Beaucoup de projets de solidarité internationale naissent d'une opportunité de récupérer des dons matériels comme des médicaments ou des cahiers. Mais ces initiatives peuvent parfois manquer de rationalité quand elles sont réalisées sans connaissance suffisantes du terrain et peuvent être une arme à double tranchant.

L'association Une P'tite Goutte d'Eau a publiée aujourd'hui le portail association le témoignage d'un partenaire Burkinabé revenant sur la problématique du don, ce qui est pour nous l'occasion de revenir sur les enjeux, les maux et les alternatives possibles pour participer au mieux à la solidarité Nord-Sud.
Témoignage de l'association Une P'tite Goutte d'Eau
L'association Une P'tite Goutte d'Eau nous partage la réflexion d'un partenaire Burkinabé suite à l'interpellation de jeunes voulant amener cahiers, crayons et clé USB lors d'un séjour cet été... :
"Certaines pratiques loin de servir les Africains les rendent encore plus dépendants des autres. Nos cahiers sont subventionnés par l'Etat, ce qui réduit bien leur coût. D'ailleurs au primaire ils ont les cahiers et les bics gratuitement depuis l'année dernière. Au lycée c'est tout autre chose mais les fournitures coûtent moins chers, bien que l'on n'en fabrique pas. Pour les clés USB, il est vrai que ça coûte plus cher de les payer ici mais en les payant ici, non seulement les bénéficiaires auront leur matériel mais on permet à celui chez qui on achète, de profiter du projet par les bénéfices qu'il tire de la vente. Si on paie surtout avec un vendeur local, le bénéfice lui permettra entre autre, d'envoyer son enfant à l'école.
Nos pays deviennent des poubelles où on vient déverser n'importe quoi. On voit souvent du matériel médical qui encombre nos formations sanitaires déjà exiguës et qui ne nous servent pas ici. Et même si certains nous servent, ils viennent nous appauvrir dans ce sens qu'on peut les fabriquer ici et en les important gratuitement on crée de la concurrence déloyale.
Que peut-on reprocher à ces "généreux donateurs" (c'est le terme
consacré ici) qui agissent peut-être de bonne foi? C'est de ne pas
discuter au préalable avec les bénéficiaires pour recueillir leur
avis. Les gens pensent souvent bien faire alors qu'il pouvaient mieux
faire en impliquant les bénéficiaires dans la conception du projet.
Parfois même on passe à côté de la priorité.
Que peut-on reprocher aux bénéficiaires? C'est de s'agripper à cette
sagesse de chez nous (critiquable) qui dit de ne jamais refuser ce
qu'on te donne. Je pense que si tout le monde faisait comme toi
et moi, discuter avec les intéressés avant de finaliser les projets,
les projets seraient plus bénéfiques et plus efficaces..."
Le don, un cadeau à double tranchant
L'association Une P'tite Goutte d'Eau ajoute :
"En Égypte, même situation : tout peut se produire localement (y compris les médicaments) ; il faut savoir qu'avec un bic acheté en France, on en achète 19 produits localement (et adaptés à la chaleur en plus...). Bien des fois, nous nous sommes heurtés à l'incompréhension de certains ici ("puisqu'on nous les donne les bics, il faut les emmener")... Lorsque cela se produit aujourd'hui encore (de plus en plus rarement), après explications, nous incitons les donateurs à s'adresser à Emmaüs, ou vers des réseaux de soutien de sans-papiers ; et puis parfois on écoule aussi dans les vide-greniers..."
Jean-Séraphin de l'association Éducation et Développement avec les zabbalins du Caire partage à la suite de l'article un proverbe africain "Si tu fais quelque chose pour moi, si tu le fais sans moi, tu le fais contre moi".
En effet, les problèmes que posent les dons matériels sans analyses des besoins locaux posent de réels problèmes :
- Concurrence au marché local : L'apport de dons matériels venant du Nord réduit les possibilités du développement des marchés locaux en créant une concurrence inégale.
- Dépendance : Les envois de produits consommables (cahiers, médicaments, crayons) ne sont que des aides ponctuelles et irrégulières qui ne changeront pas le devenir des gens à long terme, et rendent dépendant les pays du sud à l'aide internationale.
- Inadaptation : Les marchandises envoyées ne sont que très rarement adaptées aux utilisations et besoins locaux.
- Problème de recyclage des déchets : Le problème est surtout posé par les produits pharmaceutiques, qui sont parfois inutilisés et jeter, posant alors des problèmes de pollutions.
Il est donc important de réfléchir aux actions menées par nos associations et sur l'ensemble de ses impactes (positifs et négatifs) et de savoir s'informer pour bien préparer les projets. Les actions de solidarité sont enrichies et pérennisées lorsqu'elles sont réaliser en partenariat avec une association locale. Ces partenaires connaissent mieux les enjeux locaux et sont indispensables à la création de projets solidaires.
Alternatives au don et développement durable

Zomm sur l'assoiation Une Petite Goutte d'Eau
Depuis quinze ans, l'association Une P'tite Goutte d'Eau soutient des partenaires du Sud engagés dans des programmes éducatifs. Le nom de l'association provient de l'envie de ses bénévoles d'agir à leur échelle pour la solidarité internationale : " "Chaque goutte d'eau a sa part dans l'immensité de l'océan" disait Gandhi... Mais "p'tite" cette goutte d'eau : après tout, ce n'est pas la taille qui compte, mais l'envie d'agir. Sinon, on ne ferait rien, vous ne croyez pas ? "

Une P'tite Goutte d'Eau a également fait le choix de rejoindre dès sa création le collectif nantais "Nord-Sud Agir pour le Commerce Équitable", parce que "rien ne changera là-bas, si nous ne bousculons pas nos modes de fonctionnement ici".
L'association Une P'tite Goutte d'Eau recherche régulièrement des bénévoles pour assurer la collecte, en prenant le temps de la rencontre, du lien propre au secteur associatif. "On rigole bien !" précise l'association ... ! Avis aux amateurs, n'hésitez pas à les contacter pour participer à leurs actions !
Pour aller plus loin dans la réflexion
- Dossier Le Don en question par l'association Cap Solidarités.
- Le don, une solution , un livre édité par Ritimo, réseau d'information pour le développement et la solidarité internationale.