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Hadopté

Publié le 30 avril 2009 par Uscan
La loi HADOPI va punir quelques individus parmi les millions de gens qui téléchargent. Commandée à la majorité par les lobbies de la culture, elle sera prochainement adoptée. Que cache l'explosion du téléchargement ? Dans quelle mutation nous entraîne une nouvelle fois la technique ? La cassette audio qui permet la copie va-t-elle tuer la création artistique en remplaçant le vinyle ? Quelle nouvelle organisation pouvons-nous imaginer ? La loi HADOPI sera ADOPTEE lors du prochain vote, c'est certain. Voici quelques arguments simples contre une loi rétrograde.
1/ Il y a en France des millions de personnes qui téléchargent : cela a-t-il un sens de criminaliser tant de monde ? On ne pourra jamais agir à cette échelle, on ne fera que des exemples
2/ Les individus qui piratent le plus sont aussi ceux qui consomment le plus de produits légaux
3/ Ces deux dernières années les entrées au cinéma et en concert sont en forte augmentation, les films (ou disques) les plus téléchargés sont ceux qui font le plus d'entrées
4/ Il est prouvé que la diminution du téléchargement ne fait pas augmenter les ventes de produits manufacturés, le phénomène est plus complexe...
5/ Ceux qui n'ont pas les moyens d'acheter des œuvres peuvent les consommer par le téléchargement illégal, meilleur accès à la culture pour tous, sans manque à gagner pour l'industrie
6/ La loi HADOPI ne prévoit RIEN pour améliorer la rémunération des artistes
7/ 20% des ordinateurs sont infectés par des "malwares" qui de façon invisible permettent à des pirates d'utiliser à distance leur adresse IP (signature d'un ordinateur). Nombre d'utilisateurs seront punis à tord, ils ne pourront pas prouver leur innocence, ni riposter tant ces questions sont techniquement complexes, à moins d'être un spécialiste. La loi risque de renforcer ce type de comportement de la part des pirates (les vrais, cette fois-ci, ceux qui savent utiliser votre ordinateur à votre insu)
8/ L'Etat se permettra, lui, par cette loi, de surveiller votre trafic internet et donc votre vie privée
9/ Les parlementaires ne connaissent rien à ces questions
Le téléchargement permet de répliquer des œuvres gratuitement. Elle relie directement l'artiste avec son public. Ce sont les distributeurs qui perdent leur place dans un tel schémas. Concrètement un artiste peut sans coût diffuser son œuvre auprès de millions de personnes en la laissant se répliquer toute seule, sans que cela n'engendre aucun coût. Cela était inimaginable il y a 20 ans. Tel était le rôle du distributeur. Les lobbies de la culture, comme tous les lobbies, sont puissants. Ils est fort probable qu'ils aient depuis longtemps réalisé la même analyse. Il est logique qu'ils se battent pour leur survie en tentant par tous les moyens d'étouffer cette nouvelle dynamique. La majorité leur sert de relai, ce qui n'est pas une nouveauté, dans notre démocratie comme dans toutes les démocraties.
Mais la mutation enclenchée est trop profonde, je pense qu'aucune loi ne parviendra à l'arrêter. Quelques individus seront frappés, ils pourront toujours s'arranger pour se relier à la connexion internet de leur voisin en en partageant le coût, ça créera du lien social ! Rien de grave.
En fait en agissant ainsi les distributeurs sont en train de louper une porte en s'accrochant à de vieux schémas. Ce que propose la mutation technologique ce n'est pas tant de punir par la loi des millions de citoyens, mais plutôt d'accepter une réorganisation en profondeur de la chaîne de production des œuvres audiovisuelles. Il s'agit d'une mutation spontanée du marché sous l'impulsion de la technique. Cette fois-ci le "libre marché" et la "main invisible" ne provoquent pas l'enthousiasme des libéraux. Ne soyons pas idiots, pour les citoyens comme pour les industriels, chacun clame à la vertu du libre marché lorsque ce dernier défend ses intérêts.
Concrètement les distributeurs pourraient se réorganiser sur trois fronts
1/ La promotion du téléchargement gratuit en investissant dans des serveurs, ce qui leur permettrait de contrôler une partie du trafic, le trafic étant une source de revenus par la publicité et les partenariats. On peut aller très loin dans cette dynamique, cf Google.
