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La police lausannoise roule les mécaniques

Publié le 02 mai 2009 par Alain Hubler

Tous fichés ?Le bilan de l’opération policière menée dans le cadre de la manifestation du 1er mai a de quoi faire sourire : des cagoules et quelques dizaines d’œufs remplis de peinture*. Tu parles d’armes de destruction massive !

La police lausannoise avait pour objectif d’extraire – comme on extrait une dent cariée ? – les « autonomes » du « bloc révolutionnaire » avant qu’ils ne puissent agir de quelque manière que ce soit. Selon mes informations, la police aurait annoncé cette intention à la direction de la manifestation au départ à Saint-François. Cette dernière n’aurait rien trouvé à redire : qui ne dit mot consent.

Le déroulement de l’opération fut pour le moins étrange puisque la police lausannoise, aidée de la gendarmerie cantonale, a attendu que le cortège arrive en fin de parcours pour intervenir et coincer deux douzaines de « dangereux autonomes » qui n’avaient strictement rien fait. Les contrôles d’identité montreront de surcroît qu’ils ne possédaient pas d’armes de destruction massive, hormis les terribles oeufs évoqués ci-dessus.

Shérif, fais-moi peur !

Non seulement il ne s’était rien passé jusque-là, mais il ne pouvait vraisemblablement plus rien se passer : au bout du pont Chauderon, il n’y a rien, pas de McDo, pas d’UBS, pas de signe extérieur du capitalisme arrogant. Rien de rien. Sauf un nombre impressionnant de policiers en tenue anti-émeute, bien visibles, alignés derrière leurs boucliers pour barrer une route que personne n’avait l’intention d’emprunter. Rien de tel pour mettre le feu aux poudres. Comme si cela ne suffisait pas, c’est le moment précis que les stratèges de la police lausannoise choisirent pour extraire la grosse poignée de « révolutionnaires » qui n’avaient toujours rien fait à part courir vers je ne sais où. Ce fut l’occasion pour le groupe d’anti-émeutes de bousculer quelques manifestants et d’en plaquer, sans ménagement, un ou deux autres au sol.

Toujours est-il que cette intervention complètement disproportionnée et désordonnée a eu pour conséquence une situation parfaitement kafkaïenne : une bonne soixantaine de policiers anti-émeutes coinçant dans une nasse une petite centaine de militants syndicaux, de politiciens, de travailleurs, de jeunes, de vieux en plein milieu du carrefour qui s’est retrouvé bloqué pour le coup. Personne ne bougeait, personne n’avait l’intention de bouger. Les manifestants n’avaient aucune envie de s’en prendre à la police qui le leur rendait bien. Deux troupeaux de jeunes chats la queue et l’échine à peine hérissée qui attendaient que rien ne se passe.

Après plusieurs coups de téléphone sans réponse, une fois le municipal de police atteint, les policiers partirent enfin et ceux qui étaient restés coincés dans la nasse purent rejoindre l’esplanade Montbenon où les discours se succédaient. On aurait pu en rester là. Mais … pendant ce temps, la vingtaine de « dangereux révolutionnaires » subissaient un contrôle d’identité à la promenade Schnetzler où ils s’étaient fait cerner. Les contrôles d’identité, effectués par la police judiciaire, aboutissaient à pas grand-chose et même à rien, si ce n’est une leçon de morale d’un supérieur à une maman qui venait récupérer ses ados qui avaient le tort de porter un masque chirurgical et une tenue noire. Vous avez dit délit de faciès ? Un joyeux drille à l’esprit caustique me lança : « la PJ a ouvert un APEMS** ! »

La « kafkaïtude » continuait son bonhomme de chemin. C’est alors que la police décida d’emmener, pour une raison inconnue, à l’hôtel de police une dizaine de jeunes et très jeunes déjà contrôlés. Rappelons qu’il ne s’était toujours rien passé à ce moment-là. Bien évidemment que celles et ceux qui écoutaient, ou pas, les discours des orateurs sur l’esplanade Montbenon en ont eu vent et qu’un groupe s’est formé pour aller empêcher cet « embarquement immédiat ». En un clin d’œil, le fourgon des pompiers destiné à transporter les interpellés fût encerclé, les policiers eurent peur et appelèrent les anti-émeutes en renfort. Ces derniers arrivèrent pied au plancher et eurent toutes les peines du monde à arrêter leur fourgon sans écraser personne. Il y a un policier qui va se souvenir que l’avenue de Savoie est très pentue !

Peut-être conscients de la disproportion de leurs actions en regard de la situation, les policiers relâchèrent vite fait bien fait leurs proies et après un nouveau coup de téléphone au municipal de police, l’ordre leur fut donné de rentrer au bercail. Seul un petit groupe d’anti-émeutes resta un bout de soirée devant le Palace au cas où …

Bilan de l’opération : une démonstration de force qui aurait pu tourner à l’affrontement juste par provocation, quelques cagoules et des œufs pleins de peinture.

Ce qui est moins connu, c’est la pêche aux informations effectuée par la police lausannoise et la gendarmerie cantonale. Une pêche dont les prises consistent en fichiers et en enregistrements vidéos : la vingtaine de « dangereux révolutionnaires » a été consciencieusement filmée et fichée, la police leur a même passé des bracelets d’identification numérotés dont certains sont munis d’un code-barres qui doit vraisemblablement faire le lien avec un dossier informatique. En effet, à quoi servirait un code-barres sans lecteur optique, donc sans ordinateur ?

Qui dit ordinateur dit fichiers, ou fiches, et dit protection de la sphère privée. Une question se pose crûment : suffit-il d’être arrêté « préventivement » sur la base de son apparence physique pour se retrouver filmé, fiché et muni d’un bracelet avec un code-barres au poignet ? À quoi serviront ces informations, où et jusqu’à quand seront-elles stockées ? Des questions qui tombent en plein dans le domaine de compétences de la commission de gestion du conseil communal qui doit « veille[r], en particulier, à l’usage des instruments informatiques, en vue de prévenir toute utilisation abusive et de garantir la protection de la sphère privée. »

Ça tombe bien, j’en fais partie.

—–

*Selon un haut dignitaire du PS, il s’agirait en fait d’un travail de diplôme de l’ECAL.
**Accueil pour enfants en milieu scolaire.


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