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Depuis quelques mois je dépose sommairement chaque livre lu en marge de ce blog, aussi peut-être comme un obscur décompte, mais surtout parce qu’il m’apparaissait de manière de plus en plus évidente que se dessinait là aussi comme une dérive à travers l’expérience accélérée du monde. Et comme les dessins qu’on fait aux étoiles j’aime rêver sur ces lignes d’erres ponctuées de livres. Hier j’avais une chambre en Hollande avec Bergounioux depuis laquelle je traversais en toute clarté une partie d’histoire voyant les choses se tisser et finalement s’atteindre. J’ai erré derrière des chiens après Rolin traversant là encore des pays. J’ai entendu du dedans les fissures d’une tête avec Chloé Delaume. J’ai suivi la sobriété poignante d’une vie en croisant d’autres pour se gagner avec Fabienne Swiatly. J’ai reçu un vif éclat et basculé la langue au contact de Mathieu Bénézet. Hier j’ai regardé un film sobre et émouvant, m’en suis re-projeté des scènes comme on heurte un diapason et le porte à l’oreille pour vérifier. J’essayais de suggérer à des élèves en disant les émotions du film, les échos qu’ils peuvent éveiller, que peut-être l’art avait ce rôle bizarre de compresseur, qu’il proposait des raccourcis expressifs qui nous replongeaient dans le monde et en nous même. Et parfois les livres me suggèrent d’aller les écrire au dehors dans le même retournement qui faisait dire à Filiou que l’art c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art. A travers ces fictions on va à la rencontre du monde, cadres pour y aborder, et bizarrement aussi pour s’en défaire et aller autrement.