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5 bougies pour un sommet - Carnet de route au Népal (la suite)

Publié le 29 avril 2009 par Pestouille

Au matin du cinquième jour, Il créa les vaches. Nan je plaisante, si je me mets à pondre ma version de l’ancien testament on risque d’arriver à des choses assez curieuses. Au matin du cinquième jour, donc, j’entends cinquième jour de trekk, nous nous levons bien guillerets comme il se doit aux alentours de 5h du matin, le ciel est dégagé, ça sent la bonne journée.

Mardi 7 avril   Dharapani - Chame

Les porteurs sont rudement en forme ce matin. D’entrée de jeu ils nous mettent au moins une heure de marche dans la vue. Pourtant la route n’est pas devenue subitement plate, je dirais même, ça monte foutrement bien. On traverse un genre de forêt d’eucalyptus et de rhododendrons : encore une nouvelle atmosphère, de nouveaux paysages. Monsieur O converse bouddhisme et hindouisme avec notre guide (et après c’est moi la bavarde) de mon côté, j’établis un lien privilégié avec notre second guide, Gallu, aka le vioc, aka Terminator (le mec qui je cite, se sent « normal » au sommet de l’Everest) Je tente de communiquer avec lui par un stratagème universel appelé humour et blagues : Je le retiens par son sac à dos pour l’empêcher de marcher, j’essaie de lui faire des crocs en jambe avec mon bâton, je tente de lui chourrer son tabac à chiquer…Yes, ça marche, il est toujours mort de rire, c’est bon c’est plié, c’est moi que je suis sa chouchoute. (Oui si vous avez lu ça vous saviez bien que je m’y prends bizarrement pour fayoter)

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Photo: Monsieur O et Terminator sur un joli pont - entre Dharapani et Chame

Peu avant l’ arrivée dans Chame, nous nous arrêtons dans le village de Koto, dans une famille tibétaine que notre guide connaît - Dans la maison, ils sont 10 : La grand - mère, la mère et ses quatre filles, le mari de l’aînée et leurs trois enfants.On est reçu royal -comme d’hab- on nous offre le thé, des pommes de terre au four (certes pour le goûter, mais après 5h de marche ça se kiffe facile) en remerciement, on leur laisse des minis ours en peluches, des barrettes des stylos et aux femmes -Interlude fashion- le résultat de ma razzia d’échantillons de parfums chez le magasin dont on ne doit pas prononcer le nom sinon j’y cours-  résultat : des cris de joie, des merci des bisoux.

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Photo 1 : la famille de tibétains à Koto

Photo 2 : enfants du village de Chame

Mercredi 8 avril   Chame -Pisang

Après une bonne nuit dans un petit lodge ou se trouvait, chose exceptionnelle, un accès Internet (C’est de là que j’ai envoyé au monde ce qui fut le seul et unique message du voyage : En direct de l’Himalaya, on est vivant.) On se lève, mais moins guillerets cette fois ci :  la veille Monsieur O, en voulant laver ses pieds, dans un état peu ragoûtant, a tenté le tout pour le tout, il est passé à la douche (froide, est il utile de le préciser?) et a attrapé un genre de rhume. Rien de bien grave, on lui fait gober un Doliprane 1000 et nous voilà partis On ze route encore comme dirait l’âne de shrek.

L’environnement se fait de plus en plus montagnard (- de feuilles + de cailloux) mais bon, comparé aux Alpes c’est toujours bien vert pour plus de 3000 mètres. L’air est légèrement plus frais et lorsque nous arrivons vers Pisang (lower Pisang) ça commence à cailler sévère. Vu qu’il est encore tôt, notre guide nous emmène dans le vieux Pisang (Upper Pisang) qui comme son nom l’indique est situé une centaine de mètres plus haut. Là, pour la première fois du séjour nous visitons un monastère bouddhiste. C’est un monastère rénové il y a moins de dix ans : les fresques sont donc très colorées et vives…0 la sortie du monastère : il neige pour la première fois du séjour. La ville est recouverte en quelques minutes…

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photo 1 : notre lodge à Chame avec ze famous café internet de la mort

photo 2 : intérieur du monastère, à Pisang.

