien connus : les intouchables qui nettoient la merde des autres, les traditions, les enfants-voleurs, la mafia, les informaticiens et les call-centers… Parce que son histoire avec Jamal (le protagoniste) fait semblant d’être forte, il se permet de parler de tous ces stéréotypes sur l’Inde avec légèreté. On n’apprend rien. En sortant de là on a un peu ri, un peu eu peur, un peu eu envie de pleurer. L’acteur principal est bon, mais l’actrice est gnangnan, le présentateur télé est caricatural, le méchant est méchant sans faire peur.

Slumdog Millionaire n’est rien de plus qu’un énième film à gros budget, qui sert les idéaux d’une certaine catégorie de gens dans l’industrie du cinéma américaine : bats-toi mais reste à ta place. Ne fais pas la révolution, ne change rien autour de toi. Si tu es pur, tu gagneras beaucoup d’argent et ta copine sera une bombe sexuelle. Et ben moi, ça m’énerve. A tel point qu’en sortant de la salle, je me suis jurée d’acheter un énorme seau de pop-corn et d’aller gâcher la prochaine projection du film avec des bruits de mastication.

Non, je plaisante. Je déteste le pop-corn. C’est plein d’OGM. A la place, je vais me revisionner Devdas. Un grand film Bollywood made in India, kitsch si vous voulez, mais vraiment bien écrit, flamboyant, et qui me file des frissons!


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LES COMMENTAIRES (1)

Par Chacha
posté le 28 mai à 11:14
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Je suis tout à fait d'accord avec toi. Malgré le fait que le film m'est assez touché et que j'ai pas mal rien (dans l'épisode du Taj mahal) le film laisse trop de porte ouverte et j'avoue m'être perdue plusieurs fois. C'est un film sympa parce que les acteurs sont bons mais en gros le scénario est un peu tiré par les cheveux. Mais bon, c'est un film intéressant malgré tout. Mais c'est sûr qu'on ne le regardera pas trente fois.

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