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La descente aux enfers

Publié le 28 avril 2009 par Toulouseweb
La descente aux enfersLes transports aériens s’enfoncent toujours plus dans la crise.
C’est une situation sans précédent dans l’histoire des transports aériens. Plus tard, les historiens de l’aviation civile qualifieront sans doute les conséquences de la guerre du Kosovo ou celles des attaques terroristes du 11 septembre 2001 comme des événements graves mais néanmoins sans commune mesure avec les effets profondément dommageables de la récession actuelle. Son impact pourrait męme ętre pire que celui du premier choc pétrolier de 1973, surtout s’il est aggravé par la grippe porcine qui vient de s’inviter dans un paysage déjŕ apocalyptique.
On en arrive męme ŕ oublier que le prix du baril de pétrole s’est sagement stabilisé ŕ 50 dollars environ, seule bonne nouvelle au milieu d’un océan de lamentations, d’un déluge d’inquiétudes, de perspectives noires, et cela sans qu’il soit possible d’entrevoir le bout du tunnel. Le directeur général de l’IATA, Giovanni Bisignani, en arrive ŕ mettre noir sur blanc une louable tentative de positiver. C’est tout dire, lui, incontournable spécialiste des sonnettes d’alarme les plus assourdissantes et des commentaires outrageusement alarmistes. Le voici donc qui affirme que des temps meilleurs finiront par arriver. Il n’a évidemment pas tort, c’est une attitude sympathique mais personne n’est disposé, pour l’instant, ŕ tendre l’oreille. Ce n’est plus l’heure des vœux pieux.
Oů en est-on au juste ? Le trafic aérien subit une érosion de plus en plus forte confirmée mois aprčs mois par des statistiques qui donnent le vertige. Un seul point de repčre suffit ŕ confirmer l’ampleur de la catastrophe : les chiffres de mars font état d’un recul du trafic passagers de 11,1% par rapport ŕ mars 2008. Les réductions de fréquences des uns, les mises au sol d’avions des autres, ne suffisent pas ŕ maintenir un semblant d’équilibre entre l’offre et la demande. En 12 mois, le coefficient moyen d’occupation des sičges a chuté dans des proportions sans précédent et il se traîne actuellement ŕ moins de 72%.
Le recul du fret atteint 22% environ. C’est peut-ętre le chiffre le plus inquiétant de tous dans la mesure oů le transport de marchandises joue un rôle de baromčtre. Son évolution donne, ŕ sa maničre, le pouls de l’économie mondiale qui, décidément, est trčs malade. En revanche, cette descente aux enfers semble stabilisée depuis quelques semaines, une indication optimiste qui n’en demande pas moins ŕ ętre confirmée dans la durée.
Faute de recul suffisant, sans bénéficier d’un minimum de visibilité, les dirigeants de compagnies encaissent les mauvais coups qui se succčdent jour aprčs jour sans formuler beaucoup de commentaires. Aussi une remarque d’Ulrich Schulte-Strathaus, secrétaire général de l’AEA (Association of European Airlines), injustement passée inaperçue, mérite-t-elle d’ętre mise en exergue. Les compagnies aériennes européennes, a-t-il dit il y a quelques jours, n’ont aucune intention de demander des aides financičres, les subventions n’ont plus leur place dans les transports aériens d’aujourd’hui.
Cette prise de position, qui correspond ŕ un large consensus, est courageuse et confčre une signification nouvelle au comportement d’autres secteurs, ŕ commencer par l’industrie automobile et, bien sűr, les banques. Quand le calme succčdera enfin ŕ la tempęte et que viendra le moment de tirer les leçons des événements actuels, nous entendrons peut-ętre des commentaires surprenants.
Finalement, on reconnaîtra sans doute que les compagnies aériennes, considérées dans leur ensemble, sont dans les mains de gestionnaires compétents qui font preuve d’un sens aigu des responsabilités. On avait fini par l’oublier, ŕ force de faire une fixation sur les imperfections de stratégie des uns et les faiblesses de gouvernance des autres.
Bien entendu, nous n’en sommes pas encore lŕ. Pour les acteurs les plus fragilisés, il s’agit tout d’abord d’arriver ŕ survivre jusqu’au retour des beaux jours. Et il ne sert plus ŕ rien de répéter ŕ l’infini que l’industrie des transports aériens est totalement indispensable ŕ la bonne marche du monde. Les déclarations de cet ordre, qui devraient ętre réservées une fois pour toutes aux grands colloques internationaux et aux assemblées générales d’actionnaires tétanisés, ne sont plus de mise. Pour qui en douterait encore, il suffit de jeter un coup d’œil apitoyé sur les banquiers déchus qui, avec superbe, sinon arrogance, se croyaient encore indispensables il y a quelques mois ŕ peine.
Voici l’industrie des transports aériens grandie avant męme la sortie de crise. Tout simplement parce qu’elle se bat contre l’adversité avec une grande dignité.
Pierre Sparaco - AeroMorning

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