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Les états généraux régionaux de la bioéthique à Brest

Publié le 30 avril 2009 par Mcabon

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Brest accueillait ce mercredi (29/04/2009) une session décentralisée des états généraux de la bioéthique. Ces débats publics sont nécessaires pour deux raisons : la concertation et l’information. La concertation pour la recherche d’un consensus le plus large possible sans sacrifier à l’impératif de l’action et prendre en compte les préoccupations de la société face aux questions éthiques de notre temps; l’information parce que, sur des sujets transversaux par essence, l’éthique suppose une agrégation fine d’éléments parfois disparates reposant sur des dimensions éthiques, juridiques, historiques, sociologiques, culturelles, économiques, religieux et évidemment médicaux. (Les vidéos présentées ne proviennent pas du débat de ce jour à Brest)

Cela suppose chez celui qui prend position un degré de connaissances minimum sur l‘ensemble de ces faisceaux.

C’est là un enjeu considérable que de permettre à tout à chacun de pouvoir appuyer sa réflexion éthique sur des éléments tangibles, argumentables soumis au débat public tant que faire se peut.

Impératif démocratique

En ce sens, les états régionaux menés à l’occasion du réexamen des lois de bioéthique en France courant 2010 apparaissent comme des éléments précieux de cette concertation et de cette transmission d’information, menées au niveau national dont on peut dire, sans se tromper, qu’elle constitue un cas unique au niveau international.

Parce que la France est une démocratie et par là habituée au débat. Parce que la discussion, l’échange constitue des passions françaises à nulle autre pareille.

De fait, ici les législateurs, les éthiciens, le terme est impropre mais il résume bien la place de ceux qui orientent l’éthique en France, trouvent dans ces débats « des espaces de proximité afin de susciter des questionnements dans un esprit transdisciplinaire », comme le dit Alain Grimfeld, le président du Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), qui a succédé l’an dernier à Didier Sicard.

« Que sommes nous prêts à lâcher de qui fait l’Homme ? », questionne Jean-Marie Boles, l’un des animateurs de l’espace éthique de Bretagne occidentale, reprenant les propos d’une sénatrice.

Pour Alain Grimfeld, l’éthique ne doit pas traiter uniquement de l’être humain mais plus largement des espèces vivantes même si elle s’intéresse plus particulièrement à la reproduction chez l’homme : diagnostic anténataux, dons d’organe, gestation pour autrui, procréation médicalement assistée (PMA). « De plus, dit Grimfeld, il nous faut prendre en compte les neurosciences, et donc les nanotechnologies. Et plus largement, il nous faut replacer l’espèce humaine dans la biodiversité ».

Interventions.

Sadek Beloucif, professeur de médecine, chargé du pilotage des états généraux de la bioéthique, ancien membre du CCNE.

« 1, Pourquoi une loi ?. 2, Quelle est l’application de la loi ? 3, En pratique, quel est le rôle des états généraux ? ». 1, Pour Beloucif, les lois de bioéthique reposent sur des éléments solides, structurants et pérennes. C’est un débat en formation alors que l’éducation et l’information sont insuffisants sur des sujets empreints d’émotions. Il nous faut faire attention à ce que ces lois ne soient pas simplement soumises à l’expression des campagnes de mobilisation d’associations et de lobbies. 2, La devise républicaine répond bien à la problématique qui est la nôtre. Liberté, parce que l’on parle de responsabilité à prendre en charge l’incertitude scientifique? Egalité pour cette équité ou justice distributive, dans l’accès aux greffons par exemple. Fraternité, comment assurer la loi quand on a des visions et des représentations sociales diverses. 3, Le rôle des états généraux et des instances éthiques permet de ne pas tomber dans la dictature sondagière. Enfin, cela nous incite à s’accorder sur nos désaccords car il existe une double tension entre le possible et le souhaitable, et le pourquoi et le comment (principes/pratiques). »

Pascal Bourquard, Grand Orient en France. Dans une très longue intervention, Bourquard rappelle que le Grand Orient de France défend la laïcité depuis longtemps. Il égrène ensuite les questions éthiques en donnant l’avis des francs-maçons sur ces questions. Pour lui la sécularisation, la désacralisation et l’avènement de l’individu ont permis une automatisation, « un impératif démocratique », selon lui. Il propose ainsi que les banques de tissus et de cordons ombilicaux soient réalisés sous l’égide de l’établissement français du sang (EFS), dimensionnés pour cette tâche.

