Le 21 avril dernier, suite à la visite au dépôt et à la souricière du palais de justice de Paris effectuée le 26 février 2009, les Secrétaires de la Conférence ont remis au Conseil de l'Ordre un rapport faisant état de « l'insalubrité du dépôt et la violation de l'article 803-3 alin.1er du CPP qui prévoit qu'à l'issue de la garde à vue la personne qui comparaît devant le tribunal doit être retenue dans des locaux spécialement aménagés (article 803-3 alinéa 1er du Code de Procédure Pénale). »
On pourra trouver sur le blog de la conférence de stage ce fameux rapport :
Le 24 avril, Christian Charrière-Bournazel, Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris, dans l'éditorial du « bulletin du barreau de l’ordre des avocats de Paris », réagissant à la divulgation de ce rapport, écrit :
« Il nous appartient, à nous, avocats, de plaider la nullité des procédures et de mettre les juridictions en face de leur responsabilité : nul ne devrait juger ni condamner une personne humaine qui a passé jusqu’à vingt-trois heures (au lieu du délai légal maximum de vingt heures) dans une cellule de trois mètres carrés, avec deux autres personnes, sur un banc en bois, qui n’a disposé ni d’eau courante, ni de lavabo, ni de W.C. isolé, qui a été soumise à des fouilles à répétition, le tout dans un local dont la saleté et la puanteur sont repoussantes. Le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté, Monsieur Jean-Marie Delarue, a souligné avec courage cette situation misérable. La nullité de la procédure devrait être prononcée. »
L'intégralité du dit éditorial :
http://www.avocatparis.org/Actualite/Communiques/Communique.aspx?p=20090424144317
La souricière est une zone d'attente des détenus en vue d'être entendu par un juge, elle est composée de 60 cellules pour les hommes et 16 pour les femmes. Le dépôt concerne les individus déférés après une garde à vue.
Ce rapport pourtant n'énonce pas de nouveaux faits (les dépôts de Créteil, Bobigny sont également pointés), comme le rappelle l'UJA :
http://www.uja.asso.fr/Sous-les-marbres-et-les-boiseries-Le-Depot_a46.html
« Les gens s’entassent dans un sous-sol sur deux niveaux, sans aération. Ils se promènent dans une cour minuscule grillagée de tous côtés. Au second niveau, on marche sur la grille, au-dessus de ceux du premier niveau. Les fonctionnaires en sont eux-mêmes très gênés. Il faut fermer cet endroit, c’est urgent. »
Alvaro Gil-Robles, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
Voilà bien un endroit mystérieux, sans images, où une centaine de personnes transite par jour.
De plus, le contrôleur général des lieux de privation de liberté fait connaître son « rapport d'activité 2008 : bref état des lieux, les registres de garde à vue, l'intimité » qui semble présenter, une fois de plus, un tableau déplorable des conditions de détention dans ce beau pays moderne.
Il était dernièrement l'invité du matin de France-Inter :
http://www.dailymotion.com/video/x92tyo_france-inter-jeanmarie-delarue_news
Mais que se passe-t-il, aujourd'hui, face à cette atroce « parodie » ? Le stand-up formidablement décontracté et parodique de la ministre de la justice...
Il semble qu'ici, maintenant, l'individu qui a à faire, d'une façon ou d'une autre, avec la justice, et a fortiori avec des « lieux de privation de liberté », se voit priver de bien plus que de sa simple liberté : il tombe dans la non-vie, invisible, sans intérêt, sans corps propre. S'il est là, c'est qu'il doit bien le mériter. Il disparaît et, peu importe, il reste les marbres et les boiseries.
Et les grands principes.
f