Dans l'Express de cette semaine, un dossier sur Venise avec un excellent petit texte de Philippe Delerm qui nous révèle « sa » Venise, intimiste comme on s'en doute. Les souvenirs de mon propre séjour de quelques jours dans la cité des Doges affluent et me donnent envie d'y retourner. En attendant je ressorts mes carnets de voyages et je vous transcris mes notes de l'époque, c'est-à-dire fin avril 1997.
Le trajet jusqu'à la gare de Lyon nous a permis de goûter aux joies des transports en commun, à savoir bus et RER. Cette première partie du voyage valait bien une récompense, ce fût un chocolat chaud au Train Bleu. A 19h30 nous prenons possession de notre cabine, Hé ! Oui, ces messieurs-dames voyagent en wagon-lit. Une petite maison de poupée. Une banquette avec un lit suspendu au-dessus, un mini lavabo avec un couvercle, une armoire de toilette avec serviettes et savonnettes. Un sac poubelle et un pot de chambre ! Pour monter dans le lit, un escabeau escamotable. Le responsable du wagon est passé prendre nos cartes d'identité et notre commande pour le petit-déjeuner du lendemain matin. Il repassera plus tard avec une pochette de revues.
La nuit a été cahotante avec de nombreux arrêts. A 7h le petit déjeuner, copieux, est vite englouti. Ma douce, qui n'en loupe pas une, fait son pipi matinal dans le pot. "Pour voir comment ça fait" dit l'ingénue ! Et d'en mettre partout, car elle n'avait pas anticipé le tangage du wagon.....
Débarbouillage dans le lavabo, un vrai travail d'artiste ! Arrêt en gare de Padoue, où je me recueille un instant en mémoire de mon saint tutélaire.
Enfin, arrivée à Venise et dès la sortie de la gare, au pied des marches du grand escalier, le Grand Canal et l'embarcadère. Avanti ! Direction la place Saint-Marc. L'hôtel Panada se trouve dans une ruelle, derrière la place. La chambre ne sera libre que vers midi et il est dix heures.
Nous posons nos sacs dans le hall et sortons déambuler au hasard de nos pas. Le vent est glacial et nous recherchons le soleil en vain. Nos K-way nous sauveront la vie.
D'emblée je succombe aux spécialités gastronomiques du pays. Je goûte le pano di pescadores, mi-gâteau, mi-pain, chocolaté avec des noisettes entières. Sympa !
Pour déjeuner, spaghettis et calamars frits.
L'après-midi, le pont du Rialto, sous les bourrasques de vent froid. Quand nous rentrons à l'hôtel, ma femme a les doigts tout noirs !
Le soir, dîner tout près du Panada car il fait vraiment trop froid. Je prends une pizza et à ma grande surprise on me sert un gros croque-monsieur local ! Pourquoi pas....?
Retour au bercail et dodo bien au chaud.
A l'hôtel, plus que partout ailleurs, j'ai un vice que je satisfais plusieurs fois par jour, sans compter et avec délectation. Je parle ici, de la douche. Il n'est de bonne chambre d'hôtel sans une belle douche. Se tortiller à son aise sous le jet puissant, sans craindre d'éclabousser, se sécher ensuite dans une serviette propre, ça c'est la belle vie. Je tiens à féliciter, si, si ! Les personnels hôteliers à travers le monde qui ont obligeamment changer mes serviettes et récurer ma salle de bain tous les jours, lors de mes séjours en leurs murs.
Après la douche matinale, le petit-déjeuner. Panier de viennoiseries, oeufs à la coque, crèmes de gruyère, jus de fruits et café.
Nous apprenons fortuitement que l'hôtel assure gratuitement, une navette entre Venise et l'île de Murano. Illico presto, nous en profitons et un canot à moteur nous emporte, tous les deux, à travers les embruns, à Murano. Longue visite de la soufflerie de verre, où escortés d'un vieux beau volubile, nous passons des ateliers de fabrication aux salons de présentation et de vente. Ma belle craquerait bien sur un joli vase pas trop encombrant, hélas ! Le prix prohibitif (20 000 francs, nous sommes en 1997) met un terme à une discussion où il était question du futur emplacement de cette jolie verrerie dans son appartement.
Promenade dans l'île, au calme, loin de la foule. Le ciel est gris mais sans ce vent glacial d'hier. Au retour, un bateau nous dépose à l'Arsenal. De là, à pied, nous revenons lentement vers le centre, par un dédale de ruelles étroites et parfois en cul-de-sac.
Le midi, repas typiquement vénitien. Spaghetti à l'encre de poisson. Ils sont noirs comme de la réglisse ! Puis un plat de sardines nappées d'oignons et de raisins secs marinés au vinaigre, avec polenta et salade verte. Un plat froid excellent. Tiramisu en dessert.
Retour par la place Saint-marc, où ma moitié s'extasie devant les chevaux qui ornent le fronton de la basilique. Moi, je suis étonné par la grande horloge qui affiche l'heure en chiffres arabes et romains ! Photos et petite sieste à l'hôtel.
