1H30 du matin. Le téléphone se met à vibrer bruyamment sur le carrelage de la table basse, puis la sonnerie se met à retentir. "A l'autre bout", une voix paniquée, ma petite sœur Emilie:
-Vite, emmène moi à l'hôpital, Angelo est en train de mourir !!!
-Hein, quoi ? Qu'est ce que tu racontes ???
-Vite je te dis, il suffoque, il ne respire presque plus, dépêche toi.
Habitué des départs rapides, il ne me faut pas plus d'une minute pour sauter dans ma Corsa et parcourir les 300 mètres qui me séparent du domicile de ma petite sœur. Sur le trottoir, le spectacle m'arrache le ventre. Une maman en pleurs, son enfant suffoquant dans les bras, attend dans le froid de septembre que j'arrive.
Angelo suffoque. Sa respiration est très difficile, très bruyante, gênée. Il ne pleure pas mais je sens qu'il faut que je roule, vite et prudemment, car il ne tiendra pas longtemps. 11 km plus tard, les urgences pédiatriques nous accueillent. Le médecin comprend tout de suite la gravité de la situation. Sans dire un mot s'occupe de l'enfant. Professionnellement. Méthodiquement. Efficacement.
Prise de tension, de poids, massages, examens en tous genres. C'en est trop pour la maman qui craque. C'en est trop pour l'enfant qui est resté courageux malgré tout. L'infirmière m'appelle à la rescousse pour la pose de la perfusion. Angelo n'aime pas les piqûres, comme tous les enfants. Il hurle, se débat. Il me regarde et je lis dans ses yeux qu'il vit comme une trahison ma participation au maintien de son bras pendant que l'infirmière enfonce l'aiguille. J'ai mal ! Mal… Je souffre pour la maman qui a peur de perdre son enfant et qui s'en veut de ne pas avoir la force de le soutenir. Mal pour l'enfant qui en plus de sa trisomie 21 déjà pas facile, doit supporter tout ce foutoir autour de lui, "pour son bien". Finalement nous souffrons tous.
4H00 : Sous l'effet des corticoïdes, Angelo va mieux. Il respire à peu prêt normalement. L'inhalateur à fait son effet. Il est un peu dans les vapes, comme sa maman, mais il est sorti d'affaire. Allongé sur le lit de la petite chambre des urgences, son regard d'un bleu intense scrute les gens, les mouvements, les objets qui l'entoure. Un câlin avec maman avant de monter à l'étage, ou il restera en observation.
5H00 : je suis de retour à la maison. La pression relâchée, je craque à mon tour. J'ai eu peur. Très peur, pour cet enfant que j'aime comme si il était le mien. J'ai souffert pour Angelo, peut être plus que son propre père. Et ce soir, je n'ai qu'un mot pour celui qui un jour m'a dit "tu ne peux pas comprendre, tu n'as pas d'enfant".
Non, j'ai pas d'enfant, mais j'ai un cœur, alors, ta gueule, connard.