Avant le dîner, c’est la crise. Je fais péter la mauvaise humeur pour la première fois du séjour. Pas parce que je n’ai pas pu me laver la veille. Pas parce que j’ai le choix au menu entre des nouilles, du riz et des patates. Pas parce que mes pieds sont couverts d’ampoules (I’m used to it) non. Rien de tout ça. Parce que notre guide nous a annoncé au détour d’une conversation que, pour avoir une sécurité au niveau des conditions météo, nous tenterons le sommet, non pas en deux camps sous tente, mais en un seul. En résumé : deux étapes pour le prix d’une, 16 h de marche dans la neige. Je boude. J’ai peur de pas en être capable. D’être fatiguée. Bon en gros j’ai peu de me vautrer et de me taper l’affiche. Bouh la vilaine…

Jeudi 9 avril     Pisang - Manang

Peut importe l’humeur, aujourd’hui direction Manang. Cette étape on l’attend impatiemment : déjà parce que c’est paraît il très beau, mais aussi et surtout parce que dans cette ville on va rester 2 nuits, et passer une journée à se reposer et s’acclimater à l’altitude. Bref on va se la couler douce (enfin on le croit) La nuit a été bonne, mais interrompue par trois fois pour aller faire pipi à l’extérieur de la chambre dans la cabane wc. Ben oui, moi chuis bonne pâte, monsieur O me dit « bois beaucoup mon cœur » toutes les cinq minutes, c’est limite du harcèlement moral mais bon je m’exécute. Et voilà le résultat.

Sur la route je peu continuer ma longue série de blagues hilarantes en essayant à tout prix de faire tomber du bout de mon bâton, les blocs de neige accumulés sur les branches sur la tronche de Terminator… Résultat il accélère le pas pour m’éviter et se met à secouer les arbres sous lesquels je me trouve, dès qu’on fait une pause. Petit à petit, la neige disparaît, il se remet à faire plus chaud et bientôt on voit apparaître Manang. Heureusement : ma vessie est sur le point d’exploser. Je sais c’est glam.

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photo 1: Le lac de Manang

photo 2:  vue sur Manang

Manang, c’est le bled le plus grand depuis le début du trekk. IL y a donc un peu d’électricité (de quoi recharger les batteries de la caméra) des petits magasins et un  lodge vraiment grand ou Alléluia la carte propose des œufs au plat, des soupes et même O joie des friiiiiites. Qui se révèlent très bonnes. Du soleil, de la bonne bouffe: ça c’est le repos du guerrier ! Pendant la journée de repos, nous visitons de nouveau un monastère bouddhiste, et notre guide en profite pour prier pour notre réussite et allumer 5 bougies pour que tout se passe bien là haut.

Vendredi 10 avril   Manang -Letdar

C’est parti kiki ! Letdar, c’est la dernière étape en guest house… après ça, ce sera sous tente les cocos ! Il s’agirait d’en profiter. Sur la route, des aigles, toujours des chèvres et les premiers yacks… Le paysage se rapproche de plus en plus de la steppe. Dans le lodge, comme chaque soir, dans la salle commune, on lit nos bouquins : Le gêne égoïste pour monsieur O (oui, il est encore dans sa lubie de l’évolution, après avoir épluché Darwin, il passe à Dawkins) Quant à moi… je me suis laissé convaincre par « l’éventail du vivant » de Stephen Jay Gould, un autre grand évolutionniste ( ben ouais, faut pouvoir tenir une discussion avec l’autre fou) et bien sûr je tiens le carnet de voyage à jour. Mais ce soir là il y a des jeux de société et notre cher Terminator nous initie au jeu « tigre et moutons » une sorte de jeu d’échecs népalais. Nous découvrons que Terminator est un joueur invétéré, qui ricane comme un fou à chaque pion qu’il nous bouffe et à chaque partie qu’il gagne c’est à dire toutes…