L'après-midi, vaporetto sur le Grand Canal. De San Marco, comme on dit ici, jusqu'au terminus Roma, soit la ligne n°1 dans son intégralité. Les stations sont des barges couvertes, amarrées au bord du quai. Un peu comme un abri bus Decaux flottant !
Retour jusqu'au Rialto. Les palais bordant le Canal ont été beaux, il y a longtemps... Décrépis, ils conservent le charme de ces vieux dandys, cramponnés à leur canne, qui déambulent lentement, dans les squares ensoleillés.
Le Cad d'Oro reste superbe avec ses différents étages de pierre ciselée comme de la dentelle rose.
Du Rialto, nous traînons par des ruelles désertes jusqu'à San Marco. En cours de route, des tasses à moka dans une vitrine, nous font de l'oeil, mais là aussi (600 francs pièce) nous refusons de les adopter. Pourtant nous repasserons plusieurs fois autour du magasin, reniflant, hésitant, comme deux chiens autour d'une belle en chaleur...
Nous dînons d'une assiette de poissons et aubergines grillés. C'est exquis mais pas très copieux et même ma femme a encore faim et se prend une assiette de frites ! Moi, j'opte pour un dessert, un Tartuffo. Bien sûr, en plus, c'est un peu cher.
Le soleil est de retour et les troupes retrouvent un moral d'acier. Ma douce semble prendre goût au bateau, aussi nous voilà partis pour l'île de Burano. Le navire met une heure pour rallier cette ravissante petite île, aux maisons peintes de couleurs vives, bleu, rouge, jaune...
Des canaux traversent le village de part en part. Elle achète la spécialité insulaire, de la dentelle qu'elle destine aux étagères de son vaisselier.
Le soleil brille et il fait vraiment doux, nous déjeunons en terrasse, sur la grande place. Promenade digestive dans les petites rues, à l'ombre du linge qui sèche pendu entre les maisons.
Plus tard, un autre bateau nous conduit à Torcello. Rien de spécial dans cette île, sinon le calme et la campagne au soleil. Promenade amoureuse.
De retour à Venise, une glace dégustée en route, nous rapproche de notre hôtel.
Dans la soirée, remontée et descente de nuit du Grand Canal. Petite déception, peu d'éclairages en fait. Quelques lampadaires blafards le long des berges, quelques fenêtres éclairées laissant deviner des lustres anciens et des bibliothèques d'incunables. Seules certaines terrasses de restaurants, jettent des feux criards sur le canal.
Le beau temps s'est définitivement installé sur la Cité des Doges et Venise resplendit sous le soleil, agréable sans être trop chaud.
Ma femme devenue un vrai moussaillon, propose une sortie maritime vers le cimetière qui occupe une île à lui tout seul. Les tombes sont petites, très entretenues et fleuries. Toutes affichent la photo couleur du défunt, parfois prise dans l'exercice de son métier, et un lumignon attend qu'on allume sa bougie.
De retour sur Venise, nous achetons du café pour expresso et un collier.
Après une longue sieste, nous sortons au soleil, place San Marco. Au café Florian, vénérable institution, nous sacrifions au chocolat chaud pour moi, et glace pour elle. Le chocolat est onctueux et délicieux. Les banquettes de velours cramoisi, les plafonds aux moulures de bois, le service stylé et l'orchestre de chambre en terrasse, la classe !
Pour le dîner, osso-buco et spaghetti, gâteau au chocolat.
Entre-temps, nous avons visité la basilique Saint-Marc et ses ors. Je crois savoir que ma belle, très romantique, y a consacré un cierge.
C'est notre dernier jour, déjà. Nous occupons la chambre jusqu'à l'heure limite, onze heures, puis nous laissons nos sacs au portier de l'hôtel et sortons faire du lèche-vitrines.
Vers 13 heures, une auberge sympathique recommandée par le Guide du Routard, nous accueille pour une assiette de charcuterie et un plat de spaghetti. C'est bon, copieux et pas cher. Petite sieste digestive sur une place adjacente, au soleil, adossés à la fontaine désaffectée.
En partant, ma femme repère un paquet oublié par des touristes. Il s'agit d'un poster non figuratif, qui longtemps orna son bureau pour lui rappeller le bonheur d'un jour ancien.
En milieu d'après-midi, retour au café Florian, en terrasse cette fois. Nous profitons du soleil comme deux lézards et de l'orchestre. C'est divin ! Mais pour la musique comptez 15 francs !
Il est 18 heures quand nous repassons à l'hôtel prendre nos sacs.
Un dernier tour en vaporetto, direction la gare. Nous prenons possession de notre cabine, elle est mieux aménagée que celle de l'aller. Les deux lits sont au-dessus de la banquette et plus confortables.
A 20h06 le train quitte Santa Lucia et nous en sommes bien tristes.