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Les Impromptus Littéraires visitent le marché aux Puces!

Par Sandy458

Allez, vous venez? On va chiner, découvrir des rogatons ou des trésors.
On part au Marché aux Puces cette semaine...

Marché aux Puces, étal n°7 attribué à Madame Lilith.

« Viens là, mon jeune ami, approche de mon étal même s'il ne semble pas très attractif avec sa planche en bois posée sur deux tréteaux, son vieux tissu un peu mité qui accueille mes récipients biscornus et mes bocaux opaques.

D'ailleurs la grande majorité des badauds passent devant moi sans même me remarquer.

Je t'ai observé attentivement depuis ton arrivée dans le marché. Je t'ai trouvé un plaisant visage un peu perdu, un brin rêveur pendant que tu naviguais d'un pas distrait entre les étals des vendeurs.

Trop absorbé par le brouhaha des palabres et bien trop abîmé dans la contemplation des fortunes trépassées ou des petites misères poussiéreuses à négocier,  tu as à peine ressenti le contact de la jeune femme qui t'a bousculé.

Elle t'a adressé une œillade à en décrocher la lune mais tu n'y as même pas porté la moindre attention, aveugle que  tu es !

Tu ne fais attention à rien, tu glisses dans la vie sans chercher à composer ta destinée, comme c'est dommage...

Tiens, jette donc un œil à cette bande d'adolescents qui rient en farfouillant dans une caisse de défroques déjà portées. Ils se plaisent à contempler des  oripeaux encore trop vastes pour eux, en quête de leur identité et de leur personnalité.

Ou encore, observe sur ta droite cet amateur de vieux livres qui hument avec délectation les pages jaunies d'un ouvrage à la couverture patinée. Il a voué sa vie à la recherche de cet incunable qu'il craignait parti en fumée, livré à la vindicte et à l'ignorance d'une époque obscure. Que lui reste-il à espérer maintenant qu'il le serre entre ses mains intimidées? Un bûcher doublé d'un autodafé pour périr avec son trésor ?

Et toi ? Quel sera l'objet de ton aspiration ou de ton déplaisir? Tu n'as vraiment  pas d'idée ?

Alors rassure-toi, même si tu viens ici sans savoir ce que tu cherches, je peux te révéler ce que tu dois trouver.

Hésiterais-tu  encore à m'approcher ?

Ne me dis pas que je te fais peur ?

Une vieille femme comme moi, avec son chignon de cheveux argentés, ne peut pas t'impressionner.

Vois par toi-même : en attendant un client intéressé par mes bricoles ou un auditeur pour mes sottes élucubrations, je tricote inlassablement, assise sur mon pliant avec mon vieux matou pelé,  blotti sur mes genoux.

Une maille à l'endroit, une maille à l'envers, je navigue jusqu'au rang suivant... un peu comme toi lorsque tu avances, tu recules, tu tergiverses puis tu abandonnes vaincu par toi-même.

Maintenant, examine ce que je te propose, ne sois pas si intimidé...

Dans cette boîte écarlate, découvre les graines éphémères des différents âges de la vie.

Dans cette caisse, des sarments craquants de soupirs et de regrets t'attendent.

Là, en vrac, des épices subtiles de joies et d'amour n'exhalent leur parfum que pour ravir tes sens.

Serrées dans ce panier défoncé, des étoiles flamboyantes de souvenirs et de mémoires vivaces rivalisent de beauté.

Laisse-toi séduire, je t'offre de composer ta destinée en senteurs enivrantes et en goûts raffinés mais aussi en âpreté odieuse et en acidité intolérable. Charge à toi te doser honnêtement les saveurs qui t'accompagneront.

Une fois revenu chez toi, prépare une décoction avec ta composition vitale et un litre d'eau de rosée de lune. Adoucis ton breuvage d'une lichée de miel suave et obscurcis-le de 3 gouttes de vinaigre acerbe. C'est très important, m'entends-tu ?

Absorbe le nectar acidulé de ta vie sans trembler et laisse toi accabler par la tempête qui va t'envahir : tu auras mal, tu expérimenteras la peur, tu connaitras la félicité et les joies les plus extrêmes, tu vas pleurer de douleur et rire à gorge déployée. Tu vas probablement regretter ton audace et souhaiter ardemment ne pas t'être engagé dans ce chemin puis tu vas te bénir d'avoir osé l'emprunter malgré les difficultés à affronter.

Lorsque du champ des larmes naîtront les lourds épis de la plénitude, blondis par le soleil et la lune enfin unis, tu sauras réellement ce que vivre signifie.

Vas-y maintenant, compose ton assortiment, ne gaspille pas mon temps car je suis attendue à une réunion avec de chères complices de confrérie.

Voyons, ne reste pas là les bras ballants et les yeux troublés de mille appréhensions et de mille questions : agis dans l'instant !

Pour le prix à payer, nous verrons plus tard, mon jeune ami, bien plus tard...

Un dernier conseil, cours ensuite à la recherche de la jeune femme qui t'a si joliment heurté.

Elle était ta chance de goûter à la fleur du sel de la vie,  brise ta stupide immobilité sans tarder ! »

 


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