(A la fin de son intervention, l’évêque de Rennes applaudit l’orateur dans une scène inédite)

Ali Benmaklouf, philosophe à Nice et membre du CCNE. Il revient sur le concept de dignité humaine

et de l’indisponibilité du corps humain, « on sait que ce l’on rejette mais moins souvent ce que l’on accepte ». Après l’explication du concept de l’inviolabiltié du coprs humain, il évoque le cas du Japon face aux dons d’organe. Après avoir greffé un coeur, pour la deuxième opération de ce type au monde en 1968, le Japon est revenu sur ce progrès technologique pour l’interdire jusqu’en 1999. Les raisons tiennent en un contexte obscur lié à la greffe elle-même sur les conditions du don et de la transplantation, mais également dans un contexte culturel shintoïste qui ne considère pas nécessairement la mort cérébrale comme une mort réelle. Au Japon, le consentement du donneur est expressément demandé et l’avis de la famille exigé.

un peu confuse où le philosophe laisse l’impression de réciter des connaissances récemment acquises. Termine néanmoins par une jolie phrase : « Tout le monde est concerné par l’éthique, car le ciel étoilé brille pour tout le monde ». On aurait l’aimé l’entendre sur la question du sens de l’existence ou encore sur la considération kantienne de l’être humain comme une fin et pas comme un moyen.

Alain d’Ornellas, évêque de Rennes, en charge par l’église catholique des questions de bioéthique pour ces états généraux. « Un jour un adulte handicapé vient me voir. « Je suis une erreur », dit-il. Que dire à cela ? La foi en Dieu est un appel à l’intelligence. Elle appelle à la raison. Le croyant est invité à croire en la science. Se pose alors une question qui m’habite : « comment la raison scientifique est-elle une raison qui aime ? ». La raison scientifique peut parfois être portée par une exaltation propre à elle-même.

Puis ensuite Alain d’Ornellas introduit les notions d’humanité et de vulnérabilité. L’être humain est, selon lui, en quête d’infini, de dépassement. Il récuse l’idée qu’il y ait une liste des gravités dont peuvent être atteints les êtres humains : « le corps médical et les patients (parents) sont invités à se positionner en conscience face à cette gravité ». La vulnérabilité n’est pas une indignité, reprend l’évêque, sur un ton messianique. « Nul n’est source de soi », conclut-il sur la question de la filiation et donc par là de l’avortement sur lequel sa position est conforme à celle du Vatican. (Le franc-maçon n’applaudit pas la fin de son intervention)

Alain Grimfeld, pédiatre, président du CCNE. Il revient sur les questions du DPI et du DPN (Diagnostic pré-implantatoire et diagnostic prénatal). Pour lui la finalité des deux tests génétiques ne sont pas les mêmes. « Le DPN recherche la détection in utero de malformations ou de génophathies qui débouchent souvent à une IMG. Le DPI, après une FIV, donc ex utero, recherche une génophathie dans une famille à risques ». Rappelons que le DPI est très encadré et très peu fréquent. En France, selon l’agence de biomédecine, les trois centres agréés pour le DPI ont procédé à un peu plus de 300 DPI en 2006. Le chiffre est donc très faible mais il est porteur de risques, parfois de fantasmes aussi.

« La finalité de ces tests est préventive mais le risque est que la dérive devienne eugéniste, même si ces tests ne sont pas institutionnalisés et ne présagent d’une volonté affirmée de sélection de l’espèce humaine ». Grimfeld rappelle que le courant transhumaniste appelle à ce que, vu le niveau technologique auquel l’homme est parvenu, il pourrait quitter la branche ontologique et fabriquer une nouvelle espèce. « Nous devons être vigilant face à cette tentation », dit-il en substance. Avant de rappeler son opposition aux bébés-médicaments (dont il dit son dégoût pour l’expression tout en l’utilisant tout de même », renouveler son souhait de voir l’intérêt de l’enfant à naître pris en considération.


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