2/ La promotion de leurs artistes : il est clair qu'un artiste connu, qui passe à la TV et s'affiche dans les rues sera nettement plus téléchargé qu'un inconnu. Sur ce créneau la société, artistes comme consommateurs, ont besoin de structures. C'est un service coûteux qui ne rapporte rien. Comment faire? Les chaînes de TV ont besoin de ce genre de matière première, à partir de laquelle elles engendrent leurs revenus publicitaires. Ces maisons de promotion pourraient ainsi vendre aux télés leurs produits (artistes).
3/ Elles pourront aussi compter sur une autre source de revenu, et pas des moindres, la vente de produits manufacturés. Malgré la facilité du téléchargement beaucoup de personnes apprécient de posséder un objet, ou bien aiment acheter, tout simplement. Voilà une source de revenu traditionnel qui n'est pas amenée à disparaître complètement mais à se mêler à d'autres. Même chose pour la salle de concert ou de cinéma. Rien ne remplace l'expérience collective.
Pour finir je proposerais une dernière mesure, la licence globale. Partant du constat que les artistes peuvent toucher leur public de façon directe, sans support des distributeurs, il faut leur permettre de pouvoir vivre dans de telles conditions. Une mesure identique à l'idée que fut la licence globale, qui consiste à prélever une taxe sur les supports amovibles et les connexions internet semble adaptée. Ces sommes seraient reversées directement aux artistes proportionnellement au nombre d'échanges généré sur le réseau (en excluant le porno qui sinon récupérerait presque tout !). Reste à établir un barème. Ces sommes devraient permettre à de nombreux artistes de vivre (on estime que la licence globale pourrait rapporter 1 milliard par an).
A partie de là plusieurs schémas sont possibles. Premier cas, le revenu de la licence globale est proportionnel au volume des copies sans plafond, et un artiste peut gagner beaucoup d'argent en cas de gros succès. Cela ouvre la porte à un système qui ressemble au système actuel, où des producteurs prennent le pari, financent la promotion, font signer un contrat à l'artiste et récupèrent plus de 90% de ce pactole (auquel s'ajoute toujours les trois autres sources de revenu). Second cas, ce revenu est considéré comme un soutien direct à la culture, et il est plafonné de façon à permettre à un artiste de vivre et financer son autoproduction. Dans ce cas le système de promotion devient indépendant de la licence globale. C'est à dire qu'une société peut décider d'investir dans un artiste parce qu'elle pense y gagner à l'arrivée (trafic internet + produits manufacturés + live). L'artiste, lui, ne reçoit pas un centime de cette société, mais il calcule que cette promotion lui permettra d'augmenter son revenu via la licence ou d'en atteindre le plafond. L'argent des disques, des concerts, des entrées en salle va au distributeur et au producteur, les revenu des téléchargements vont aux artistes. Ce système est aussi le moyen de l'indépendance artistique des artistes, cette dernière était le garant le plus sûr de l'innovation, de la diversité et de la prise de risque.
Dans tous les cas les industries de la culture vont perdre du poids et de la puissance au profit des artistes, puisque leur rôle n'est plus incontournable. Au regard de l'intérêt général, c'est tant mieux. L'industrie a montré une fâcheuse tendance à normer, à rationaliser, à craindre le risque, à reproduire infiniment les même recettes. L'audace appartient généralement aux artistes, et ils existent en grand nombre même s'ils demeurent inconnus.
Un tel système est évidemment à perfectionner et à creuser, il comporte des faiblesses et des erreurs. C'est une piste de recherche. C'est une participation au débat, à la réflexion collective. Je ne le présente pas comme un projet accompli, mais je pense que l'on se dirige irrémédiablement vers un schémas de ce type. Les industries qui se crispent sur les anciens schémas finiront par disparaître, malgré tous les efforts qu'elles déploient aujourd'hui. Ce qui est intéressant, c'est de mesurer la longueur de leur bras à cette occasion : médias, politiques, artistes connus, l'unanimité semble entourer la loi HADOPI, malgré le rejet d'une majorité de français. Autant dire qu'il y a aussi des opportunités commerciales qui s'ouvrent pour ceux qui sentiront les choses avec justesse.

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