Polémique autour de la flotte présidentielle américaine.
C’est une affaire que l’on peut qualifier d’amusante ŕ condition de ne pas payer ses impôts aux Etats-Unis : contrairement ŕ ce qu’on pouvait comprendre il y a quelques jours, le programme VH-71 est loin d’ętre annulé. Il s’agit, rappelons-le, d’une commande d’une petite trentaine d’hélicoptčres destinés ŕ succéder aux vénérables Sikorsky que les Marines mettent ŕ la disposition de la Maison Blanche.
Lesdits hélicos, des Agusta Westland AW101 dűment américanisés et aménagés par Lockheed Martin, suréquipés en contre-mesures électroniques et autres parades anti-missiles, présentent la particularité de coűter prčs de 500 millions de dollars pičce. Ils ne sont pas construits en or massif mais constituent la caricature de tout le systčme militaro-industriel.
Au fil des mois, les exigences du Pentagone ont été multipliées et compliquées ŕ l’infini, des modifications importantes ont été demandées aux industriels alors que la configuration de l’appareil était déjŕ terminée et, imperceptiblement, le coűt de l’opération a doublé pour atteindre la coquette somme de 13 milliards de dollars. Soit prčs d’un demi-milliard pičce, ŕ peu prčs le prix de deux A380.
Bien sűr, dčs qu’il est question du budget américain de la Défense, il convient de relativiser la moindre information en oubliant nos pauvres petits repčres européens. Le Pentagone dépense 2 milliards de dollars par jour et, vus sous cet angle, les VH-71, aussi coűteux soient-ils, correspondent ŕ moins d’une semaine de ce train de vie hors du commun.
L’administration Bush n’y avait rien trouvé ŕ redire mais le nouveau locataire de la Maison Blanche, ŕ peine en place, a estimé qu’il était urgent de tout annuler. Un geste sympathique, sachant que les pénalités dues ŕ Lockheed Martin et son partenaire italo-britannique atteindraient, dit-on, la modique somme de 200 millions de dollars, pas davantage. Le rapport coűt/efficacité serait excellent.
On découvre aujourd’hui que la réalité est autrement plus compliquée. Tout d’abord parce que plus de 3 milliards ont déjŕ été dépensés et seraient ŕ passer par profits et pertes. Ensuite parce que, en cas d’annulation pure et simple, le retour ŕ la case départ laisserait le problčme sans solution. Il n’est pas raisonnable que l’homme politique le plus puissant de la plančte et ses plus proches collaborateurs, voire son épouse et ses deux filles, se déplacent ŕ bord d’appareils ŕ bout de souffle sortis d’usine il y a 30 ans.
Le jour-męme oů la polémique prend corps, nous découvrons que neuf VH-71, prototypes ou exemplaires de pré-série, ont déjŕ été construits. Nous le constatons ŕ l’occasion d’un petit exploit (involontaire) des grands communicants d’Agusta et Westland. Dans un communiqué bien tourné, œuvre d’une plume de grand professionnel, ce morceau de bravoure nous dit que ce neuvičme VH-71 (notre photo) va bientôt ętre embarqué ŕ bord d’un C-17 pour rallier une usine de Lockheed Martin, prélude ŕ sa livraison. Et de faire le panégyrique de ce monstre de technologie et d’efficacité qui, expliquent les imperturbables attachés de presse, correspond dans le moindre détail aux spécifications techniques et opérationnelles trčs strictes imposées par les autorités américaines. Et d’ajouter que le VH-71 sera pręt ŕ entrer en service dčs la fin 2010. Pour eux, il n’y a aucun problčme.
C’est ce qui s’appelle tout simplement pęcher par omission. Il suffirait d’ętre journaliste novice ou plumitif distrait pour ętre pris au pičge. Les extravagances du complexe militaro-industriels ne connaissent décidément pas de limites et, ŕ condition d’avoir le sens de l’humour, mieux vaut prendre le parti d’en rire.
Le Président Obama, qui n’est sans doute pas un grand spécialiste des voilures tournantes, aurait déclaré que les vieux Sikorsky lui conviennent parfaitement bien. L’un des industriels concernés, pour sa part, a déjŕ sorti de sa poche une proposition de compromis dans l’espoir de sauver les meubles: produire moitié moins d’appareils pour réduire la dépense de 50% environ. Si l’auteur de cette savante idée était français, on le soupçonnerait d’avoir fait tout ŕ la fois Polytechnique, l’ENA, les Arts et Métiers et une bonne école de commerce.
Ce n’est pas le cas mais il y a lŕ matičre ŕ perplexité. Côté médias, la leçon saute aux yeux : il ne faut jamais prendre pour argent comptant ce que disent les communiqués de presse. Et leurs auteurs…
Pierre Sparaco - AeroMorning