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La publicité par ciblage comportemental sera participative ou ne sera pas, par Mouna El Mokhtari

Publié le 30 avril 2009 par Jérémy Dumont

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Champion de la publicité en ligne, Google a annoncé le 11 mars dernier l'évolution de sa plateforme Adsense permettant un ciblage publicitaire par centres d'intérêt sur son réseau de sites partenaires et sur le site de partage vidéo YouTube. 
Concrètement, Google va tenir un relevé des pages visitées par les internautes sur ces sites. Leurs centres d'intérêt seront déterminés en fonction de leur navigation. Le but ? Permettre aux marques de gérer leur présence sur Google et sur les sites tiers selon les habitudes des utilisateurs. Par exemple,  si vous consultez souvent des sites sur le championnat de football de votre pays, Google saura que vous serez, a priori,  sensible à des publicités sur des équipements sportifs liés à ce sport. De même, si, par exemple, vous allez sur un site marchand et que vous sélectionnez pour votre panier un téléviseur HD et que finalement, vous ne l'achetez pas, Google permettra aux publicitaires de placer sur votre chemin des publicités ayant attrait à cet objet. Tout cela grâce aux cookies, ces petits fichiers textes stockés par le navigateur web sur votre disque dur.
Rien de neuf jusqu'ici : d'autres acteurs du monde de la publicité tels qu'AOL, Yahoo, Facebook, Weborama, Phorm ou Blue lithium appliquent déjà ces méthodes. Mais Google est aujourd'hui le premier moteur de recherche sur Internet : selon le cabinet américain de statistiques ComScore, le moteur de recherche a attiré 62, 8 % des requêtes mondiales en 2008 - contre  11,9% pour son premier concurrent, Yahoo!. Aux Etats-Unis, le taux de pénétration du moteur de recherche a dépassé les 72% au mois de février 2009. L'audience de Google est énorme et le nombre d'usagers qui seront potentiellement affectés par cette initiative est colossal.

Une personnalisation des services toujours plus accrue

Et l'appétit du géant ne cesse de croître : son omniprésence et sa capacité d'innovation à tous les niveaux a été frappante ces derniers mois. Entre ses services de cartographie (Google Earth, Google Map et Google Street View, Google Latitude) et son navigateur (Chrome fournit des résultats à l'utilisateur avant même qu'il est validé sa requête qui est, bien sûr, enregistrée) et son serveur vocal interactif (Google Voice), la bête de Moutain View peut facilement en savoir beaucoup sur nous.
C'est que l'on peut lui être utile. Si Google a déboursé 3,1 milliards de dollars en avril 2007 pour racheter la régie publicitaire DoubleClick, c'est qu'il avait déjà compris l'intérêt de la publicité par ciblage comportemental - de même qu'il avait très bien compris l'intérêt des données personnelles lorsqu'il s'est battu pour pouvoir les conserver neuf mois. La firme californienne a affiché un bénéfice net de 1,35 milliard de dollars au troisième trimestre 2008, dont 30 % proviennent de la publicité. "Google se donne pour mission d'organiser l'information du monde entier et de faire en sorte qu'elle soit universellement accessible et utile", souligne Ryan Singel dans le magazine américain Wired. "Google affirme souvent que les publicités sont de l'information. Ce que la firme ne dit pas, mais pense très sincèrement, c'est que vous êtes de l'information a indexer, à rendre accessible et utile. Inévitablement, Google va inventer des méthodes pour combiner toutes les données qu'il obtient de vous dans le but de vous vendre plus cher aux publicitaires. C'est ainsi que vous êtes utile. Google n'a rien contre vous, vraiment. Rien de personnel, du moins. Google veut juste vous connaître suffisamment pour vous vendre. Et pense sincèrement que vous aimerez les publicités plus personnalisées".
Sauf qu'en occupant une place si dominante, Google remet au goût du jour les inquiétudes des utilisateurs du "village planétaire" sur la protection de leur vie privée. Tim Berners-Lee, l'inventeur du web et président du World Wide Web Consortium (W3C), s'est publiquement inquiété du développement de ce type de ciblage, en le comparant à l'installation de caméra de surveillance chez soi. L'information ainsi récoltée peut tomber entre de "mauvaises mains", argumente-t-il : celles de services secrets, de pirates ou de harceleurs en tout genre.
Les internautes veillent
Mais Google a toujours un temps d'avance. La récente mésaventure subie par Facebook lorsque ses dirigeants ont tenté de modifier les conditions d'utilisation du site a servi de leçon. L'air de rien, le réseau social tentait, le 4 février dernier, de s'arroger un droit perpétuel et irrévocable d'utiliser à souhait l'ensemble des contenus déposés sur son site, sans que les internautes aient la possibilité de les effacer avant de se désinscrire. Une tempête de protestations et d'annulations de compte s'est levée et, déchaînée, est parvenu à faire battre en retrait la firme californienne.  Machine arrière toute, excuses répétées de la direction et ouverture du débat avec les membres : Facebook propose désormais à ses utilisateurs de l'aider à définir ses nouvelles conditions d'utilisation. En quelques jours, le réseau social passait donc du monstre mercantile et autoritaire susceptible de porter atteinte à la vie privée de ses membres à la plus grande démocratie du monde (175 millions de membres).
"Don't be evil" ("ne soyez pas mauvais"), dit la devise historique de Google : pour inspirer confiance et entretenir l'image de la marque, il faut éviter de causer du tort à ses utilisateurs. Il y a longtemps que Google l'a compris. Mais Eric Schmidt, le PDG de la firme, a très récemment cette formule par une "échelle du mal" : les petits "maux" sont désormais autorisés tant qu'ils visent de plus grands biens, entendez, les milliards de bénéfices. Mieux vaut un Google imparfait que pas de Google du tout,
n'est-ce pas ?
Immédiatement comparé à un nouveau "Big Brother", le géant a anticipé toutes ces critiques en lançant le "Ads Preferences Manager" , un gestionnaire de préférences publicitaires qui permettra de visualiser, d'ajouter et de supprimer des centres d'intérêts attribués par Google ou même de refuser toute annonce basée sur ce système. Rendez-vous dans la section "Préférences" de la page d'accueil du moteur de recherche où il est possible de supprimer le cookie de DoubleClick et d'en installer un autre qui empêche Google de pister l'usager sur le navigateur utilisé. Google offre même un plug-in pour les navigateurs Internet Explorer (IE) et Firefox (mais pas pour Chrome) qui permet de remplacer immédiatement ce dernier cookie s'il venait à être effacé. Les responsables de Google ont en outre affirmé que le ciblage excluait les emails ou les visites de sites considérés comme "sensibles" (religion, santé, pornographie, politique, etc.). De quoi rassurer ses utilisateurs.
La publicité par ciblage comportemental semble donc avoir de beaux jours devant elle : mais avec Facebook comme pour Google, elle devra être participative pour exister.  Et ceux-ci n'auront qu'à bien se tenir : les internautes les surveillent...

Auteur : Mouna El Mokhtari
Source : laweberaie
Publié par : Nicolas Marronnier
Publié sur : le vide poches / connexion


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