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Grippe A : épilogue d’une affaire de grippe sémantique

Publié le 02 mai 2009 par Oural

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La grippe A est désormais le nom de la grippe épidémique déclarée au Mexique le 24 avril 2009. La grippe A H1N1 ou influenza A est le nom adopté par l’OMS. Il s’agit en cela de la reconnaissance que le virus de cette grippe s’apparente à celui dont la souche a causé la terrible grippe espagnole de 1918. Heureusement, la symptomatologie grippale due à ce virus et sa virulence sont beaucoup moins dangereuses que celui de 1918.

La dénomination de grippe A constitue l’épilogue d’une valse des appellations aux enjeux et aux conséquences  politiques et économiques  Voici le rappel des faits de cette affaire de grippe sémantique dans laquelle les médias jouent un rôle crucial.

La grippe porcine : une dénomination abandonnée pour 3 raisons

1. Un motif scientifique : l’organisation mondiale de la santé animale (l’OIE) rappelle que le virus de cette grippe née au Mexique résulte de la combinaison de gènes de virus porcins, aviaires et humains. De plus, si la grippe est contagieuse, cette contagion se transmet d’homme à homme et non du porc à l’homme.
2. Un motif économique : les éleveurs de la filière porcine s’alarment de l’appellation de grippe porcine qui semble inférer que la viande de l’animal est la source de l’infection. Face aux risques économiques, la grippe est débaptisée mais le mal est fait. Certains États décrètent une limitation des importations de viande porcine. L’Égypte ( pays musulman dont presque aucun média n’explique pourquoi il possède des élevages de porcs*) décide l’abattage de tout son cheptel porcin.
3. Un motif religieux : un cas est avéré en Israël. Le vice-ministre de la santé propose de renommer cette grippe en grippe mexicaine. Le porc est impur dans la religion juive.

La grippe nord-américaine et la grippe mexicaine : la communication qui stigmatise

L’organisation de la santé animale, certains États ( le Brésil, le Canada) indiquent qu’en toute logique cette grippe devrait s’appeler grippe nord-américaine ou grippe mexicaine. Les médias relaient l’information. Si l’appellation de grippe nord-américaine ne choque personne, l’appellation de grippe mexicaine met directement en cause le gouvernement de Felipe Calderon, le président du Mexique.
Pour éviter la stigmatisation, la commission européenne propose l’expression de « nouveau virus de la grippe ». Finalement, l’OMS rebaptise la grippe en grippe A du nom de la souche virale dont elle est une des maladies les plus répandues.

Grippe A H1N1 : consensus politique et médiatique

Aujourd’hui, il semble que la majeure partie des États et des médias aient adopté la sémantique strictement scientifique de grippe A H1 N1. Ce consensus satisfait tous les acteurs politiques de cette guerre des appellations dont les médias sont les grands relais.
Car les différents épisodes du baptême de cette grippe ont montré la dimension démiurgique des médias. La réalité  est  d’abord une réalité reconstruite par le relais des médias. Et la réalité médiatique est d’abord une réalité nominative.
Le nom crée l’objet et cette patronymie  semble induire à la fois les caractéristiques de l’objet mais aussi sa vision perçue par le public.
Plus que jamais, il faut que les médias fassent la différence entre la communication et la pédagogie. C’est cette différence  qu’a compris le portail internet  suisse Romandie News qui a adopté dès le début de cette épidémie ( voire de cette pandémie) une attitude très didactique.

* Romandie News est l’un des rares médias à avoir expliquer que ces élevages sont la propriété de chretiens coptes.


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