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Photo: Un peu au dessus de notre lodge, vue sur Letdar

Samedi 11 avril   Letdar - camp de base du sommet

Monsieur O se réveille en petite forme. Il a moyennement bien dormi. Faut dire, on est déjà bien haut (4200… pas si loin du Mont Blanc…). Il tousse pas mal et son asthme n’arrange pas les choses. Il va nous falloir faire environ 800 mètres de dénivelé avant d’atteindre notre camp de base, situé à 5000 mètres d’altitude (on va battre notre record aujourd’hui !!!) où se trouvent déjà les porteurs et Terminator, partis à l’aube pour installer les tentes et la cuisine du campement…La montée est très laborieuse, L’oxygène se fait bien plus rare, on a le souffle court au moindre effort. Je respire plutôt très bien, mais Monsieur O est à la peine. On évolue doucement dans les caillasses. Et ça grimpe, et ça grimpe. Arrivée au camp de base, nous découvrons les tentes, une repas est en train de chauffer dans la tente mess. Mais quelque chose cloche : Monsieur O a mal au crâne, il se sent très faible (je ne veux absolument pas faire passer mon mari d’amour pour une balletringue : le mal d’altitude est un mal complètement indépendant de la condition sportive du sujet. Ca vous tombe dessus au pif, sans rapport aucun avec votre âge, sexe, corpulence, condition… c’est injuste et c’est comme ça)

Monsieur O. se couche dans une tente, en espérant qu’après un peu de repos il sera  sur pied. Après quelques heures d’attente, le verdict tombe : ça ne passe pas, le mal de tête se fait plus intense, une seule option avant que ça s’aggrave : redescendre au plus vite. Après quelques heures de marche dans le sens inverse, nous revoilà à Ledtar ou monsieur O, qui s’est plus ou moins transformé en zombie se couche dans son sac de couchage et prend des anti douleurs. C’est la que les questionnements commencent : Que faire à présent ?  Passer la nuit là et remonter le lendemain en ayant « utilisé » notre jour de sécurité météo et tenter le sommet, faire une croix sur le sommet et passer notre chemin… tout dépend de l’évolution de l’état du petit pépère. Il s’agit d’être raisonnable (certains cas de mal d’altitude peuvent aboutir à un œdème pulmonaire ou cérébral et donc, n’ayons pas peur des mots, à la mort… joyeux non ?)

Damber, notre jeune chef guide, n’a jamais été confronté à cette situation, il semble désemparé et perdu. Je commence à sentir que la décision  doit être prise à sa place. Je surveille l’état de monsieur O.  Et là patatra : Non seulement il ne va pas mieux, mais son état a empiré, il frissonne comme un perdu dans son sac de couchage, il est blanc comme un linge et se contracte de douleur. ALERTE ALERTE ça pue grave du cul ! Parenthèse romantique gnangnan : c’est très dur de voir le bonhomme qu’on aime souffrir autant, et si le voyage à été inoubliable, ce passage a été particulièrement dur à gérer, j’ai eu très peur et j’aurais voulu partager le mal avec lui. Franchement ça secoue bien et j’espère ne pas revivre ça de sitôt voire jamais.

C’est l’heure de choisir ; que faire ? Passer la nuit la dans ce bled paumé sans téléphone ni rien en espérant que rien de grave n’arrive ? Redescendre à Manang pour voir un médecin mais le faire de nuit avec un malade?   L’équipe pourra-t-elle poursuivre son périple ? Devra -t- elle renoncer à conquérir le sommet du Chulu west, tant convoité ? Parviendra -t- elle malgré tout à trouver “the” poil de cul du yéti?

La suite, au prochain épisode !

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Photo:  En passant devant les moulins à prière de Pisang… (toujours dans les fringues les plus hype)


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